Les éoliennes de Bouin

La région de Bouin, au nord du littoral vendéen, présente un paysage très plat, caractéristique des marais littoraux construits par l’homme, sur le temps long. Si les bourgs de Bouin, au nord, et Beauvoir, au sud, sont bâtis sur l’ancienne bordure continentale, les terres qui les séparent ont été intégralement gagnées sur la mer. Dès le XIIe-XIIIe siècles, de grandes abbayes ont entamé la conquête des vasières en aménageant des digues à l’arrière desquelles un réseau hydraulique complexe a permis de cultiver la terre (polders) ou produire le sel (salines). Au XVIe siècle, Bouin était encore une île séparée du reste de la Vendée (c’était alors le Bas-Poitou) par un bras de mer mais au XIXe siècle, les schorres du Dain (vasières localement appelées sartières) furent endiguées et Bouin soudée au continent. Ce paysage plat est propice aux entrées maritimes et c’est assez naturellement qu’on en a fait un « pays du vent ».
Renouant avec son passé historique, la commune de Bouin, qui a compté sur son territoire jusqu’à 14 moulins à vent se prononçait en 2000 pour l’implantation d’un parc éolien. Dûment saisie du projet, la Commission Départementale des Sites et Paysages donnait un avis favorable au projet autorisant l’instruction du permis de construire délivré en 2001. Cet avis officiel a vite été partagé par la plupart des visiteurs et des curieux, qui s’en approchent autant par curiosité que par attrait pour le gigantisme et le côté esthétique des machines. Ce dossier est très révélateur des enjeux environnementaux, patrimoniaux et économiques autour des parcs éoliens, mais aussi des comportements des acteurs. Attachée à la valeur de la protection, l’Association pour la Sauvegarde et la Valorisation des Pays du Gois (A.S.V.P.G.) s’est vite prononcée contre le projet. Elle a même engagé une procédure auprès du tribunal administratif de Nantes (2002-2005). Cette procédure n’étant pas suspensive, en 2003, le parc de 8 éoliennes, destiné à l’alimentation en électricité de 22 000 foyers, a été réalisé malgré tout.
Le site promu par EDF Énergies nouvelles pour 5 éoliennes et par la Régie d’Électricité de Vendée pour les 3 autres a bénéficié du poids d’une grande entreprise internationale et des facilités octroyées par la couleur locale de son partenaire. L’abandon, à l’échelle européenne comme à l’échelle nationale, d’une politique de protection stricte des sites, au profit de la recherche de compensations (écologiques, patrimoniales) à joué à plein. La Ligue de Protection des Oiseaux a ainsi soutenu le projet en échange de restrictions de chasse et du financement d’équipements pédagogiques (cabanes d’accueil du public, signalétique et sentiers de découverte de l’avifaune). Les habitants de Bouin, favorables au projet à 94%, en ont fait une attraction touristique. Au port du Bec, dans la zone ostréicole toute proche, Daniel Bodin, patron du café Le Mord'eau a accueilli avec satisfaction les ouvriers le temps du chantier. Il a accompagné les travaux, et quoique contraint de démonter sa terrasse, il y a vu une opportunité commerciale et a créé une cuvée "Eole du Bec" avec du Chardonnay ou du Muscadet, afin de profiter du développement de cette expérience originale de tourisme entre nature, patrimoine et industrie.