L'inauguration du plus haut téléphérique du monde
Notice
Le reportage est consacré à l'ouverture du téléphérique du Mont Blanc, le plus haut du monde (3840 m), qui relie Chamonix, les Plans des Aiguilles et l'Aiguille du Midi. Maurice Herzog, et Louis Lachenal, vainqueurs de l'Annapurna, l'ont inauguré.
Éclairage
Le titre, comme les premiers commentaires, rappellent que le spectateur est convié à un reportage consacré à l'alpinisme. Discipline réservée à quelques initiés depuis le XIXe siècle et mythifiée depuis l'ascension de l'Annapurna par Maurice Herzog accompagné de Louis Lachenal le 3 juin 1950, elle demeure une affaire de spécialistes dont le grand public n'a accès que par l'intermédiaire des médias attentifs aux exploits et aux accidents qui émaillent son histoire. Cette séquence proposée par les Actualités Françaises (1) en 1955 vise à l'inverse à promouvoir une innovation technologique afin de permettre à un large public d'atteindre les sommets sans efforts. Alors qu'un premier téléphérique fonctionne depuis 1924, ce reportage promeut celui qui va le remplacer permettant d'accéder à un nouvel environnement en sécurité et plus rapidement. « Repos », « confort », « sans peine », « se laissant porter » émaillent le propos afin de souligner cette nouvelle possibilité. Néanmoins, l'exploit n'est pas absent de ce reportage et se situe dans la construction d'un téléphérique dans un environnement particulièrement difficile. La visualisation des câbles au-dessus du vide ainsi que de la nacelle en premier plan et en plongée au cœur du panorama du Mont-Blanc met en scène les difficultés attenantes à ce type de réalisation. Les termes d'« exploit », de « prise d'assaut » ou de « hauteur », associés à une musique joyeuse qui rythme le reportage, visent à soutenir l'attention du téléspectateur et à valoriser cette réalisation. Dans une période où la France rencontre de nombreuses difficultés, notamment dans le cadre des guerres de décolonisation, et où les équipements publics de grande envergure ne sont pas réalisés en raison de problèmes financiers, ce téléphérique permet de souligner l'exemplarité du savoir-faire français. Il est aussi l'occasion de promouvoir un territoire encore inaccessible pour le grand public bien que contrairement aux apparences, il n'atteigne pas le sommet. La visualisation des arêtes ainsi que du dénivelé renforce le propos qui souligne l'absence de point d'appui sur plusieurs centaines de mètres. Un plan permet de discerner les deux parties qui constituent cette réalisation dont la complexité apparaît comme une évidence. Par son intermédiaire, le public a désormais la possibilité de contempler le toit de l'Europe avec facilité alors que jusque-là, seuls les alpinistes aguerris avaient la possibilité de s'en approcher. La présence des deux vainqueurs de l'Annapurna (dont Louis Lachenal qui décédera 16 jours après la diffusion de ce reportage) lors de l'inauguration rappelle que ce téléphérique constitue autant une prouesse technique qu'une nouvelle possibilité d'ascension. En effet, ils sont accompagnés de personnes plus âgées ainsi que de femmes jusque-là peu enclines à explorer ce type de territoire. Légèrement vêtues, les personnes présentes à la station de l'Aiguille du Midi permettent de percevoir tout autant la dimension spectaculaire du territoire que son accessibilité.
(1) Les « Actualités Françaises » font partie des collections d'archives d'actualités cinématographiques conservées par l'INA. L'ensemble de ces documents a fait l'objet d'une restauration de l'image et du son opérée par les équipes de l'INA. Ces films étaient diffusés dans les salles de cinéma sous les dénominations suivantes :
- Les « Actualités mondiales » (août 1940 – août 1942), version pour la France du journal allemand de l'UFA, seul journal cinématographique visible dans la zone occupée. En « zone libre » un journal cinématographique est édité d'octobre 1940 à août 1942 sous le contrôle étroit du régime de Vichy : le journal de France–Actualités Pathé.
- « France Actualités » (août 1942 – août 1944) : ces actualités du régime de Vichy sont diffusées sur tout le territoire et, à capitaux français et allemands, elles marquent l'engagement plus profond du gouvernement de Vichy dans la collaboration.
- « France Libre Actualités » (septembre 1944 – décembre 1944), journal cinématographique fondé en coopérative par plusieurs comités de Résistance.
- Ce journal d'actualités prend le nom « d'Actualités Françaises » à partir de janvier 1945 et sera diffusé dans les salles de cinéma jusqu'en février 1969.