Lille à partir du XVIIe siècle

09 mars 1977
06m 08s
Réf. 00036

Notice

Résumé :
Au XVIIe siècle, Lille s’agrandit à nouveau, les bourgeois se réunissent dans la Bourse, symbole de la prospérité de la ville. Sous le règne de Louis XIV, Lille est rattaché à la France. Vauban la fortifie avec la Citadelle et l’agrandit. Dans les paroisses Saint-Maurice, Sainte-Catherine, Saint-Sauveur, les ouvriers du textile s’installent dans les courées. Déjà s’annonce le temps de l’industrie.
Type de média :
Date de diffusion :
09 mars 1977
Source :
Lieux :

Éclairage

Après la mort de Charles le Téméraire, le 5 janvier 1477, les Lillois restent fidèles à sa fille Marie et à son époux, Maximilien d’Autriche. Ce dernier devient le régent, en 1482, car son fils Philippe le Beau n’a que quatre ans. Les Flamands se révoltent, mais Lille prête serment, en juillet 1483. Malgré tout, les Lillois restent assez prudents et s’efforcent de conserver un semblant de neutralité.

Lille conserve au XVIe siècle l’aspect qu’elle avait à la fin du Moyen Âge puisqu’aucun agrandissement n’intervient avant 1604 malgré les besoins et les projets (une demande avait été faite par le Magistrat en 1539). Elle reste donc une ville étirée essentiellement selon un axe nord-sud, enserrée dans des remparts, jalonnée de nombreuses tours, les communications avec l’extérieur sont canalisées par huit portes : celles de Saint-Pierre (vers Ypres), de Courtrai, des Reignaux (nommée plus tard de Saint-Maurice, vers Roubaix), de Fives (vers Tournai), de Saint-Sauveur (vers Valenciennes), des Malades (vers Douai, qui deviendra la porte de Paris en 1692), du Molinel (vers Béthune) et de la Barre (vers Armentières).

Le visage de Lille se modifie très sensiblement entre 1593 et 1621 avec la construction de nombreux bâtiments (une nouvelle halle échevinale, la construction du collège des Jésuites), et surtout deux agrandissements successifs de l’enceinte.

À la mort de Philippe II, Lille est une ville prospère dont la population avoisine 35 000 habitants. Mais sa superficie n’a pas varié depuis l’extension de 1415 et le besoin se fait pressant d’un nouvel agrandissement de l’enceinte. Celui-ci s’opère en deux étapes : de 1603 à 1605, la ville s’étend sur son flanc ouest, en 1617 sur son flanc nord-est ; en 1577 déjà, on a abattu les murailles du château de Courtrai du côté de la ville. Les derniers vestiges de la vieille citadelle disparaissent en 1617.

L’agrandissement de 1603, œuvre de Mathieu Bollin, eut pour but de supprimer le rentrant de la muraille, entre la porte des Malades et la paroisse Sainte-Catherine. Sur la portion supprimée s’ouvrait la Porte des Moleniers abattue et remplacée dès 1606 par la porte Notre-Dame (à l’extrémité de l’actuelle rue de Béthune).

En 1617, au nord-est, les travaux furent plus considérables puisqu’il s’agissait de réunir l’ancienne porte du Rivage à la Porte des Reignaux en englobant le site du château de Courtrai et en édifiant deux nouvelles portes. Les deux portes édifiées sont parvenues jusqu’à nous, porte de la Madeleine, aujourd’hui porte de Gand, et la porte Saint-Maurice, aujourd’hui de Roubaix. Elles sont bâties toutes les deux sur le même modèle. Du côté de la campagne, elles dressent comme une muraille leur robuste façade aveugle percée du seul passage voûté : aucune autre décoration qu’un lourd blason et une niche au centre du couronnement crénelé. De l'intérieur, les façades, sur un rez-de-chaussée de gresserie, élèvent un étage de brique percé de fenêtres sans aucun ornement. Mais sous ces fenêtres, entre deux cordons de pierre, court un large bandeau de briques disposées en chevrons. Et ce simple jeu de lignes, souligné d’une discrète polychromie, suffit à animer ces bâtiments.

On voit s’élever, avant le milieu du siècle, une grande quantité de demeures cossues et décorées et quelques édifices publics importants dont l’influence devait se faire sentir sur l’habitation privée. La construction fut particulièrement active à partir de 1625-1630. Elle se partage en deux tendances dont l’une, prolongeant le style simple et austère du Rihour, aboutit aux bâtiments sur cour de l’Hospice Comtesse, vers 1650. L’autre plus fleurie, empruntant aux styles maniéristes flamands, propage à travers la cité le goût d’une sculpture, de plus en plus abondante et prépare directement le baroque décoratif de Julien Detrez avec la Bourse, aujourd’hui appelée la Vieille Bourse. En 1651, le Magistrat décide d’édifier au centre de la cité, sur la place du Marché, la Bourse des Marchands. L’abondante décoration sculptée révèle l’existence à Lille de nombreux ateliers "d’ymagiers" : celui des Maille venus de Bruxelles ; pour la Bourse, les textes mentionnent le nom de François de Monchy, maître-sculpteur. La Bourse résume et conclut de façon magistrale les expériences lilloises de la première moitié du siècle.

L’intégration de Lille dans le royaume de Louis XIV fut un événement capital. La gloire impériale au temps de Charles-Quint et l’autonomie garantie par les Archiducs en un âge d’or avaient confirmé le particularisme ; la distance qui séparait Lille de l’Escurial facilitait, au milieu du XVIIe siècle, les initiatives locales. Les Lillois appréhendaient un changement de maître si le jeune et entreprenant Louis XIV devenait leur souverain. Louis XIV n’ignore pas le long passé d’hostilités entre "Franchois et Flamands". Tout en préparant sa campagne militaire, il prend soin de justifier son initiative. Le célèbre tableau du Siège de Lille de van der Meulen retrace les combats du mois d’août 1667. Le 28 août, la Porte des Malades fut remise aux Français… Vers 15 heures le Roi fit son entrée à Lille…

Les relations restent tendues entre les Lillois et le Roi, des incidents éclatent encore en 1681 et 1683. C’est dans ce contexte psychologique, politique, militaire que se place la construction de la Citadelle. Vauban, pressenti, voit ses plans acceptés en novembre 1667. Dès lors commence la construction de cette citadelle décrite comme "la plus belle qu’il y ait en Europe". Dès décembre 1667, 400 ouvriers travaillèrent aux fossés ; deux mois plus tard, 1400 venaient renforcer les travailleurs sans compter les soldats et régiments logés dans la ville. On fit appel aux carriers de la région, on exploita les sous-sols de Lezennes, on réutilisa les parpaings des masures, des clôtures de villages… Elle est achevée en 1673.

Lille devint à cette période une vraie capitale administrative, chef-lieu de l’intendance de Flandre wallonne comprenant les trois châtellenies de Lille, Douai et Orchies, la ville de La Gorgue et le Pays de Lalleu, la ville et Verge de Menin, Tournai et le Tournaisis ; après le traité de Nimègues (1678), furent ajoutés la ville et la prévôté de Valenciennes, Condé-sur-Escaut et ses dépendances, Cambrai et le Cambrésis, la ville et la châtellenie de Bouchain.

L’agrandissement de 1670 fut l’occasion pour l’administration française d’imposer ses vues au sujet de la construction des nouveaux immeubles. Elle confia le soin de fixer les normes et le dessin général des édifices. Ces modèles propagèrent les influences françaises adaptées aux habitudes locales : simplicité de la composition générale, absence de relief et de décor sculpté, jeu de lignes horizontales et verticales, tableaux de brique encadrés de bandeaux de pierre. En même temps, les décorateurs lillois renouvellent les sources de leur inspiration : les bibelots et objets d’art parisiens affluent sur le marché lillois, de nouveaux motifs apparaissent : amours et chérubins apparaissent au sommet des trumeaux, les chefs de femmes entourés de feuillages, les figures casquées…

Au niveau de la vie quotidienne pendant la période française, malgré les difficultés, fêtes et divertissements profanes accompagnent les manifestations officielles et religieuses (défilé des corporations sur la Grand-Place, fêtes organisées à l’occasion de la naissance du Dauphin en septembre 1729, etc.).

Cependant, pendant la période française, la ville connut de dures difficultés, surtout à la fin du règne de Louis XIV : crise d’approvisionnement, crise de subsistances, pauvreté, mendicité, qui entraînent des réactions violentes. On dénombre une proportion importante de mendiants dans les paroisses lilloises (en 1700, 205 à Saint-Sauveur, 121 à Saint-Maurice par exemple). La charité et l’assistance s’organisent. La guerre de succession d’Espagne ne va pas améliorer la situation. L’hiver 1709 va être particulièrement difficile, accentué par les méfaits du temps.

De passage à Lille en 1788, le voyageur anglais Arthur Young écrit : "C’est une des villes les plus commerçantes et les plus industrielles de la France". En réalité, cette prospérité est en trompe l’œil. La fabrique textile subit la concurrence des produits anglais et les faillites se multiplient. Le chômage progresse. Un bon tiers de la population souffre d’un paupérisme croissant. Le "méchant hiver" de 1788-1789 attise ces difficultés. Le gel intense, puis le dégel brutal accompagné de chutes de neige en avril laissent prévoir une mauvaise récolte, comme en 1788. Toutes les conditions sont réunies pour faire naître des troubles au moment où Louis XVI, impuissant à résoudre la crise financière, doit se résigner à réunir les états généraux.

Déjà, s’annoncent le temps de l’industrie et le développement industriel et commercial considérable, dans la première moitié du XIXe siècle…
Martine Aubry

Transcription

Serge Martel
Au début du XVIIème siècle, nouvel agrandissement de Lille.
(musique)
Serge Martel
Les portes de Gand et de Roubaix sont les traces encore visibles de cette croissance.
(musique)
Jeannine Mazingue
Les bourgeois s’enrichissent dans le commerce. Pour traiter leurs affaires, ils se réunissent dans la bourse aux décors exubérants, symbole de la prospérité de la ville.
(musique)
Serge Martel
Pendant le règne de Louis XIV, Lille est rattachée définitivement à la France.
(musique)
Serge Martel
Agrandie et fortifiée par Vauban, Lille devient une place de guerre imposante.
(musique)
Jeannine Mazingue
C’est à Lille que résident l’intendant de Flandre et le gouverneur, représentants du roi.
(musique)
Jeannine Mazingue
Le style français s’impose.
(musique)
Jeannine Mazingue
Chaque année, de nombreuses corporations défilent sur la grande place.
(musique)
Jeannine Mazingue
Mais déjà, dans les paroisses Saint-Maurice, Sainte-Catherine et Saint-Sauveur, les ouvriers et les artisans du textile s’entassent dans les premières courées.
(musique)
Serge Martel
Des villes nombreuses, des campagnes riches et actives, c’est ainsi que notre région apparaît aux voyageurs qui la traversent en 1789.
(musique)
Serge Martel
Mais déjà, s’annonce le temps de l’industrie.
(musique)