Grève dans l'entreprise Gautier
25 septembre 1999
05m 32s
Réf. 00597
Notice
Résumé :
Les 800 salariés de l'usine de meubles Gautier, installée au Boupère, se sont mobilisés pour conserver à leur tête Dominique Soulard, leur directeur menacé de licenciement par les actionnaires. Une semaine de grève aura eu raison de cette décision, le directeur ayant finalement été réintégré.
Type de média :
Date de diffusion :
25 septembre 1999
Source :
FR3
(Collection:
12-13 Ouest samedi
)
Personnalité(s) :
Lieux :
Éclairage
Cet événement singulier avait fait la une de la presse nationale : une grève (victorieuse) des salariés pour soutenir leur patron, Dominique Soulard, contre la décision de l’évincer prise par l’actionnaire parisien. Certes il s’agit d’un événement exceptionnel, même pour la Vendée, mais il illustre à la fois l’hostilité locale aux logiques purement « économistes » du capitalisme, et un climat social que beaucoup, en Vendée, perçoivent comme un élément de leur particularisme.
Dans ce département prédominent des petites et moyennes entreprises où persiste un état d’esprit qu’on pourrait qualifier de patriarcal. Bien des patrons restent proches de leurs employés, et se préoccupent de « faire du social ». Bien des salariés se félicitent de ce côté « humain » et répugnent au conflit ouvert avec leurs employeurs. L’origine souvent rurale des ouvriers, la forte influence du catholicisme qui valorise le dialogue charitable, l’absence de très grosses entreprises où se développe par prédilection un syndicalisme de combat, tous ces facteurs ont contribué à créer un état d’esprit qui, sur le plan économique, attire des investisseurs et, sur le plan politique, défavorise le vote de gauche. Le conflit éclate d’ailleurs à un moment où le villiérisme est à son zénith et le patron de l’entreprise « bénéficiaire » de cette grève est un ami proche de Philippe de Villiers.
Mais le changement se fait progressivement sentir. Des études ont montré que si le chômage est ici inférieur à la moyenne nationale, les salaires le sont aussi, suscitant des prises de conscience. Les mobilisations pour la défense des retraites ont été vigoureuses dès les années 2010 ; elles ont contribué à la poussée de la gauche lors des consultations électorales de 2012. Significatif également le fait que les établissements vendéens du Groupe Bénéteau aient pu se trouver bloqués par un mouvement social en juin 2015.
Dans ce département prédominent des petites et moyennes entreprises où persiste un état d’esprit qu’on pourrait qualifier de patriarcal. Bien des patrons restent proches de leurs employés, et se préoccupent de « faire du social ». Bien des salariés se félicitent de ce côté « humain » et répugnent au conflit ouvert avec leurs employeurs. L’origine souvent rurale des ouvriers, la forte influence du catholicisme qui valorise le dialogue charitable, l’absence de très grosses entreprises où se développe par prédilection un syndicalisme de combat, tous ces facteurs ont contribué à créer un état d’esprit qui, sur le plan économique, attire des investisseurs et, sur le plan politique, défavorise le vote de gauche. Le conflit éclate d’ailleurs à un moment où le villiérisme est à son zénith et le patron de l’entreprise « bénéficiaire » de cette grève est un ami proche de Philippe de Villiers.
Mais le changement se fait progressivement sentir. Des études ont montré que si le chômage est ici inférieur à la moyenne nationale, les salaires le sont aussi, suscitant des prises de conscience. Les mobilisations pour la défense des retraites ont été vigoureuses dès les années 2010 ; elles ont contribué à la poussée de la gauche lors des consultations électorales de 2012. Significatif également le fait que les établissements vendéens du Groupe Bénéteau aient pu se trouver bloqués par un mouvement social en juin 2015.
Transcription
Présentateur
Alors, qu’est-ce qui peut pousser des salariés à défendre leur directeur, soutenus en cela d’ailleurs par des syndicats ? Pour tenter de répondre à ces questions, nous allons au Boupère, en Vendée, c’est là que tout a commencé il y a quinze jours. Les 800 salariés de l’entreprise de meubles Gautier se mettent en grève pour soutenir leur directeur, Dominique Soulard ; un homme du pays, garant, selon les salariés, de l’avenir de l’entreprise rachetée par un grand groupe il y a quelques mois. Aline Mortamet et les équipes de France 3 Ouest sont retournées sur place. Le travail a repris cette semaine, le directeur a donc retrouvé son bureau. Le récit d’un conflit qui dépasse les frontières, de l’actualité strictement sociale.(Bruit)
Dominique Soulard
Voilà Gautier, une usine de meubles créée en 62, leader sur son marché, de 800 personnes.Aline Mortamet
Depuis lundi dernier, au plus grand soulagement de tous ses employés, Dominique Soulard est redevenu le patron.Dominique Soulard
Merci les gars, merci beaucoup, bonne journée, et surtout bon courage.Aline Mortamet
Un par un, il a remercié tous ses salariés qui ont fait grève contre les décisions de la maison-mère parisienne, ils voulaient garder leur patron, situation unique en France, mais c’était au Boupère, en plein coeur du Bocage vendéen.Journaliste
Ambiance tendue au maximum pour un comité d’entreprise exceptionnel, du jamais vu. Pour la première fois depuis sa création en 1958, l’entreprise de fabrication de meubles Gautier est en grève illimitée.Aline Mortamet
Pour expliquer le phénomène Gautier, il faut remonter au début des années 60. À l’origine, un homme, Patrice Gautier, qui sent que le climat des trente glorieuses est une incitation à se développer. Il embauche en campagne et son usine devient rapidement le premier employeur de la commune, la fierté de ses habitants qui ont ainsi conjuré l’exode rural.Gaby Chataigner
En 1950, toute cette main d’oeuvre était libérée, eh bien, ils allaient automatiquement chez Gautier. Et puis alors après, ben évidemment, il a recruté un peu dans toute la région, euh, les communes environnantes. Mais ça a été quand même une source d’épanouissement pour la commune parce que tous ces gens-là après, ben, construisaient… Et je pense que, il faut dire que Patrice Gautier a été vraiment à l’origine de l’épanouissement de la commune.(Bruit)
Patrick Gouril
Les Vendéens ne sont jamais aussi forts que quand ils défendent leur histoire, quand ils défendent leur vécu. Ils ne cherchaient pas à gagner particulièrement, ce n’était pas le treizième mois ou le quatorzième mois, ce n’était pas une prime. Ils cherchaient à défendre le fonctionnement de l’entreprise et à laisser l’entreprise dirigée par quelqu’un en qui ils ont confiance. Par un Vendéen aussi, et c’est en cela que c’est très typique un petit peu du fonctionnement à la vendéenne, je dirais.Aline Mortamet
Et le premier d’entre eux, naturellement, Philippe de Villiers, est venu apporter sa caution au mouvement.Philippe (de) Villiers
Les Vendéens n’accepteront pas qu’on casse l’outil de travail Gautier France.Aline Mortamet
L’arrivée de l’enfant du pays sollicita plus les ovations que les craintes de récupération du mouvement. Vous n’avez pas peur d’une récupération politique ?Claude Loiseau
Ah ben non, c’est déjà fait, et il n’y a pas… Pour moi, non quoi, parce que chacun a ses opinions, ça ne change rien. Mais c’est évident qu’il, quand il va quelque part, il apporte tout son poids, malgré lui, si on veut, hein !(Bruit)
Aline Mortamet
Le 16 septembre, tous à La Roche-sur-Yon, pas un seul salarié ne manque à l’appel, les élus sont à leurs côtés et la Vendée entière est mobilisée. Quatre jours plus tard, la Vendée a gagné, Dominique Soulard est de retour parmi ses employés.(Bruit)
Dominique Soulard
Ce conflit, qui a pris une dimension nationale, même dans le rapport du personnel par rapport au patronat, par rapport à l’ensemble, fera réfléchir tout le monde. Et je pense que sur le plan social, c’est comme ça que fonctionnera les usines demain.(Musique)
Aline Mortamet
Ainsi, un conflit social d’un nouveau type est né au Boupère. La semaine dernière, c’était chez Gautier, une entreprise au fonctionnement interne un peu particulier.Patrick Gouril
Et on sent bien que c’est à la fois, ça n’a jamais été un conflit entre la direction et le personnel, c’est ensemble, un conflit contre un actionnaire, contre une puissance, contre, je dirais, une puissance de l’argent, contre quelque chose de, qui pourrait être un peu inhumain un petit peu, qui n’a pas cette personnalisation qu’a Dominique Soulard.(Bruit)