Cinéma : tournage de La Peau dure de Maurice Pialat

02 février 1968
02m 36s
Réf. 00001

Notice

Résumé :

Maurice Pialat tourne La Peau dure (distribué sous le titre L'Enfance nue) à Hénin-Liétard (aujourd'hui Hénin-Beaumont) dans le Pas-de-Calais. Dans une interview, le réalisateur évoque le sujet de son film et le choix du lieu de tournage : beaucoup de placements de l'aide sociale à l'enfance, au niveau national, se font dans le Nord et le Pas-de-Calais, et plus particulièrement dans les familles de mineur.

Date de diffusion :
02 février 1968
Source :
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Éclairage

Premier long-métrage de Maurice Pialat (1925-2003), L'Enfance nue (dont le titre initial était La Peau dure) est récompensé par le Prix Jean Vigo et révèle ce cinéaste hors norme. Ce reportage, réalisé pendant le tournage du film, nous livre une leçon sur le cinéma de Pialat tout en montrant comment un film peut intrinsèquement nous parler d'un territoire et d'une époque.

Pialat s'explique sur le choix du lieu de tournage. Souhaitant parler des enfants recueillis temporaires, pour aborder plus généralement la question de l'abandon (sujet qui lui tient particulièrement à cœur), il choisit d'ancrer son récit dans le Bassin minier. A l'époque, il explique dans Les Lettres françaises que c'est la région où les placements d'enfants réussissent le mieux, très certainement parce que la population y est déjà mêlée et que l'étranger y est mieux accepté.

Le film met en scène François, un jeune garçon de dix ans, abandonné par sa mère. Accueilli d'abord par les Joigny (le père, Robby, travaille à la mine), il ne parvient pas à trouver sa place et se montre violent. Il est ensuite placé chez les Thierry, un couple de retraités d'Hénin-Liétard (aujourd'hui Hénin-Beaumont). Il y trouve un certain équilibre et noue une relation privilégiée avec la mère de Mme Thierry. La mort de celle-ci le bouleverse et l'entraîne dans un nouvel acte de délinquance qui le conduit en centre d'observation.

Pialat prépare son film comme un documentaire et se livre à un véritable travail d'enquête : il écoute de nombreux témoignages, tant de la part des familles d'accueil que des enfants recueillis temporaires. Sa monteuse Arlette Langmann explique qu' "il y a eu cette rencontre extraordinaire avec les Thierry, qui fait que c'est eux-mêmes qui ont écrit leur rôle" (1) . Ils interprètent en effet leur propre rôle.

Acteurs en partie non professionnels, tournage en décor réel, travail d'enquête, expliquent les liens que la critique va faire entre la démarche de Pialat et le néoréalisme italien ou encore le cinéma pris sur le vif du documentariste québécois Pierre Perrault.

L'ouverture du film témoigne de cette démarche. Une manifestation filmée caméra sur l'épaule joue d'emblée la carte du documentaire. Elle ancre le film non seulement dans un territoire (deux mineurs en tenus de travail sont suivis par le porte-drapeau de la fanfare "La prolétarienne d'Hénin-Liétard"), mais aussi dans une époque. L'objet de la manifestation est le maintien du plein emploi dans la région. L'action du film se situe en 1967-1968, après les grèves de 1963 faisant suite à la mise en place du plan Jeanneney (1960) ouvrant la période de récession du bassin minier du Nord-Pas de Calais.

Pour les scènes d'intérieur, comme en témoigne ce reportage, Pialat souhaite aussi se plier au vrai décor. La caméra trouve difficilement sa place dans l'intérieur étriqué de la maison du mineur. Ce qui préoccupe Pialat, c'est la vérité crue qui sortira de ces difficultés de tournage. Les meubles restent à leur place et le cadrage doit faire face à ces contraintes.

Ce film a marqué l'histoire du cinéma par la mise en scène de l'enfance qu'il propose. On retiendra aussi la capacité de Pialat à mettre en scène les paysages du Nord, qu'il retrouvera quelques années plus tard pour le tournage de Sous le soleil de Satan.

(1) Bonus DVD L'enfance nue in L'intégrale de Maurice Pialat, Gaumont.

Sources :

Magny Joël et Cazaux Yvette, L'enfance nue, dossier "Collège au cinéma"n° 165, Centre National de la Cinématographie, 2008.

Site internet consacré à Maurice Pialat

L'Enfance nue sur DVD Classik et sur Critikat

Estelle Caron

Transcription

Claude Beausoleil
Là, tu sais, c’est un passage rapide.
(Bruit)
Claude Beausoleil
Tiens, attends, regarde si tu veux.
Maurice Pialat
Oui, dans ce plan-là, la question n’est pas là. Oui, ça, ça va ! Parce que moi tout à l’heure, je pensais carrément fusionner les deux mais il faudrait que ça aille beaucoup plus lentement, c’est par exemple, vas-y embrasse-la, là. Voilà, là, j’aime bien quand on l’isole et quand il se redresse, on reprend Madame Thierry mais parce que Madame Thierry, elle est vraiment mal cadrée là.
Claude Beausoleil
A l’arrivée, ça ne s’est pas mal goupillé
Maurice Pialat
Ah bon !
Claude Beausoleil
Mais c’était très serré dans le cadre.
Maurice Pialat
Parce que ce que j’aime bien, c’est de les avoir tous les deux, car c’est important puisque c’est avec elle que ça se déclenchera. Là tu vois, regarde ça par exemple. Embrasse-la.
(Bruit)
Maurice Pialat
J’ai choisi de tourner ce film dans la région minière parce que j’ai appris il y a quelques années, que les meilleurs placements de l’aide sociale à l’enfance, puisque c’est maintenant comme ça qu’on l’appelle, se faisaient dans cette région. Parce que je crois, et c’est assez connu, que il y a une chaleur, une hospitalité très grande dans la région, et qui se manifeste surtout dans les familles de mineurs. C’est la raison pour laquelle le film se déroule chez des mineurs intégralement quoi. On sera toujours dans des familles de mineurs et c’est l’histoire très simple d’un enfant de 10 ans environ qui n’est pas exactement abandonné. C’est un recueilli temporaire, comme on les appelle, et qui est pratiquement abandonné, qui va d’une famille à l’autre. La première fois, ça ne se passe pas bien parce qu’il est perturbé, il est déjà caractériel, il est renvoyé par une famille. Il subit des examens, enfin il voit des psychologues, on le ramène, on lui trouve une autre famille qui a déjà eu des gosses et qui s’en est bien tirée, et puis ça a l’air d’aller, quoi. A la fin du film, malgré des coups durs, ces gens-là finalement semblent le récupérer.
Intervenant 1
[Peau dure 781 3ème.
Maurice Pialat
Etant donné que c’est sur cette hauteur-là. Et poussez-la un peu devant vous, là, voilà. Bon, attendez, elle dort, allumez. Réveillez-la, voilà, alors !
(Silence)
Comédienne
Tu vas voir, tu vas être bien dans la maison Thierry. Comment tu t’appelles ?
Michel Tarrazon
François
(Bruit)
Claude Beausoleil
Voilà, t'es bon.