Charles Humez : de la mine à la boxe

06 février 1959
02m 02s
Réf. 00050

Notice

Résumé :

L'ancien champion de boxe, Charles Humez a pris sa retraite à l'âge de 32 ans et est retourné à Hénin-Liétard (aujourd'hui Hénin-Beaumont). Il revient sur sa carrière et évoque la dureté de ce métier. Ancien mineur de jour, la boxe lui a permis de se sortir de ce milieu et de gagner de l'argent pour sa famille. Il pense que si on n'a pas souffert étant jeune, il est difficile de faire de la boxe, c'est pourquoi elle est pratiquée par beaucoup d'ouvriers.

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Date de diffusion :
06 février 1959
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Éclairage

Né à Méricourt en 1927 et issu d'une famille modeste, Charles Humez entre dans la vie active au décès prématuré de son père en 1941. D'abord aide-cimentier, il est ensuite employé à la fosse n°7 de Fouquières-lès-Lens où il décharge les berlines. Découvrant la boxe en 1941 dans l'arrière salle du café de la mairie, il rejoint en 1943 le Boxing-club local où il remporte à l'âge de 15 ans son premier combat. Au départ pour l'amusement, comme pour les autres enfants de la cité, Charles Humez ne pensait pas faire de la boxe son métier. Son départ pour le Boxing-club d'Hénin-Beaumont, alors entraîné par Louis Sion, marque les débuts de sa carrière : Champion régional des Flandres en septembre 1944, il remporte un premier titre de Champion de France amateur en catégorie "welters" en avril 1948, avant de participer à la finale des Gants d'Or à Chicago cette même année. Passé professionnel, il entame alors une longue carrière couronnée de nombreux titres (en 1954, il est champion d'Europe des poids moyens) à laquelle il mettra fin en 1958, avant d'entamer sa reconversion sportive dans le monde du catch. A l'image de Georges Carpentier ou de Marcel Cerdan, également issus de couches populaires, la trajectoire sportive de Charles Humez souligne combien l'activité pugilistique a pu représenter un moyen de reconnaissance sociale. Pratique extrêmement répandue dans le Nord –Pas-de-Calais, la boxe anglaise développe des valeurs proches de celles du monde de la mine : souffrance physique, efforts répétés, dépassement des limites, privations quotidiennes.

Comme le souligne son témoignage, grâce à la boxe, Charles Humez a réussi à avoir une petite situation, ayant une maison et de l'argent pour le bien-être de sa fille, sa femme et lui-même. Le passage au professionnalisme a donc été pour Charles Humez l'unique moyen d'échapper à des conditions d'existences précaires et de s'élever socialement.

Olivier Chovaux

Transcription

Pierre Desgraupes
Est-ce que lorsque vous avez commencé à boxer, dans votre idée, c’était pour gagner de l’argent ?
Charles Humez
Quand j’ai commencé non, car j’ai fait ça un peu comme tous les gosses de la rue, il y a eu un club qui s’est formé. Et avant ça, mon frère m’avait emmené à voir deux ou trois réunions. Et j’ai fait de la boxe, comme je vous le dis, pour m’amuser, comme j’aurais pu faire du cyclisme, du football.
Pierre Desgraupes
Et ensuite ?
Charles Humez
Et ensuite, j’ai toujours gagné des victoires, le championnat de France, et j’ai pensé à en faire mon métier.
Pierre Desgraupes
Et là, vous vous êtes rendu compte que pour vous, c’était un moyen de sortir, de gagner de l’argent ?
Charles Humez
Oui, car vous voyez, avant j’étais mineur, en somme pas mineur de fond, mineur de jour. Je suis quand même arrivé grâce à la boxe, donc je veux dire merci, à me faire une petite situation, à avoir ma maison, avoir un peu d’agent pour le bien de ma fille, de ma femme et de moi-même.
Pierre Desgraupes
Oui, vous pensez que si vous aviez été un jeune homme riche, vous n’auriez pas fait une carrière de boxeur ?
Charles Humez
Mais il n’y a pas beaucoup de gens riches aussi qui font de la boxe.
Pierre Desgraupes
Oui.
Charles Humez
C’est beaucoup de voyous, je crois.
Pierre Desgraupes
Oui, et comment expliquez-vous cela ?
Charles Humez
Comme ça, pour faire de la boxe, il faut souffrir. Il faut se priver, beaucoup de privation, il faut savoir souffrir. Mais je crois, vous savez comme on a été, dans, en étant jeune, vous savez, si on n’a pas souffert un peu, je crois qu’on n’a pas une chance de réussir dans la boxe.
Pierre Desgraupes
Oui, et vous pensez que c’est difficile d’apprendre à souffrir, on ne peut pas apprendre ?
Charles Humez
C’est dur.
Pierre Desgraupes
Oui.
Charles Humez
Cette jeunesse, il faut savoir souffrir déjà tôt dans la vie. Pour faire un métier aussi dur que la boxe, actuellement, c’est beaucoup de privation et beaucoup d’endurance, beaucoup de volonté. Je crois que c’est au départ qu’on acquiert ça.
Pierre Desgraupes
Si vous aviez un fils, vous n’avez pas de fils, vous avez une fille je crois.
Charles Humez
Oui.
Pierre Desgraupes
Si vous aviez un fils, est-ce que vous souhaiteriez qu’il soit boxeur ?
Charles Humez
Non.
Pierre Desgraupes
Pour quelle raison ?
Charles Humez
Pour ça justement, parce que il faut trop souffrir à la boxe, il faut se priver, il faut aussi, et pour le faire, j’aurais mal au cœur de voir mon fils faire de la boxe.
Pierre Desgraupes
Merci, Charles Humez.