Vendée, l'Ile d'Yeu sous le choc
Notice
Des marins de la Gabrielle sont accueillis à l'Ile d'Yeu. Ce thonier a été attaqué en mer durant les récents évènements opposant marins espagnols et français. Ce violent conflit paralyse l'activité des pêcheurs. Ils témoignent de leurs inquiétudes.
Éclairage
L'éperonnage volontaire d'un navire de pêche en pleine mer et en temps de paix est exceptionnel. A la mi-juillet 1994, le thonier La Gabrielle de l'île d'Yeu est éperonné par des pêcheurs espagnols originaires de Galice pratiquant eux aussi la pêche au thon. Non contents de l'avoir éperonné, ils montent à bord avant de le remorquer et de le retenir en "otage" dans un port de Galice pour démontrer qu'il utilisait des filets maillants dérivants excédant la longueur réglementaire fixée par l'Union européenne. Après des échanges diplomatiques tendus entre la France et l'Espagne, le thonier est remis aux autorités françaises. En raison d'une importante voie d'eau, il est réparé avant de revenir en France sous escorte de la Marine française.
Pourquoi cet abordage ? Depuis le milieu des années quatre-vingt, les pêcheurs de l'île d'Yeu se sont spécialisés dans la pêche saisonnière du thon germon au filet maillant dérivant ; elle est pratiquée de juin à octobre. Cette pratique est plus rentable que la pratique traditionnelle à la ligne ou à la canne perpétuée par les pêcheurs basques et galiciens espagnols. Cette pêche a été abandonnée à l'île d'Yeu au début des années quatre-vingt.
En 1986, les techniciens de l'Ifremer (Institut français de recherche pour l'exploitation des mers) ont réintroduit cette pêche en introduisant une nouvelle technique, celle du filet maillant dérivant (filet maintenu en surface par des flotteurs et au fond par des poids). Celui-ci jusqu'en 1991 avait une longueur de 5 km. Cette technique a suscité une double hostilité : celles des pêcheurs espagnols et celle de certaines associations écologistes comme Greenpeace. Les premiers pour des raisons économiques car ils craignent la concurrence et une baisse des cours sur le marché ; les seconds dénoncent un engin peu sélectif pouvant capturer des mammifères marins tels les dauphins. Ce que contestent les chercheurs qui considèrent que ce fait est rarissime.
Ce double lobbying porte l'affaire devant l'Union européenne ; le conseil des ministres européens de la pêche décide en 1991 de limiter la longueur des filets à 2,5 km. Les pêcheurs français obtiennent une dérogation jusqu'au 31 décembre 1993. Finalement cette technique de pêche est interdite par l'Union européenne depuis le 1er janvier 2002. L'action violente des pêcheurs espagnols vise à faire pression et à vérifier la longueur des filets utilisés par les thoniers français. La méthode extrêmement violente utilisée révèle la gravité de la menace économique qui pèse sur les pêcheurs. Artisans pour la plupart, ils ne peuvent faire face aux investissements que nécessitent un changement de technique de pêche, ce qui les condamne comme artisans indépendants. C'est de cela dont ont eu peur les pêcheurs espagnols. Et ils l'expriment par la violence.
Bibliographie :
- Christian Lequesne, L'Europe bleue, A quoi sert une politique communautaire de pêche, Presses de Science politique, 2001.