La guerre des écoles

16 février 1980
03m 26s
Réf. 00079

Notice

Résumé :

La création d'une l'école publique à Plourin (29) suscite de vives réactions au sein de la population. La majorité des habitants est favorable à l'école catholique et soutient le maire. Seul un groupe de parents d'élèves défend l'école publique.

Date de diffusion :
16 février 1980
Source :
TF1 (Collection: IT1 13H )

Éclairage

Le député du Finistère Guy Guermeur est à l'origine de la loi de 1977 sur la parité des traitements entre maîtres du public et ceux du privé. C'est dans ce contexte qu'apparaissent de nombreux conflits entre école publique laïque et école privée confessionnelle, témoignant des chocs brutaux reçus par la société bretonne, où toute déviation suscite de vifs affrontements et débats. Toutes ces dissensions sont le signe d'une société dont les fondements sont remis en cause.

Au début des années 1980, lorsque le nouveau pouvoir socialiste souhaite mettre en place l'école unique, le pays découvre avec stupéfaction la persistance des capacités de mobilisation de l'Eglise : les Bretons sont au cœur du débat et les rassemblements de masse se multiplient dans la péninsule.

En savoir plus :

L'opposition entre l'école publique et l'école privée est une constante dans la région. Même si cela tend aujourd'hui à s'atténuer, tout Breton du XXe siècle a vécu pleinement cette coupure entre les deux écoles, les deux sociétés. Cette rivalité, ce dualisme scolaire structure durablement l'espace idéologique et la sociabilité en Bretagne.

Dans les années 1950, rares sont les communes qui ne possèdent pas d'écoles privées. La densité de ces dernières est extrêmement forte dans le Léon, l'est du Morbihan, le sud de l'Ille-et-Vilaine et en Loire Inférieure. Aussi, dans le dernier quart du XXe siècle, l'école est le lieu des conflits, le lieu qui situe religieusement mais aussi politiquement telle ou telle famille d'un village. Dans l'ensemble, la diminution des effectifs de l'enseignement privé est faible. L'enseignement primaire privé rassemble en effet 49% des élèves de l'académie de Rennes en 1971-1972 et 41% en 1985-1986. Au cours de cette même année scolaire, 43% des élèves du secondaire sont dans l'enseignement privé. Mais si l'école privée se maintient, les enseignants sont principalement des laïcs qui ne sont pas forcément des pratiquants. De la même façon, la place du religieux dans l'enseignement y est fort réduite. La répartition géographique de l'enseignement primaire privé n'est pas égale dans toute la région et fait apparaître une forte corrélation entre la présence des écoles privées et une forte pratique religieuse. En réalité, le clivage pratique religieuse - école confessionnelle / non pratique - école laïque, démontre la structure d'une société bipolaire où chaque camp vit en vase clos et se suffit à lui-même. En Basse Bretagne, le Léon - sur lequel se penche ce reportage - reste un bastion solide avec plus de 80% des élèves dans les écoles privées. La Haute Bretagne est également un terrain très favorable à l'école primaire privée confessionnelle, mais dans les campagnes plus que dans les villes. Enfin, le nord-ouest de l'Ille-et-Vilaine et l'est des Côtes-du-Nord avoisinent les 50%, mais, majoritairement, la majorité des élèves du primaire ne se trouvent plus dans ces écoles.

L'Eglise entend perpétuer une attitude de défense de l'école catholique qui a toujours été sienne. D'autres personnes sont également là pour manifester leur opposition au gouvernement de gauche, donnant un sens politique au maintien de l'école privée. La persistance de l'école privée confessionnelle fait toujours partie d'un héritage solide et de la mentalité collective qui mêlent étroitement religion, morale, situation sociale et opinion politique.

Bibliographie :

- Jacqueline Sainclivier, La Bretagne de 1939 à nos jours, Rennes, éd. Ouest-France, coll. "Université", 1989.

Fabien Lostec

Transcription

Présentateur
Etonnante démarche pour un village breton, il se bat pour obtenir la fermeture de son école. Situation paradoxale lorsque l'on sait que l'Education Nationale est toujours confrontée à un problème inverse. Le dossier est simple, les habitants de Plourin-Ploudalmézeau s'accommodaient fort bien de ne pas avoir d'école car celles-ci sont nombreuses dans les environs et le ramassage scolaire fonctionne bien mais un lotissement s'est créé, de jeunes couples ont alors réclamé la création d'une école qu'ils ont obtenue. Une ouverture qui a provoqué la colère de la municipalité et d'une partie du village, un reportage de Marie-Laure Augry.
Marie-Laure Augry
Depuis quelques semaines, les sorties de messe sont particulièrement animées à Plourin, un seul sujet de conversation, l'école. Cette école que 50 parents ont réussi à faire ouvrir et que 450 autres voudraient voir fermée. Les uns évoquent des raisons financières, une école coûte chère, les autres des raisons idéologiques. L'école publique n'est pas bien vue dans cette terre de foi et de tradition. Quoi qu'il en soit, les pour et les contre, ne se parlent plus, lettres et coups de fil anonymes empoisonnent l'atmosphère.
Habitante (1)
Y a des écoles dans les communes environnantes et ça nous suffit et ça donnerait trop de frais de faire une école à Plourin.
Habitante (2)
Enfin, je pense aussi que pour les enfants ont peu faire un effort parce que ça met de la vie dans la commune et puis ça aide les jeunes.
Marie-Laure Augry
Et si c'était une école libre qui s'ouvrait, vous auriez la même position ?
Habitante (3)
Oui, oui, oui, oui...
Habitant
Ça met la pagaille, c'est vrai. Et les gens de la commune, pour la plupart, ce n'est qu'une minorité qui demande l'école et ils font beaucoup de bruit et les... la plupart des gens de la commune en ont ras-le-bol.
Marie-Laure Augry
Les contre, ce sont ces hommes, comme chaque dimanche, ils se retrouvent après la messe. Ils iront jusqu'au bout de leur croisade, ils soutiennent leur maire lorsqu'il ne vote pas le budget de fonctionnement de l'école ou lorsqu'il refuse de signer le procès verbal d'installation de l'institutrice. Leurs enfants fréquentent les écoles des environs, pourquoi changer les habitudes. Les pour, ce sont eux, jeunes parents et nouveaux venus, ils refusent l'immobilisme et feront respecter la loi.
Parent
Pour faire vivre une commune et ici, c'est l'inverse, ici on ferme les écoles, on en veut pas, on veut pas faire venir des gosses, on veut pas que la commune vive.
Marie-Laure Augry
Les anciens comprennent mal les exigences de ces jeunes parents. Jusqu'à présent, le village n'avait pas d'école, personne ne s'en plaignait alors pourquoi financer une école qui ne profiterait qu'à quelques uns. Raisons financières mais raisons idéologiques aussi.
(Silence)
Habitante (4)
On nous a toujours dit que l'école privée était la seule école valable pour des chrétiens alors l'école publique, c'était l'école du diable. La seule école possible, c'était l'école privée et je crois qu'il y a beaucoup de personnes de notre génération qui en sont restées là encore.
Marie-Laure Augry
L'école maudite a été ouverte sur ordre de la préfecture. 19 enfants la fréquente, la municipalité refusant toujours de verser le moindre centime, les conditions de scolarité ne sont pas excellentes. L'école vit tant bien que mal à coup de kermesses. La Mairie n'est pourtant séparée de l'école que par une cloison mais officiellement, on s'ignore. Deux idéologies, deux mondes, deux générations s'affrontent, décidément la guerre scolaire n'est pas finie en pays breton.