Rions des Landes : fabrique de raquettes

13 octobre 1986
02m 46s
Réf. 00726

Notice

Résumé :

A Rions des Landes, une usine de raquettes de tennis s'est installée pour concurrencer les entreprises de Taïwan, où le marché est en expansion. L'usine artisanale travaille sur la conception et la réalisation de chaque raquette, qui passe, en une heure, dans douze mains. Il faut pas moins de 12 opérations pour créer une raquette de tennis : moulage, collage, équilibrage, sérigraphie, vernissage ... Le PDG, Gérard Guillemot, mise beaucoup sur la qualité des raquettes et a pour objectif d'obtenir, pour l'année en cours, un CA de 6 millions de francs. D'ores et déjà, l'entreprise vend vers l'étranger (20% des ventes). Reportage en commentaires voix off dans l'usine où sont fabriquées les raquettes.

Type de média :
Date de diffusion :
13 octobre 1986
Source :
FR3 (Collection: Sports hebdo )
Personnalité(s) :

Éclairage

Même si, historiquement et géographiquement, la commune de Rion-des-Landes (Arrion dans sa forme gasconne) appartient bien aux paysages des Landes de Gascogne, aux confins de l'ancienne baronnie du Brassenx, elle est rattachée depuis 1996 au "Pays tarusate" dont Pontonx-sur-l'Adour et Tartas notamment sont des communes importantes. Le destin de Rion aurait pu être celui d'un modeste bourg rural des "Grandes Landes" si sa vocation économique n'était pas devenue industrielle. Pour deux raisons essentielles : d'une part, la commune est traversée par la voie ferrée Bordeaux-Hendaye par Dax et Bayonne, ouverte en 1854, ce qui devient un avantage au moment où la forêt s'étend et devient "industrielle" ; d'autre part, précisément grâce aux sous-produits des boisements en pins maritimes (les pinhadars), naît une activité industrielle, en particulier autour de la chimie. En 1926 notamment est créée la "Société Landaise de Produits Chimiques" produisant charbon de bois, goudrons et "pyroligneux" ; elle devient en 1933 la "Manufacture Landaise de Produits Chimiques" qui, après avoir diversifié sa production, se dénomme en 1998 "MLPC International", devenant un peu plus tard (2005) filiale à part entière du groupe Arkema.

Dès lors on comprend que la commune de Rion-des-Landes passe de 1 727 habitants en 1851 à 1 935 en 1856 et franchisse – pour s'y maintenir constamment – la barre des 2 000 habitants après 1860 (près de 2 500 personnes dans les années 2010).

Ce reportage de 1986 pouvait laisser entendre que cette entreprise innovante fabriquant des raquettes de tennis était promise à un bel avenir. Il n'en a rien été (1), mais un certain contexte peut expliquer cette implantation a priori surprenante à Rion-des-Landes.

L'entrepreneur saisit une opportunité sportive et économique : le développement du tennis dans les années 1980. En effet, "sport élégant" (2) et plutôt élitiste, il se démocratise, les effectifs passant de 167 110 licenciés pour 1 607 clubs affiliés à la fédération française de tennis en 1970 à, respectivement, 311 382 pour 2 835 en 1975 et à 801 054 pour 4 822 en 1980. L'essor de cette discipline est certainement dû à sa médiatisation, à la multiplication des courts, même dans des communes modestes et sans tradition de pratique ancienne, et assurément aux succès internationaux du joueur Yannick Noah, vainqueurs de plusieurs tournois dont celui de Roland-Garros le dimanche 5 juin 1983, face à Mats Wilander.

Certes les "dragons asiatiques", c'est-à-dire les nouveaux pays industrialiés d'Extrême-Orient (Corée du Sud, Taïwan et les "villes-État" que sont Hong-Kong et Singapour), sont alors à l'affût de toutes les innovations et opportunités techniques ou financières pouvant leur permettre de se lancer dans une croissance alors sans frein. Une main d'oeuvre jeune et nombreuse n'y demande qu'à s'employer. Les entreprises, avec leur stratégie en "vol d'oies sauvages", à l'image du Japon des années de haute croissance, font preuve d'un dynamisme souvent étonnant. Elles sont paradoxalement aidées par les entreprises des vieux pays industrialisés d'Europe occidentale et d'Amérique du Nord qui trouvent avantage à délocaliser leurs productions, voire leur savoir-faire, dans ces contrées lointaines. Cependant, d'autres concurrents se préparent fébrilement, notamment la Chine de Deng Xiaoping qui monte inexorablement en puissance avec en particulier sa politique d'ouverture économique littorale. En 1986, la balle est dans le camp de la petite entreprise rionnaise, mais les jeux sont-ils faits ? La mondialisation est aussi un jeu de billard à trois bandes.

(1) L'entreprise – "SATIM" était sa raison sociale – disparaît au début des années 1990, non sans mettre d'ailleurs la municipalité dans l'embarras en raison du crédit-bail qui avait été engagé...

(2) Pour reprendre l'expression utilisée dans les années 1920, quand fut lancée la station balnéaire d'Hossegor, dite des "sports élégants" sur les publicités de l'époque.

(3) En 1992, les effectifs atteignent 1 317 319 licenciés pour 10 111 clubs.

Jean-Jacques Fénié

Transcription

Journaliste
Rion-des-Landes, 2500 habitants. Rion-des-Landes a au moins un point commun avec Taïwan. Ce n’est pas l’église, ni le kiosque à musique et encore moins les arènes. Le point commun de Rion-des-Landes avec Taïwan se trouve dans cette usine, en pleine forêt landaise. Ici, on fabrique des raquettes de tennis et on veut concurrencer les importations de Taïwan. Et pourtant, c’est un marché bien encombré déjà. C’est une aventure, nous dit Gérard Guillemot, le PDG de cette entreprise, mais une aventure bien pesée. Le point de départ, c’est la passion de Gérard Guillemot pour le composite. Il fabriquait déjà des machines de moulage pour le composite et l’idée lui est venue de faire des moulages pour des articles de sport et notamment la raquette de tennis. A Rion-des-Landes, on conçoit et on réalise. Le début de la chaîne, le voici, un rouleau de verre et un rouleau de carbone. Et à la demande, on fait un mélange suivant la rigidité ou la souplesse que l’on souhaite. Ensuite, c’est la première opération, l’une des plus importantes et l’une des plus secrètes : On roule ce mélange comme un cigare pour obtenir un mégot, un mégot que l’on chauffe. La chauffe, c’est la clé de la qualité. Il s’en suivra par la suite onze autres opérations qui vont du moulage, de l’usinage, du collage du manche à l’équilibrage, en passant par le ponçage, la peinture, la sérigraphie et le vernissage. Une raquette est ainsi fabriquée en une heure un quart par 12 personnes. C’est un travail artisanal avec un impératif face à la concurrence, faire un produit de qualité. Cette production de raquettes de tennis a débuté en mars 85. Et pour ses dix premiers mois, il est sorti de cette chaîne 20 000 raquettes, objectif 86, 30 000. Chiffre d’affaires pour 85, 4 millions de francs. Pour 86, on pense atteindre les 6 millions de francs. Mais Gérard Guillemot veut également jouer la carte de l’exportation. Ses premiers clients à l’étranger sont l’Espagne et le Portugal, un heureux hasard avec l’actualité. Aujourd’hui, 20 à 30% de ces raquettes partent à l’étranger, avec un risque, la fluctuation du dollar. Pour Gérard Guillemot et ses 30 salariés, l’aventure est bien partie. Et pourtant, ici, dans cette entreprise, personne ne joue au tennis. Disons peut-être que le seul lien avec ce sport, c’est la petite ressemblance de Gérard Guillemot avec Philippe Chatrier, le Président de la Fédération Française et Internationale de Tennis.