La guerre des écoles
Notice
La création d'une l'école publique à Plourin (29) suscite de vives réactions au sein de la population. La majorité des habitants est favorable à l'école catholique et soutient le maire. Seul un groupe de parents d'élèves défend l'école publique.
Éclairage
Le député du Finistère Guy Guermeur est à l'origine de la loi de 1977 sur la parité des traitements entre maîtres du public et ceux du privé. C'est dans ce contexte qu'apparaissent de nombreux conflits entre école publique laïque et école privée confessionnelle, témoignant des chocs brutaux reçus par la société bretonne, où toute déviation suscite de vifs affrontements et débats. Toutes ces dissensions sont le signe d'une société dont les fondements sont remis en cause.
Au début des années 1980, lorsque le nouveau pouvoir socialiste souhaite mettre en place l'école unique, le pays découvre avec stupéfaction la persistance des capacités de mobilisation de l'Eglise : les Bretons sont au cœur du débat et les rassemblements de masse se multiplient dans la péninsule.
En savoir plus :
L'opposition entre l'école publique et l'école privée est une constante dans la région. Même si cela tend aujourd'hui à s'atténuer, tout Breton du XXe siècle a vécu pleinement cette coupure entre les deux écoles, les deux sociétés. Cette rivalité, ce dualisme scolaire structure durablement l'espace idéologique et la sociabilité en Bretagne.
Dans les années 1950, rares sont les communes qui ne possèdent pas d'écoles privées. La densité de ces dernières est extrêmement forte dans le Léon, l'est du Morbihan, le sud de l'Ille-et-Vilaine et en Loire Inférieure. Aussi, dans le dernier quart du XXe siècle, l'école est le lieu des conflits, le lieu qui situe religieusement mais aussi politiquement telle ou telle famille d'un village. Dans l'ensemble, la diminution des effectifs de l'enseignement privé est faible. L'enseignement primaire privé rassemble en effet 49% des élèves de l'académie de Rennes en 1971-1972 et 41% en 1985-1986. Au cours de cette même année scolaire, 43% des élèves du secondaire sont dans l'enseignement privé. Mais si l'école privée se maintient, les enseignants sont principalement des laïcs qui ne sont pas forcément des pratiquants. De la même façon, la place du religieux dans l'enseignement y est fort réduite. La répartition géographique de l'enseignement primaire privé n'est pas égale dans toute la région et fait apparaître une forte corrélation entre la présence des écoles privées et une forte pratique religieuse. En réalité, le clivage pratique religieuse - école confessionnelle / non pratique - école laïque, démontre la structure d'une société bipolaire où chaque camp vit en vase clos et se suffit à lui-même. En Basse Bretagne, le Léon - sur lequel se penche ce reportage - reste un bastion solide avec plus de 80% des élèves dans les écoles privées. La Haute Bretagne est également un terrain très favorable à l'école primaire privée confessionnelle, mais dans les campagnes plus que dans les villes. Enfin, le nord-ouest de l'Ille-et-Vilaine et l'est des Côtes-du-Nord avoisinent les 50%, mais, majoritairement, la majorité des élèves du primaire ne se trouvent plus dans ces écoles.
L'Eglise entend perpétuer une attitude de défense de l'école catholique qui a toujours été sienne. D'autres personnes sont également là pour manifester leur opposition au gouvernement de gauche, donnant un sens politique au maintien de l'école privée. La persistance de l'école privée confessionnelle fait toujours partie d'un héritage solide et de la mentalité collective qui mêlent étroitement religion, morale, situation sociale et opinion politique.
Bibliographie :
- Jacqueline Sainclivier, La Bretagne de 1939 à nos jours, Rennes, éd. Ouest-France, coll. "Université", 1989.