Annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale

14 mai 1988
03m 43s
Réf. 00022

Notice

Résumé :
Réélu président de la République le 8 mai, François Mitterrand a nommé Michel Rocard à Matignon. Le nouveau gouvernement ne disposant pas de majorité à l’Assemblée nationale, le chef de l’Etat est contraint de procéder à sa dissolution. Mais cette décision semblant entrer en contradiction avec les thématiques de sa campagne, il la justifie lors d’une allocution.
Date de diffusion :
14 mai 1988
Source :

Éclairage

Aisément réélu président de la République (54,0 %) le 8 mai 1988 face à son Premier ministre Jacques Chirac, François Mitterrand a mené campagne sur les thèmes de la « France unie » et de « l’ouverture ».

Avec Michel Rocard nommé à Matignon, il tente de leur donner quelque consistance. Aussi le nouveau gouvernement compte-t-il de nombreuses personnalités sans affiliation politique (le magistrat Pierre Arpaillange, le physicien Hubert Curien, l’ancien athlète Roger Bambuck…) ou issues des rangs centristes (Michel Durafour, Jacques Pelletier, Lionel Stoléru…) mais cette composition, si subtilement dosée soit-elle, ne peut masquer l’évidence : le PS est la seule formation politique d’importance à soutenir un gouvernement qui n’a pas de majorité dans une Assemblée nationale dominée par la droite RPR-UDF. François Mitterrand doit donc dissoudre. Politiquement inévitable, juridiquement incontestable, cette décision n’a pourtant rien d’une évidence tant sa brutalité semble entrer en contradiction avec l’esprit rassembleur qui animait la campagne du président réélu.

Alors, contrairement à 1981 où il l’avait annoncée par simple communiqué, il décide de la justifier lors d’une allocution solennelle le 14 mai. Si « l’ouverture […] n’a pu se réaliser », ce sont ses adversaires politiques, qui souhaitent le rester, qui en portent seuls, par esprit partisan et en dépit des efforts de Michel Rocard, la responsabilité. Quant à la précipitation de cette dissolution, elle se fait au nom de l’urgence à agir et s’inscrit dans un calendrier resserré qui a déjà vu la formation rapide du gouvernement et implique également que les législatives aient lieu le plus tôt possible. François Mitterrand va toutefois bientôt avouer qu’il est surtout soucieux de garder l’initiative.

Quoi qu’il en soit, ces contradictions politiques sont mises à nu et les limites de sa stratégie se révèlent crûment. Les législatives des 5 et 12 juin marquent le retour au plus classique des affrontements bipolaires.

Dans celui-ci, le Parti socialiste, même soutenu par un chef de l’Etat populaire multipliant les messages électoraux, ne l’emporte que de peu face à la majorité sortante (275 sièges contre 270), les communistes (25 sièges), liés au PS par un simple accord de désistement, complétant l’Assemblée. Et l’épisode de la France unie s’achève par le premier gouvernement minoritaire de la Ve République.
Antoine Rensonnet

Transcription

(Bruit)
François Mitterrand
Françaises, Français, fort de la confiance que vous m’avez accordé dimanche dernier, 8 mai, et comme je m’y étais engagé devant vous, j’ai voulu assurer sans délai le fonctionnement normal de nos institutions. Dès mardi, j’ai nommé un nouveau Premier ministre, Monsieur Michel Rocard, qui a reçu pour mission de former le gouvernement, en recherchant l’ouverture politique qui permettra aux Français de s’unir autour des valeurs permanentes, des valeurs essentielles de la démocratie. Hier, vendredi, le gouvernement de la république dûment constitué s’est mis au travail. Ainsi en moins d’une semaine, la continuité de l’Etat a-t-elle était réaffirmée. Mais le Premier ministre, m'a fait savoir que faute des concours nécessaires, et malgré ses efforts, il ne s’estimait pas en mesure de réunir la majorité parlementaire solide et stable dont tout gouvernement a besoin pour mener à bien son action. Je constate, pour le déplorer, que l’ouverture que j’appelle de mes vœux n’a pu se réaliser jusqu’ici, aussi largement que je l’avais souhaitée. J’ai donc le devoir d’en tirer les conséquences. Conformément à l’article 12 de la Constitution, et après avoir procédé aux consultations qu’il prévoit, j’ai signé voici quelques instants le décret prononçant la dissolution de l’Assemblée nationale. La France cependant ne saurait s’enliser indéfiniment dans des débats électoraux. Il faut aller vite. Aussi ai-je également décidé en accord avec le Premier ministre, de fixer les élections législatives aux 5 et 12 juin prochain, c’est-à-dire aussi rapidement que m’y autorise la Constitution. Mes chers compatriotes, dans la situation présente, je ne connais qu’une réponse : que le peuple décide et tranche. C’est celle que j’ai choisie sans changer en rien ma détermination, pour aujourd’hui et pour demain d’unir la France et de rassembler les Français. Je vous invite quelle que soit votre famille de pensée. Vous qui avez soutenu mon projet le 8 mai, et vous, qui voulez nous rejoindre, à élire la majorité parlementaire qui nous aidera à faire avancer le pays, et à préserver ces biens communs que sont pour nous, la République et la démocratie. Je veux dire, le respect des lois et le respect des autres. Vive la République, Vive la France !