Des éleveurs du "Canari club d'Hénin-Liétard"
Notice
Membre du "Canari club d'Hénin-Liétard" (aujourd'hui Hénin-Beaumont), Monsieur Blois parle de la passion du mineur pour l'élevage des canaris. Ces oiseaux étaient utilisés dans la mine pour découvrir le grisou. Son élevage nécessite peu de place et convient à l'habitat du mineur. Son intérêt à cette passion : la beauté des oiseaux et le coût faible de l'élevage. Monsieur Reade, lui, élève des canaris et des oiseaux exotiques pour les concours.
Éclairage
Perpétuant dans une longue tradition (une première société de "pinsonniers" est fondée à Hazebrouck en 1757), la sérinophilie (élevage d'oiseaux et concours de chants) est une activité très répandue dans le Nord de la France et en Belgique, dès la fin du XIXe siècle. Pinsons, canaris et serins étaient alors préparés au chant par des "cloutiers" (qui les aveuglent au moyen d'un fil de fer rougi au feu, l'oiseau aveuglé produisant un plus beau chant), entraînés par leurs propriétaires en vue de concours de chant dotés de prix. Ces pratiques ont été interdites en France et les concours restent encadrés par l'Union Ornithologique de France (UOF) depuis 1946 ou la Fédération Française d'Ornithologie (FFO) depuis 1955.
Si cette activité est en forte diminution à la fin des années soixante, l'élevage d'oiseaux, pinsons, mais aussi comme on le voit ici, oiseaux exotiques, demeure présente en pays minier, s'inscrivant dans la palette de ces "loisirs ordinaires" (peinture, jardinage, bricolage) que le mineur peut pratiquer chez lui, à moindre coût. Naguère utilisés dans les puits de mine pour détecter non pas le grisou, gaz inodore, mais le monoxyde de carbone, autre danger de la mine, les canaris sont ici élevés à des fins de concours, organisés de novembre à février dans les arrière-salles des cafés. Ils viennent s'ajouter à un "bestiaire" animalier déjà riche des pigeons (colombophilie), combats de coqs (gallomachie), courses de chiens-ratiers, concours de décapitation d'oies ou de canards qui s'inscrivent depuis le XVIIIe dans la géographie du pays minier.
L'attrait pour l'élevage des canaris se justifie par plusieurs raisons. Tout d'abord, la proximité de la Belgique où sont organisés de nombreux concours de canaris. Moins connus du grand public, contrairement au concours de lâchers de pigeons, les concours de canaris sont très prisés par les Belges qui, comme pour la colombophilie, exporte cette pratique lors des immigrations du XIXe siècle. Ensuite, les mineurs s'intéressent aux canaris pour leur beauté notamment celle des oiseaux exotiques qui disposent d'une variété de couleurs peu courante dans le paysage minier. Enfin, la petitesse des parcelles des logements en cité minière ne permettant pas toujours la construction d'un pigeonnier à l'extérieur, conduits les mineurs à préférer les canaris aux pigeons. En effet, les canaris ne demandent pas beaucoup de place. Quelques cages ou une petite volière suffissent. De plus, contrairement aux pigeons, les frais d'alimentation des canaris sont peu importants, le prix des graines étant peu élevés.