La récolte du tabac en Vendée

03 octobre 1969
05m 06s
Réf. 00500

Notice

Résumé :
La culture du tabac, en développement depuis les années 1940, voit le nombre de ses producteurs baisser, du fait du coût et de la difficulté à trouver de la main-d'oeuvre. Le contexte de concentration d'un secteur contrôlé à tous les niveaux modifie aussi une production à l'avenir incertain face au marché commun et aux importations mondiales.
Date de diffusion :
03 octobre 1969
Source :
Lieux :

Éclairage

L’implantation de la culture du tabac en Vendée remonte à 1943 dans le contexte de pénurie d’importations et de rationnement de l’Occupation. Cette culture va progresser rapidement jusqu’à atteindre un point culminant en 1948 pour ensuite régresser. Ainsi, à la fin des années 1960, époque durant laquelle le reportage est tourné, la superficie cultivée en pieds de tabac en Vendée a déjà diminué de 20 % et le nombre d’exploitants a baissé des trois-quarts par rapport à la fin de la décennie 1940 ; cette diminution n’a cessé de s’accentuer depuis lors. Il est important de relever que jusqu’en 1970, la culture était monopolisée par la SEITA (Société nationale d’exploitation du tabac et des allumettes) qui imposait les variétés à cultiver, contrôlait et contingentait les pieds, exerçait une étroite surveillance technique et sanitaire via ses contrôleurs puis chefs de secteurs. Toutes ces contraintes pouvaient certes heurter l’esprit volontiers indépendant de l’agriculteur vendéen mais il s’accommodait de la tutelle des contrôleurs de la SEITA.
Les causes réelles de la diminution du nombre d’exploitants vendéens de tabac sont plutôt à rechercher du côté de facteurs structurels. En effet, les parcelles dédiées à la culture du tabac ne font le plus souvent qu’un ou deux hectares et réclament des soins minutieux qui exigent une forte disponibilité de la main-d’œuvre exploitante. Or cette dernière est attirée par d’autres cultures ou par d’autres activités en ateliers d’usine par exemple ; un exploitant admet que le tabac exige 60 % du travail de l’exploitation pour ne fournir que 40 % du revenu. Toutes ces raisons expliquent que le nombre de planteurs de tabac vendéens ait chuté des trois-quarts entre l’après-guerre et la fin des années 1980 et que la superficie consacrée aux pieds de tabac ait diminué d’un cinquième. De surcroît, le modèle du monopole d’Etat qui est en vigueur en France et en Italie est soumis à la concurrence communautaire des fabricants privés allemands et belges qui privilégient des tabacs d’importation en provenance d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique qui ont d’ailleurs la préférence des consommateurs. A ces raisons économiques qui expliquent le déclin de la demande pour le tabac français, s’ajoute la lutte contre les méfaits du tabac sur la santé. C’est ainsi que le 9 juillet 1976, la ministre de la Santé Simone Veil fait adopter la première loi contre le tabagisme qui est durcie par la loi Evin du 10 janvier 1991. Il restait toutefois 1500 producteurs de tabac en France en 2014 répartis dans 49 départements dont la Vendée. Pour ces producteurs, le tabac est une culture de niche exigeante mais pour laquelle la demande demeure forte dans ses deux variétés récoltées en France (Virginie et Burley).
Eric Kocher-Marboeuf

Transcription

musique
(musique)
Journaliste
La culture du tabac est solidement implantée dans notre région depuis 1943, époque à laquelle elle fut presque imposée pour répondre aux besoins du moment. Elle se développa jusqu’en 1948 mais a beaucoup évolué depuis cette date. Actuellement, on estime en effet que trois planteurs sur quatre ont cessé de cultiver du tabac, les surfaces n’ayant cependant diminué que d’un cinquième. Des raisons techniques certes, mais économiques ont entraîné cette concentration, raisons que nous expose Monsieur Guitton, président de la fédération des planteurs de tabac de Vendée.
Antoine Guitton
Les raisons sont bien simples. D’une part, la culture du tabac qui demande une main d’oeuvre considérable puisque la main d’oeuvre entre pour 73% dans le prix de revient, les difficultés de trouver de la main d’œuvre ; et également les investissements considérables qui sont nécessaires pour avoir une culture d’un hectare, un hectare et demi ou deux hectares, qui est la surface sur laquelle on tend actuellement. Et qui est, pratiquement, pour être rentable et intéresser le planteur, est nécessaire.
musique
(musique)
Journaliste
Cette culture n’est cependant pas libre. Elle est soumise à une règlementation assez stricte de l’administration qui détermine des contingents, impose les variétés, les techniques culturales, des techniciens qualifiés conseillant les producteurs.
Antoine Guitton
Et la culture du tabac est réglementée et contingentée. Le contingent est fixé à l’échelon national chaque année par le SEITA, réparti par direction de culture et ensuite par département. D’autre part, le planteur ne peut planter que les variétés qui sont agréées par le SEITA. Nous avons actuellement un hybride qui n’est encore pas complètement au point, mais enfin qui résiste tout de même au mildiou. Et c’est ce qui fait que, d’une part, il y a des contrôles qui sont des contrôles pour le nombre de pieds, pour le contingent qui est reconnu nécessaire par l’administration, le nombre de pieds, le nombre de feuilles, et également une surveillance technique et sanitaire pour le tabac. Cela suppose évidemment des visites assez fréquentes des chefs de secteur qui, autrefois, étaient surtout des contrôleurs qui contrôlaient ; mais ce contrôle est devenu maintenant plutôt, plutôt ce vérificateur, comme on l’appelait, qui est devenu chef de secteur, est également un conseiller technique qui travaille d’ailleurs très souvent en accord avec le centre de perfectionnement de Bergerac.
musique
(musique)
Journaliste
S’il est difficile de présager de l’avenir de la culture du tabac, il n’en est pas moins vrai qu’il préoccupe les responsables surtout dans le cadre du marché commun.
Antoine Guitton
L’avenir de la culture du tabac, voyez-vous, lorsqu’on est en présence de pionniers comme ceux que vous avez à côté qui travaillent ici, de ces familles, et elles sont nombreuses. On ne peut pas n’avoir pas le sentiment d’espoir très poussé, mais il y a également des craintes. Des craintes qui proviennent du fait de, je vous disais, que la main d’oeuvre est de plus en plus difficile à trouver, et d’autre part, dans le cadre du marché commun, il y a la France et l’Italie qui ont, où le tabac est sous monopole. Ce sont les deux pays les plus gros producteurs, puisque l’Italie produit 100% de sa fabrication, la France 55, parce qu’elle est obligée d’importer des tabacs d’Orient ou des tabacs blonds, l’Allemagne ne produit que 8%, la Belgique c’est insignifiant. La Belgique produit moins de tabac que la Vendée. Tout ceci pose des problèmes, problèmes financiers, problèmes douaniers. Il est évident que les fabricants allemands en particulier, qui ont, donnent des redevances à l’Etat, mais ont intérêt à acheter des tabacs dans les pays en voie de développement, en Afrique Noire, en Amérique du Sud, et en Orient. Ce qui fait que dans le cadre du marché commun, il faudra mettre des droits de douane à l’entrée.
musique
(musique)
Journaliste
Le tabac séché, trié, emballé, est, à partir de décembre, livré dans les centres de réception d’où il est ensuite acheminé vers les manufactures. Là, après avoir subi différents traitements, il sera mélangé à d’autres tabacs pour obtenir par exemple la cigarette chère à l’amateur d’herbe à Nicot.