Le plan Monnet
Notice
Félix Gouin, Ministre d'État chargé des travaux du Commissariat Général du Plan, présente les principes de son plan pour moderniser le tissu industriel français.
Éclairage
Félix Gouin (1) présente le plan adopté définitivement lors de la session de janvier 1947. Il est alors Ministre d'État chargé des travaux du Commissariat Général du Plan de décembre 1946 à la fin de janvier 1947. La planification, c'est-à-dire le pilotage de l'activité économique par le pouvoir politique, est l'un des grands projets économiques portés par la Résistance et les gouvernements de la Libération. Il revient au Général de Gaulle d'avoir instaurer, peu de temps avant son départ du gouvernement en janvier 1946, le Commissariat Général du Plan. Le Plan est installé à Paris, rue de Martignac, et le premier Commissaire au Plan, qui n'a pas rang de ministre est Jean Monnet.
Celui-ci, proche des Américains et de l'administration du Président Roosevelt, s'est auparavant occupé de l'approvisionnement de la France en provenance des États-Unis. Les besoins sont tels en 1945 qu'il en vient à l'idée de fixer des priorités. Jean Monnet met en place les commissions de modernisation par secteurs où siègent fonctionnaires, patrons (sauf dans les secteurs nationalisés) et syndicalistes. La première démarche du Plan consiste à sélectionner six secteurs prioritaires : l'électricité, le machinisme agricole, les transports (essentiellement ferroviaires), la sidérurgie et les charbonnages.
La commission de modernisation des Houillères est présidée par Victorin Duguet, secrétaire de la fédération CGT des mines et président du conseil d'administration des Charbonnages de France. La vice-présidence est occupée par les directeurs des Mines, Georges Parisot puis Georges Perrineau. Le rapporteur est Jean Armanet, professeur à l'École des Mines de Paris. Elle comporte seulement six membres : Étienne Audibert (vice-président du Conseil général des Mines, président d'EDF puis des Charbonnages de France), Roger Cadel (directeur des Houillères de Petite-Rosselle, futur directeur des Houillères de Lorraine, futur président du conseil d'administration des Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais, et, en 1953, membre du Conseil d'Administration des Charbonnages de France), Pierre-Louis Guarrigue (Ministère de l'Économie Nationale), Margand, des Houillères de la Loire et Henri Martel, le député communiste du Nord qui s'est illustré dans la défense des mineurs (2).
La commission des Houillères élabore son "plan sectoriel" très rapidement et il est présenté avec l'ensemble du plan lors de la première session du Conseil du Plan, du 16 au 19 mars 1946. L'objectif de production retenu pour les Houillères est de passer de 56 millions de tonnes prévus en 1947 à 65 millions de tonnes en 1950. Afin de réaliser cet objectif, le plan prévoit plus de 56 milliards de Francs d'investissement de 1946 à 1950. Mais il faudra trouver le financement de ces investissements, il proviendra pour l'essentiel du Plan Marshall. En attendant, le Plan Monnet bénéficie du soutien des organisations professionnelles et des syndicats et en particulier de la CGT. C'est l'une des conditions de sa réussite.
L'objectif, très ambitieux des 65 millions de tonnes ne sera jamais atteint, la production est de 56 millions en 1955 et de 59 millions à son apogée de 1958. Mais la dynamique du plan a permis de mobiliser les investissements en faveur de la modernisation des charbonnages.
(1) Félix Gouin (1884 – 1977). Avocat, il rejoint la SFIO dès 1905. Il est conseiller général d'Istres en 1911, puis maire en 1923, ensuite député d'Aix-en-Provence. Il sera député des Bouches-du-Rhône de 1924 à 1940 et de 1946 à 1958. Il appartient au groupe des 80 parlementaires qui dirent non au régime de Vichy. Résistant, il représente la SFIO auprès du Général de Gaulle. Après le départ du Général, il devient Président du gouvernement provisoire de janvier à juin 1946. Il est Ministre d'État chargé des travaux du Commissariat Général du Plan de décembre 1946 à la fin de janvier 1947.
(2) Henri Martel est né en 1898 à Bruay-sur-Escaut (Nord). Député du Nord de 1936 à 1940, membre de la première et de la seconde Assemblée nationale constituante. Il est Député du Nord en 1946, puis de 1951 à 1958. Il est élu, en 1945, maire de Sin-Le-Noble et conseiller général du canton de Douai-Nord ; il est aussi réélu au comité central du parti communiste jusqu'en 1959. De retour dans le Nord à la Libération, il y devient secrétaire du parti communiste, il reconstitue la Fédération CGT du Sous-Sol, où il occupe les fonctions de secrétaire, et il devient président du syndicat CGT des mineurs du Nord.
A la première Assemblée nationale constituante, il siège à la Commission de l'équipement national et de la production (forces motrices, mines, travaux publics), et va déployer une intense activité, en coordination avec le ministre communiste de la production Marcel Paul, pour faire aboutir la loi de nationalisation des Houillères, dont il est l'un des auteurs et le rapporteur pour la commission. Le 26 avril 1946, il se bat afin de ne pas retarder le vote du projet (intervenant dans les derniers moments de la première Constituante) : " Ainsi, les capitalistes miniers qui, si souvent, ont brimé la classe ouvrière minière et, en même temps, mis en péril les richesses de la nation, seront déçus, et nous nous séparerons après avoir fait tout notre devoir envers les mineurs".