Un Breton évoque l'avenir politique de la Bretagne
Notice
Un étudiant brestois, membre du MOB (Mouvement pour l'organisation de la Bretagne) parle de l'organisation de sa région telle qu'il l'envisage : une Bretagne administrativement et économiquement autonome.
Éclairage
Entre 1954 et 1962, les quatre départements que comptent aujourd'hui la région, déjà sous-industrialisés, perdent encore des emplois industriels et continuent de se désindustrialiser. Une nouvelle fois en porte-à-faux avec l'ensemble français, la population active bretonne est aussi l'une de celle où la proportion de salariés est la plus faible. Le seul point positif est la croissance de son secteur tertiaire. Ainsi, la structure de la population active bretonne reste globalement une structure de type ancien : la région ne s'est pas encore adaptée aux transformations de la seconde moitié du XXe siècle et ne bénéficie pas encore de l'action du CELIB (Comité d'Etudes et de Liaison des Intérêts Bretons) ni de la planification régionale.
Dans un tel climat, la colère monte : les hommes politiques et les principaux responsables économiques bretons tentent d'arracher des mesures favorables à la région afin de lui permettre d'arrêter l'hémorragie des siens vers des régions offrant du travail et des perspectives d'avenir plus séduisantes. C'est dans ce contexte des années 1950-1960, que le mouvement breton se reconstitue et se fait de nouveau entendre dans le domaine politique, en particulier avec la création du MOB, en 1957. Le Mouvement pour l'Organisation de la Bretagne cherche à lutter contre la désertification de la Bretagne et ce qu'il nomme, même, une "déportation", expression qui suscite la colère des anciens déportés de la Seconde Guerre mondiale, d'autant que l'affiche qui accompagne ce slogan du MOB est pour le moins ambigu.
Pour redonner vie à la région, il faut construire un projet capable de rassembler les habitants bretons. Profitant de la naissance du CELIB et d'un apaisement dans le domaine judiciaire, le mouvement breton intensifie sa présence et son activité. En effet, les procès de certains militants bretons, régionalistes, au comportement ambigu durant la Seconde Guerre mondiale et l'Occupation sont révisés, tel celui de Yann Fouéré, finalement acquitté en 1956. Ce dernier peut retourner à la vie militante et créer un "Projet d'organisation de la Bretagne", très modéré, se contentant d'exprimer la volonté d'une réforme administrative permettant la décentralisation avec une assemblée régionale élue. Sous son impulsion, des parlementaires, des cadres, des membres des professions libérales et une certaine partie de la jeunesse bretonne prônent une attitude régionaliste modérée, sans pouvoir être suspectée d'autonomisme. Quand le MOB est créé et ce, jusqu'en 1964, il apparaît comme la branche politique du CELIB, responsable, lui, des problèmes économiques et sociaux. La confusion règne et nécessite plusieurs mises en point. A l'origine, le MOB ne dispose pas d'une autonomie suffisante par rapport au CELIB qui lui permettrait de peser sur l'opinion. Aussi, se revendiquant mouvement d'union, il cache mal ses divisions et ses contradictions internes et semble plus proche de la droite. Cependant, on y retrouve aussi bien ceux qui entendent lutter contre le "statut colonial de la Bretagne" que ceux qui ont une conception fédéraliste, parmi lesquels l'étudiant interrogé dans ce reportage. Ces tensions éclatent en 1963, après l'échec relatif du CELIB et l'organisation des forces politiques de gauche. Cela n'empêche pourtant pas les associations culturelles inscrites dans l'esprit du MOB de se multiplier et de s'ouvrir aux étudiants et aux associations de sports bretons. En réalité, toutes ces actions visent à faire revivre la culture bretonne et à affirmer la spécificité de la région, tout en faisant oublier la compromission de certains indépendantistes avec les Allemands durant la guerre. Comme le disent beaucoup de membres du MOB, ils se sentent "bretons d'abord", avant d'être français ou même européens.