Histoires de votre ville : Sore
Notice
Monographie du village de Sore, dans les landes, préparée par des élèves de cm2du village. Leur maîtresse et F. Hubert du service histoire écomusée de la grande lande, leur raconte l'histoire des différents monuments de la ville. L. Descoubes présente quelques cartes postales qu il a sur le village. Les enfants expliquent ensuite comment ils ont procédé pour constituer ce dossier sur Sore.
Éclairage
L'année 1980 est classée « année du Patrimoine », ce qui engendre une profusion d'initiatives pour sensibiliser le grand public à la nécessité de conserver les traces du passé.
Cette notion de « patrimoine » (du latin patrimonium, « hérité du père ») émerge à la Révolution française qui en fait un instrument privilégié de la construction nationale. Dès la Constituante, le patrimoine historique et artistique suscite, de fait, une réflexion fondatrice à l'origine de la création, sous la Monarchie de Juillet, de l'Inspection générale des Monuments historiques, même s'il faut attendre la IIIe République pour qu'un cadre juridique protège les monuments (lois de 1887).
Cette acception, initialement restreinte à l'héritage bâti et aux œuvres d'art, évolue un peu plus tard, dans la première moitié du XXe siècle, quand on prend également en considération les sites naturels fréquentés par les classes privilégiées dès le milieu du XIXe, accessibles au tourisme de masse après les lois sur les congés payés de 1936.
Les dommages causés par le second conflit mondial accélèrent ensuite la prise de conscience de la valeur de ces legs quand, paradoxalement, les années de la Reconstruction, résolument tournées vers le modernisme, altèrent à la fois l'environnement urbain et laissent en déshérence le patrimoine rural, jugé mineur.
En ce sens, l'année 1980 amorce donc un tournant décisif en validant l'extension du champ d'action au patrimoine culturel (matériel et immatériel) et en créant une Mission du patrimoine ethnologique (1). On découvre alors la valeur d'un héritage de proximité, la beauté du petit patrimoine bâti (fontaines, lavoirs, chapelles, croix de carrefour...) mais aussi l'importance de l'histoire locale, partie prenante de la Grande Histoire.
Parallèlement, les marchands de cartes postales anciennes font florès ; chez les bouquinistes, la cote des ouvrages régionalistes ne cesse de croître et aux Archives départementales, les généalogistes affluent. Dans les Landes, on redécouvre Félix Arnaudin (2).
Tandis qu'à Paris le président Valéry Giscard d'Estaing remet les prix du concours des « Chefs-d'œuvre en péril », organisé par Antenne 2, le cours élémentaire de Sore, petit bourg ancré aux confins des Landes et de la Gironde, fait connaissance avec son environnement immédiat, sous la houlette de l'institutrice et de François Hubert, du service éducatif de l'écomusée de la Grande Lande de Sabres (3). Le travail de collectage ici réalisé préfigure donc, en somme, les classes culturelles (classes patrimoine, classes nature...) entérinées par la circulaire n° 89-279 du 8 septembre 1989.
Ainsi, les enfants découvrent que Sore (Sanctus Johannes de Sore, XIe-XIIe s.), au cœur de la « lande de Mauriac », joue un rôle important au Moyen Âge (4) : les Albret y possèdent un château au XIIIe siècle avant que le bourg ne devienne le centre d'une importante châtellenie. De ce château, situé sur la rive droite de la Leyre, au lieu-dit La Ville, ne subsistent que les vestiges d'une motte tandis que l'hôpital pour les pèlerins, construit à proximité, a totalement disparu (5).
La « porte des Anglais », toujours visible au lieu-dit Le Moulin, est le dernier témoignage d'un ensemble de fortifications comportant trois ouvertures (6). À ce legs original s'ajoutent, restaurées dans les années 2000, les peintures murales (XIIIe et XVe siècles) de l'église paroissiale qui n'a conservé de son architecture primitive qu'un chevet surélevé roman.
(1) Ce ministère s'intitule d'ailleurs « Ministère de la Culture, de l'Environnement et du Cadre de Vie ».
(2) Félix Arnaudin (1844-1921), né et mort à Labouheyre, dans les Landes, a consacré sa vie à la mémoire de son patrimoine local. Il est à l'origine du concept de Grande Lande. Cet ethnologue autodidacte a laissé une œuvre immense que le Parc naturel régional des Landes de Gascogne a publiée en 9 tomes, de 1994 à 2007. Grâce au fonds photographique qu'il a légué à la postérité, les Landais ont une bonne connaissance d'un patrimoine qui a été largement bouleversé au cours du XXe siècle.
(3) François Hubert est aujourd'hui, en 2013, conservateur en chef et directeur du musée d'Aquitaine, à Bordeaux.
(4) La paroisse primitive s'est établie sur un promontoire dominant la vallée de la Petite Leyre. Si l'on en croit le toponyme, qui émane sans doute du cognomen aquitain Sorus, ses origines sont antiques.