Avortement, la loi Veil en question

17 janvier 1975
03m 16s
Réf. 00077

Notice

Résumé :

Manifestation à Rennes pour l'amélioration des pratiques de l'IVG (Interruption Volontaire de Grossesse) et le maintien de la loi Veil, votée en 1975 pour 5 ans. L'application de la loi n'est en effet pas toujours respectée en Bretagne.

Type de média :
Date de diffusion :
22 novembre 1979
Date d'événement :
17 janvier 1975
Source :
FR3 (Collection: Terroir 22 )

Éclairage

L'arrivée à la présidence de la République, en 1974, de Valéry Giscard D'Estaing, président moderne, va entraîner la création du premier Secrétariat d'État à la condition féminine. Simone Veil est, quant à elle, ministre de la Santé. Après avoir libéralisé la contraception en 1974, elle commence son combat pour l'avortement.

C'est ainsi que le 17 janvier 1975, est adoptée la loi Veil sur l'IVG (interruption volontaire de grossesse) dépénalisant l'avortement. Cette loi, proposée par la droite, doit sa victoire au soutien des voix de gauche. Cette victoire reste cependant inachevée, la loi est en effet temporaire, valable uniquement pour cinq ans, un réexamen de la loi étant prévu. Une commission est ainsi instituée en 1979 pour évaluer la loi et son application. Les conclusions du rapport Delaneau présenté à l'Assemblée sont favorables à sa reconduction. Elle n'a pas banalisé l'avortement puisque les chiffres se sont rapidement stabilisés, l'avortement est bien un ultime recours et non un moyen de contraception. Les avortements clandestins et ses conséquences dramatiques sur la santé des femmes ont disparu. L'application de la loi sur le terrain est jugée, dans ce rapport, plus problématique. La clause de conscience est encore souvent utilisée avec "absence d'honnêteté intellectuelle" et certains médecins font preuve d'un "comportement déloyal" en n'informant pas les femmes dès la première visite de leur refus de pratiquer une IVG. Le rapport conclut que "la loi doit exister même si elle ne règle pas tout". La reconduction de la loi donne lieu, de nouveau, à des débats publics passionnés. Les opposants souhaitent, si ce n'est la supprimer, tout au moins en restreindre l'accès à de "véritables" situations de détresse. La mobilisation des femmes (50000) lors de la manifestation du 6 octobre 1979, puis des partis politiques et des syndicats le 24 novembre, montre que l'opinion publique n'accepterait pas un retour en arrière. La loi est votée définitivement le 30 novembre 1979 par 271 députés contre 201. Elle est promulguée le 1er janvier 1980.

En savoir plus :

"La libération des femmes commence au ventre". Avec la parution du Deuxième Sexe en 1949, Simone de Beauvoir, à qui l'on doit cette phrase choc, va relancer la lutte des femmes en France. L'idée est simple : la sexualité est au cœur de l'émancipation des femmes. Ainsi, les années cinquante et soixante sont marquées par la lutte de féministes pour la contraception et l'avortement. Après avoir essuyé onze refus de proposition pour modifier la loi de 1920 qui réprime la propagande anticonceptionnelle et la moindre évocation ou proclamation à l'avortement, la loi Neuwirth est enfin adoptée en juillet 1966, autorisant la vente légale de produits contraceptifs. Cette loi connaît cependant des limites : le contraceptif n'est pas remboursé, les mineurs doivent avoir une autorisation parentale, le décret n'est appliqué que dans les années 1969-1972 et surtout cela n'a pas permis de limiter les avortements clandestins toujours trop fréquents.

Dans les années soixante-dix, des mouvements féministes se créent tels le MLF (Mouvement de libération des femmes) ou le MLAC (Mouvement pour la liberté de l'avortement et de la contraception). Leurs revendications se font désormais au grand jour. Deux exemples restent célèbres : le "Manifeste des 343", dit encore "Manifeste des 343 salopes" de 1971, où des femmes souvent célèbres avouent avoir avorté dans l'illégalité. Ce Manifeste relie véritablement la lutte pour la contraception à la lutte pour l'avortement. On peut aussi évoquer le fameux procès de Bobigny de 1972, condamnant une jeune fille violée par un camarade, qui s'est faite avorter, et qui devient la tribune de célébrités prônant l'Interruption volontaire de grossesse (IVG). La relaxe de la jeune fille démontrait que la loi de 1920 n'était plus applicable. La loi promulguée en 1980 est peu modifiée dans ses grandes lignes. Elle précise "l'obligation hospitalière" : le conseil d'administration de tous les hôpitaux publics doit créer un centre d'IVG ( interruption volontaire de grossesse), y compris en cas de recours à la clause de conscience d'un ou de la totalité des médecins de l'établissement. Cette modification de la loi doit permettre une meilleure application sur le terrain.

Maud Moulin

Transcription

(Silence)
Foule
«Avortement, contraception, livré, remboursé...».
Journaliste
C'était le 6 octobre dernier, les femmes avaient une nouvelle fois décidé de se mobiliser à l'occasion de la rediscussion de la loi sur l'avortement. A Rennes, elles ont été plusieurs centaines à répondre à l'appel et à défiler dans les rues avant de se retrouver pour une soirée organisée autour de ce thème.
(Silence)
Manifestantes
«Les femmes s'en vont en lutte, c'est fini le temps des cuisinières, les femmes s'en vont en lutte contre leur oppression, contre leur oppression.»
(Musique)
Journaliste
C'est le 17 janvier 78 après des heures de débats houleux et passionnés qu'était adoptée avec l'appui de l'opposition, la loi Veil. Votée pour 5 ans, elle prévoyait que toute femme qui s'estime en état de détresse, a le droit d'interrompre sa grossesse à condition que celle-ci ne dépasse pas 10 semaines et que l'intervention ait lieu dans un centre hospitalier public ou privé agrée. Dans quelques jours maintenant, les députés auront à se prononcer sur la reconduction ou non de la loi telle qu'elle a été votée en 75 ou amendée comme le souhaitent les partis de gauche. Elle deviendra alors définitive mais 5 ans d'expérience ont montré que son application était toute relative, notamment en Bretagne et qu'il restait de gros points noirs. Là où elle n'est pas appliquée, les démarches pour les femmes sont multipliées.
(Musique)
Nelly Le Sager
Au préalable, elle est allée voir son médecin de médecine générale, son médecin habituel qui quelque fois lui fait passer un test en laboratoire et lorsque celui-ci est positif, lui dit allez voir le planning. Donc, elles viennent en deuxième démarche chez nous et nous, on est obligé de leur dire, bon vous avez ou Quimper ou Lorient.
Journaliste
Les démarches sont multipliées donc du fait qu'elles doivent aller à Lorient ou à Quimper.
Nelly Le Sager
Oui, bien sûr.
Journaliste
Et ça ça doit souvent entraîner des dépassements de délais.
Nelly Le Sager
Voilà. C'est... enfin, il y a des femmes qui nous arrivent, bon bah juste mais pas parce qu'elles ont tardé mais aussi parce que on les a fait tarder. Parce que, bon des femmes qui arrivent à la quarantaine. Oh, c'est la pré-ménopause, etc, alors bon bah elles s'alertent pas. Donc évidemment quand il faut qu'elles aillent deux fois à Quimper ou deux fois à Lorient, y a des femmes qui travaillent.
Journaliste
Quimperlé en est l'exemple type mais on pourrait aussi citer Fougères, cette opposition à la loi Veil se rencontre surtout dans les villes isolées, pauvres et peu dynamiques économiquement et dans les villes où l'influence de la religion reste très sensible, c'est le cas de Vitré notamment. Dans le reste de la Bretagne, les IVG sont pratiquées de façon plus ou moins satisfaisantes. A Brest, faute de lits, un choix est opéré en fonction des urgences et des disponibilités. Dans le Morbihan, tous les hôpitaux pratiquent l'IVG, dans les Côtes du Nord, il y a encore des barrages, à Loudéac notamment. En Ille-et-Vilaine enfin, la loi n'est donc appliquée ni à Vitré ni à Fougères, elle est dissuasive à Saint-Malo. A Rennes, ce sont les conditions dans lesquelles elles sont pratiquées jusqu'à présent, sans anesthésie ou local seulement, qui limitent les IVG.