Un cargo explose dans le port de Brest
Notice
L'"Ocean Liberty", contenant des produits chimiques, a explosé dans le port de Brest. On dénombre des pertes humaines et matérielles. Le quartier Saint Marc est particulièrement touché. Les Brestois ont débuté les travaux de déblaiement.
Éclairage
Scènes de terreur en ce jour du 28 juillet 1947 : 22 morts, 4 disparus, et des blessés par centaines, en rade de Brest, après la catastrophe de l'Ocean-Liberty. Une chaleur accablante, 3.000 tonnes de nitrate d'ammonium dans les cales du liberty-ship, un début d'incendie et puis l'explosion, terrible, qui replonge à nouveau Brest, alors en pleine reconstruction, dans le chaos.
Cinq jours auparavant, le 23, l'Ocean-Liberty, navire norvégien transportant de l'acier, des produits manufacturés et du nitrate d'ammonium - destiné à la fabrication d'engrais -, s'était amarré au cinquième bassin du port de commerce. Le 27, les dockers commencent à débarquer la cargaison. Le lendemain, on entend crier "Au feu". C'est un matelot qui vient de découvrir un début d'incendie dans une des cales. Quelques instants plus tard, les pompiers et les marins pompiers sont sur place et commencent à arroser le navire ainsi que les entrepôts de la chambre de commerce situés à proximité immédiate. Mais la récente explosion d'un cargo également chargé de nitrate d'ammonium dans le port de Texas City incite les autorités brestoises à la prudence. On décide alors de remorquer l'Ocean-Liberty en rade, afin de limiter l'extension du feu.
Il est 14 heures lorsque l'équipage est évacué et que le remorqueur portuaire Plougastel prend en charge le navire. Quelques minutes plus tard, le navire en feu s'échoue sur le banc de sable de Saint-Marc. Il restera bloqué là, malgré plusieurs tentatives du remorqueur impuissant à continuer sa route, alors que la marée descend. Sans prendre conscience du danger, des centaines de Brestois se rendent à proximité pour regarder le feu sur le bateau. En rade, les opérations d'arrosage depuis un bateau-pompe continuent. A 16 heures, la canonnière Le Goumier - une prise de guerre faite aux Allemands - tente de pratiquer une brèche sous la ligne de flottaison du cargo norvégien, grâce à des obus à charge non explosive, afin que l'eau de mer s'engouffre et éteigne l'incendie. Mais la tentative échoue. Le directeur de la compagnie des Abeilles, Yves Bignon, propose d'intervenir en pratiquant une nouvelle brèche grâce à des explosifs. Avec l'accord des autorités, il place une première charge dans une bouée. Mais une fois celle-ci posée le long de la coque, le vent l'éloigne. A la seconde tentative, c'est la mèche qui fait long feu. Le sort s'acharne et en fin d'après-midi, l'incendie touche les cales pleines de nitrate. Yves Bignon s'approche à nouveau à bord de sa vedette pour tenter de déposer une troisième charge explosive et à moins de cinquante mètres du navire, ce dernier explose.
Un souffle terrible envahit la ville et balaye toutes les vitres sur son passage. Des éclats de verre volent en tous sens, les portes et fenêtres de nombreuses baraques, mises à disposition des Brestois par l'armée américaine, sont arrachées. L'énorme explosion est même perçue à une centaine de kilomètres à la ronde. Mais le pire survient juste après : une pluie métallique bombarde Brest. Des morceaux de navire frappent au hasard dans un rayon de plusieurs kilomètres, s'abattant sur les hommes comme sur les maisons. A ces scènes s'ajoute un véritable raz-de-marée qui déferle sur la plage du Moulin-Blanc envahie à cette saison par les baigneurs. La ville qui renaissait à peine des cendres de la Seconde Guerre mondiale, retombe à nouveau dans le chaos. Autant dire que les moyens de lutte contre les incendies sont encore très réduits.
La panique règne partout, les blessés se comptent par centaines, touchés au hasard par la chute des pièces de métal ou l'effondrement de pans d'habitations, alors qu'en rade, une immense colonne de fumée rouge provient des entrailles de l'Ocean-Liberty et perfore le ciel. La catastrophe provoque un grand émoi à travers le monde. Des témoignages de solidarité sont envoyés par centaines, comme celui du maire de Texas City ou encore le chèque de un million de francs signé par Eva Peron au nom du gouvernement argentin. A Brest, quelques temps plus tard, par solidarité avec les familles des victimes, Yann Camus créera la "Kevrenn Saint-Marc". Au final, les dégâts furent considérables, nécessitant des années de reconstruction.