Portrait de l'alpiniste Chantal Mauduit
Notice
Portrait de l'alpiniste Chantal Mauduit, une des rares femmes à avoir dépassé les 8000 mètres et grimpé le K2 en solitaire et sans oxygène. Chantal Mauduit revient sur son parcours et les sensations qu'elle éprouve à grimper sans oxygène.
Éclairage
Émis dans le cadre du magazine 3 Partout (1), ce reportage présente le parcours de l'alpiniste Chantal Mauduit. Diffusé le 7 mars 1993, soit deux semaines avant son départ pour l'Everest, ce portrait offre l'occasion de découvrir une pratiquante de haut niveau dans un domaine très masculin. Le présentateur qui lance la séquence marque par ailleurs cette différence des sexes en soulignant que cette championne est d'abord une « charmante jeune fille ». Malgré son exploit l'ayant amené à gravir le deuxième sommet le plus haut du monde et reconnu par la communauté des alpinistes comme le plus difficile (le K2) en 1992, elle est d'abord appréhendée par l'intermédiaire des attributs sociaux attachés généralement à la féminité telle que la beauté.
Le premier plan donne le ton du reportage en présentant cette alpiniste de haut niveau comme une femme banale. Débouchant d'une place pavée, avec en arrière-plan un salon de thé, elle apparaît détendue lors d'une promenade sans que l'on puisse discerner un quelconque talent d'ascensionniste. La musique accentue l'impression de légèreté affirmée par un sourire affichée qui offre l'occasion d'un premier commentaire insistant sur sa discrétion. Au moment où celui-ci souligne que Chantal Mauduit « pénètre par le grand escalier dans le club très privé des femmes à plus de 8000 mètres », elle entre dans une librairie et feuillette un ouvrage. Le contraste entre l'exploit et l'image est ici à son comble et témoigne d'une certaine forme de distance à son égard. S'il est rappelé que les professionnels ont salué cette ascension en solitaire et sans oxygène, aucune image ne vient soutenir le propos comme c'est le cas pour des reportages mettant en scène des hommes. Il faut attendre la fin du premier tiers pour voir le reportage esquisser son contexte d'exercice. Mais c'est seulement après la première moitié de celui-ci que le téléspectateur la voit commencer à gravir une pente enneigée. En compagnie de personnes âgées, elle prend, probablement le train du mont Blanc, soulignant là encore une forme de normalité qui rend proche un exploit inaccessible pour le plus grand nombre. Le commentateur rappelle ses origines parisiennes qui ne la prédestinaient pas à devenir une alpiniste. Les gros plans comme les voix d'enfants appelant leur maman insistent sur son caractère féminin auquel elle ne peut échapper dessinant une forme d'essentialisation de ses comportements. Si elle a été formée par le Club alpin français (CAF) et a acquis une technicité de haut niveau, c'est d'abord pour emprunter des itinéraires dont seule la beauté semble en baliser les intérêts. Les images sur lesquelles on la voit se déplacer sur des terrains de déclivité faible à moyenne ne permettent pas de mesurer les difficultés auxquelles elle se confronte (Andes, Himalaya, etc.). Son militantisme pour les droits de l'homme et du citoyen, qui renvoie à un engagement social considéré par le sens commun plus « naturel » pour les femmes que pour les hommes, renforce son statut d'individu ordinaire relayant les stéréotypes d'une féminité qui détermine ses choix. L'éthique qui structure son rapport à la pratique insiste sur les valeurs auxquelles elle est attachée considérant que la conquête des sommets doit être portée par des principes. Au moment où la compétition paraît prendre le pas sur l'aventure dans le milieu de l'alpinisme, cette position peut s'avérer discordante mais acceptable car défendue par une femme. La mise en exergue des sens et du ressenti dans son discours au détriment de la douleur ou du dépassement de soi contribue là aussi à asseoir les stéréotypes de la féminité.
Classique pour une femme, cette mise en scène s'avère beaucoup plus rare, voire inexistante, pour les hommes dont les exploits sont perceptibles par l'image qui vise à montrer leurs capacités à dominer les éléments.
Après sept tentatives pour réaliser l'ascension de l'Everest, elle atteint son sommet en 1995. Chantal Mauduit décèdera le 13 mai 1998 sur les pentes du Dhaulagiri au Népal.
(1)Magazine sur l'actualité sportive diffusé en direct tous les dimanches en fin de matinée du 19 septembre 1992 au 19 juin 2011 depuis la station de Grenoble dans les 12 départements des régions Rhône Alpes Auvergne.