La SAFER
11 janvier 1967
06m 55s
Réf. 00009
Notice
Résumé :
Auparavant faite de marais et de petites parcelles, l'île d'Elle devient, grâce aux aménagements et aux remembrements de la SAFER, une terre de culture agricole moderne et rationalisée. Réalisés en collaboration avec des agriculteurs locaux, ces travaux rendent ce territoire plus rentable et attire de nouveaux agriculteurs.
Type de média :
Date de diffusion :
11 janvier 1967
Source :
ORTF
(Collection:
Poitou Charentes actualités
)
Personnalité(s) :
Lieux :
Éclairage
A l’aube de la décennie 1960, l’agriculture française peine à assurer l’autosuffisance alimentaire du pays. En effet, aucune grande production végétale ou animale n’est exportatrice et il faut au contraire recourir à de coûteuses importations en provenance de pays européens ou du continent nord-américain.
Avec l’adoption du traité de la CEE en 1957, les différentes productions agricoles font partie intégrante du grand objectif de mise sur pied d’un Marché Commun à l’échelle des six Etats-membres ; cependant les négociateurs n’ont pas eu le temps d’en concevoir les aspects pratiques. Il revient donc aux gouvernements nationaux d’adopter des politiques structurelles permettant cette conversion dans des délais relativement courts.
Il est évident que les agriculteurs français risquent de souffrir de la concurrence des bas prix des productions laitières ou avicoles néerlandaises, voire danoises, qui, pour ces dernières, sont incluses dans la négociation de l’Accord européen de libre-échange (AELE) négocié en 1960 entre la nouvelle Commission européenne et un groupe de pays libéraux emmenés par le Royaume-Uni.
Les maux dont souffre l’agriculture française sont anciens et connus, ils ont été pointés du doigt par le géographe Michel Augé-Laribé dès le lendemain de la Première guerre mondiale mais leur résolution réclamait un aggiornamento qu’aucune formation politique n’était prête à entériner jusqu’à l’avènement de la Cinquième République. Le modèle agricole français s’est progressivement sclérosé sous les effets conjugués d’un protectionnisme érigé en totem depuis les débuts de la Troisième République avec le double tarif Méline (adopté en 1892), d’habitudes routinières d’une paysannerie familiale souvent peu préoccupée par les progrès agronomiques ou techniques, d’un manque d’investissements dans les installations et les machines du fait d’un manque cruel de capitaux, de savoir-faire et de la dimension insuffisante des exploitations résultant de leur morcellement après des générations de partages successoraux.
On mesure par conséquent la profondeur du choc de compétitivité que représente l’ambition affichée par la nouvelle politique agricole européenne qui exige de tendre le plus rapidement possible vers l’autosuffisance alimentaire en recourant à toutes les solutions productivistes quitte à abandonner les produits typiques qui concouraient à la diversité sans pareil des terroirs agricoles de la France. L’objectif des technocrates de Paris ou de Bruxelles est aussi d’abaisser la part occupée par l’alimentation dans le budget des ménages afin de leur permettre de goûter aux nouveaux plaisirs de la société de consommation. Face à ce changement de cap à 180°, Edgard Pisani, le ministre de l’agriculture de Michel Debré, fait adopter en août 1960 sa fameuse loi d’orientation agricole qui englobe différentes mesures pratiques dont la création des Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (plus connues sous leur acronyme de SAFER). Bien qu’étant des sociétés de droit privé, les SAFER remplissent une mission d’intérêt général voire de service public en participant à la réalisation des objectifs de la politique agricole. Elles modifient les structures foncières en acquérant des terres agricoles ou incultes, des exploitations agricoles disponibles à la vente, puis les remembrent, les amendent par drainage ou irrigation et enfin les remettent sur le marché cherchant à agrandir des exploitations existantes ou à faciliter l’installation de jeunes agriculteurs.
Le reportage diffusé en janvier 1967 sur la SAFER de Vendée (rattachée depuis à celle du Poitou-Charentes dont le siège se trouve à Niort) explique comment la SAFER a permis la création de deux grandes exploitations de respectivement 250 et 210 hectares dans le secteur vendéen du marais poitevin asséché en procédant à des achats de parcelles, en faisant réaliser des travaux de génie rural. Loin de se borner à cette modernisation de la structure foncière, la SAFER a également construit des bâtiments d’exploitations modernes répondant aux exigences nouvelles de l’agriculture mécanisée. Cette mutation des conditions de travail s’est naturellement accompagnée d’une amélioration du cadre de vie pour les familles des exploitants qui ont pu emménager dans des habitations neuves qui n’ont rien à envier aux pavillons modernes qui commencent alors à sortir de terre en périphérie des grandes villes. Le travail de la SAFER, qui cible des exploitants agricoles jeunes ou d’âge moyen, s’accompagne d’une incitation à une prise de conscience globale des problématiques de la modernisation agricole. Ainsi, le voyage d’étude effectué dans des exploitations en Hollande par l’un des exploitants constitue en quelque sorte un écho au passé même de cette partie du marais poitevin qui fut asséché au XVIIIe siècle par des Hollandais. A son échelle, cette démarche s’apparente aux missions de productivité ou d’études effectuées depuis le milieu des années 1950 par des ingénieurs aux Etats-Unis ou en Allemagne de l’ouest.
Avec l’adoption du traité de la CEE en 1957, les différentes productions agricoles font partie intégrante du grand objectif de mise sur pied d’un Marché Commun à l’échelle des six Etats-membres ; cependant les négociateurs n’ont pas eu le temps d’en concevoir les aspects pratiques. Il revient donc aux gouvernements nationaux d’adopter des politiques structurelles permettant cette conversion dans des délais relativement courts.
Il est évident que les agriculteurs français risquent de souffrir de la concurrence des bas prix des productions laitières ou avicoles néerlandaises, voire danoises, qui, pour ces dernières, sont incluses dans la négociation de l’Accord européen de libre-échange (AELE) négocié en 1960 entre la nouvelle Commission européenne et un groupe de pays libéraux emmenés par le Royaume-Uni.
Les maux dont souffre l’agriculture française sont anciens et connus, ils ont été pointés du doigt par le géographe Michel Augé-Laribé dès le lendemain de la Première guerre mondiale mais leur résolution réclamait un aggiornamento qu’aucune formation politique n’était prête à entériner jusqu’à l’avènement de la Cinquième République. Le modèle agricole français s’est progressivement sclérosé sous les effets conjugués d’un protectionnisme érigé en totem depuis les débuts de la Troisième République avec le double tarif Méline (adopté en 1892), d’habitudes routinières d’une paysannerie familiale souvent peu préoccupée par les progrès agronomiques ou techniques, d’un manque d’investissements dans les installations et les machines du fait d’un manque cruel de capitaux, de savoir-faire et de la dimension insuffisante des exploitations résultant de leur morcellement après des générations de partages successoraux.
On mesure par conséquent la profondeur du choc de compétitivité que représente l’ambition affichée par la nouvelle politique agricole européenne qui exige de tendre le plus rapidement possible vers l’autosuffisance alimentaire en recourant à toutes les solutions productivistes quitte à abandonner les produits typiques qui concouraient à la diversité sans pareil des terroirs agricoles de la France. L’objectif des technocrates de Paris ou de Bruxelles est aussi d’abaisser la part occupée par l’alimentation dans le budget des ménages afin de leur permettre de goûter aux nouveaux plaisirs de la société de consommation. Face à ce changement de cap à 180°, Edgard Pisani, le ministre de l’agriculture de Michel Debré, fait adopter en août 1960 sa fameuse loi d’orientation agricole qui englobe différentes mesures pratiques dont la création des Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (plus connues sous leur acronyme de SAFER). Bien qu’étant des sociétés de droit privé, les SAFER remplissent une mission d’intérêt général voire de service public en participant à la réalisation des objectifs de la politique agricole. Elles modifient les structures foncières en acquérant des terres agricoles ou incultes, des exploitations agricoles disponibles à la vente, puis les remembrent, les amendent par drainage ou irrigation et enfin les remettent sur le marché cherchant à agrandir des exploitations existantes ou à faciliter l’installation de jeunes agriculteurs.
Le reportage diffusé en janvier 1967 sur la SAFER de Vendée (rattachée depuis à celle du Poitou-Charentes dont le siège se trouve à Niort) explique comment la SAFER a permis la création de deux grandes exploitations de respectivement 250 et 210 hectares dans le secteur vendéen du marais poitevin asséché en procédant à des achats de parcelles, en faisant réaliser des travaux de génie rural. Loin de se borner à cette modernisation de la structure foncière, la SAFER a également construit des bâtiments d’exploitations modernes répondant aux exigences nouvelles de l’agriculture mécanisée. Cette mutation des conditions de travail s’est naturellement accompagnée d’une amélioration du cadre de vie pour les familles des exploitants qui ont pu emménager dans des habitations neuves qui n’ont rien à envier aux pavillons modernes qui commencent alors à sortir de terre en périphérie des grandes villes. Le travail de la SAFER, qui cible des exploitants agricoles jeunes ou d’âge moyen, s’accompagne d’une incitation à une prise de conscience globale des problématiques de la modernisation agricole. Ainsi, le voyage d’étude effectué dans des exploitations en Hollande par l’un des exploitants constitue en quelque sorte un écho au passé même de cette partie du marais poitevin qui fut asséché au XVIIIe siècle par des Hollandais. A son échelle, cette démarche s’apparente aux missions de productivité ou d’études effectuées depuis le milieu des années 1950 par des ingénieurs aux Etats-Unis ou en Allemagne de l’ouest.
Eric Kocher-Marboeuf