Pierre Novat, panoramiste de montagne

En 1992, à la date de tournage de ce reportage, Pierre Novat  est au sommet de son activité : il vient de réaliser pour les JO d’Albertville le panorama des stations organisatrices et quasiment toutes les stations françaises utilisent alors un plan Novat. Cette situation est l’aboutissement d’une histoire qui démarre dans les années 1960 quand Pierre Novat, décorateur formé aux Beaux-arts, réalise ses premiers panoramas à la demande de Val d’Isère puis de Courchevel. S’il a vécu quelques années à Val d’Isère, c’est à Lyon qu’il s’installe et se spécialise progressivement dans cette nouvelle activité qui finit par l’occuper totalement. Il accompagne ainsi l’essor du système ski en créant une représentation de la montagne faite pour le ski tel qu’il s’invente dans les « trente glorieuses ». Très tôt, le style  Novat est fixé et se diffuse comme un standard : tous les panoramas sont différents, mais tous proposent une même vision de la montagne et de la station de ski. Ce sont donc des panoramas et non des plans : reprenant les techniques du panoramiste autrichien Heinrich Caesar Berann, il produit une représentation en 3 dimensions, avec un point de vue surplombant et des déformations qui rendent visibles simultanément l’ensemble du domaine, indépendamment de tout réalisme topologique. Le ciel est toujours bleu, les pentes doucement enneigées, le modelé du relief invite à la glisse, et la station dans son écrin paisible attend le retour du skieur : au premier regard, on reconnait un Novat. Les lignes droites des remontées et les courbes des pistes y sont très exactement à leur place, précise et logique. Tout est en ordre, tout est maîtrisé, et tout est beau.  Le reportage permet de découvrir la méthode Novat : à partir d’un survol en hélicoptère, Pierre Novat invente le point de vue qui permettra de produire une représentation qui réponde aux demandes de la station. Si elle n’est pas réaliste, elle doit être vraisemblable, tout l’art de Pierre Novat est ainsi de savoir tordre le relief pour passer de la montagne réelle à la montagne ski. Les visites sur place lui permettent de parcourir le domaine et surtout de discuter avec les commanditaires, comme ici avec Alain Hubert, directeur de la station du Puy Saint Vincent dans les Alpes du Sud. Et comme le précise Isabelle Gonsolin, directrice de la maison du tourisme de Puy Saint Vincent, le plan est d’abord un outil de communication pour attirer le skieur, et secondairement un outil de repérage du domaine, une fois le skieur sur place. D’où l’attention portée à la réalisation du panorama lui-même,  selon des techniques que le reportage dévoile : tracé au crayon, coloriage à l’aérographe, attention au modelé. Les pistes et la station sont ajoutées ensuite. Le reportage évoque aussi rapidement le caractère modeste de l’atelier Novat, indiquant jusqu’au prix moyen de réalisation d’un plan, (entre 70 000 et 80 000 francs). Travaillant seul, puis avec sa fille Frédérique que l’on voit dans le reportage et son fils Arthur, Pierre Novat a certes accompagné l’industrialisation du système ski mais il est resté lui-même un artisan, et aussi à sa façon, un artiste. Le reportage fait percevoir le plaisir qu’il avait à survoler les Alpes, à parcourir les stations, à discuter avec ses exploitants.  Ce plaisir que l’on peut ressentir en rêvant, devant un plan Novat, à la station de ski idéale vers laquelle courent encore  les touristes.


Frédérique Novat, Arthur Novat, Marianne Novat, Laurent Belluard, Plans des pistes. Les domaines skiables de France dessinés par Pierre Novat, Glénat, 2013

R.Balzarini, A. Dalmasso, M.Murat, “A study on mental representations for realistic visualization. The particular case of ski trail mapping”, The International Archives of the Photogrammetry, Remote Sensing and Spatial Information Sciences, Volume XL-3/W3, 2015 ISPRS Geospatial Week 2015, 28 Sep – 03 Oct 2015, La Grande Motte, France