L'Amoco Cadiz
Notice
Une marée noire touche à nouveau les côtes bretonnes. Un pétrolier, l'Amoco Cadiz, s'est échoué hier au large de Portsall dans le Finistère. Malgré les importants moyens mis en oeuvre, la pollution est importante.
Éclairage
Affrété par la société Shell pour transporter 223 000 tonnes de pétrole léger et 4 000 tonnes de fuel lourd provenant d'Arabie Saoudite et d'Iran destinés au marché de Rotterdam, l'Amoco-Cadiz, est un pétrolier géant de 330 mètres de long, immatriculé au Libéria, mais appartenant à la Phillips, compagnie de Chicago dont le siège est aux Bermudes.
Le 16 mars 1978, alors que la mer est très formée, le supertanker connaît une panne de gouvernail non loin des côtes bretonnes, à l'entrée sud de la Manche. Le commandant stoppe les machines et demande de l'assistance. Contacté, l'armateur de Chicago refuse cependant l'offre d'assistance payante proposée par un remorqueur allemand, le Pacific. Les négociations se poursuivent alors que l'Amoco, poussé par un fort vent d'ouest, continue de dériver vers les côtes bretonnes. Quatre heures plus tard, le Pacific commence à tirer le pétrolier, en vain. Les vents dépassent 130 kilomètres à l'heure et les creux atteignent 7 à 8 mètres. Un peu plus de onze heures après sa panne de gouvernail, l'Amoco échoue sur les hauts fonds au large de Portsall ; il se brise de nuit à 21h55, alors que l'équipage est difficilement évacué. Les jours suivants, les cales du navire laissent s'échapper près de 230 000 tonnes de pétrole.
En quelques jours, ce sont près de 360 kilomètres de côtes, de Brest à la baie de Saint-Brieuc, qui sont pollués. Des centaines de millions de poissons et d'invertébrés meurent asphyxiés ou empoisonnés de même que des dizaines de milliers d'oiseaux. Pour faire barrage à cette marée noire, un dispositif impressionnant est mis en place : le plan Polmar ("Pollution maritime") est déclenché par le ministre de la Culture et de l'Environnement. Des produits "dispersants" mais toxiques pour la faune et la flore sont épandus, un barrage flottant de 11 kilomètres est installé ; le fuel est aspiré par les pompiers, auxquels se joignent des milliers de bénévoles pour nettoyer les côtes polluées. Deux ans d'effort sont nécessaires pour effacer une grande part des traces de la marée noire, et au total, moins de 10% du pétrole déversé par l'Amoco a été récupéré.
La bataille juridique ne faisait quant à elle que commencer. Les villes et les villages touchés, 90 collectivités au total, se sont regroupées dans un syndicat mixte de défense et de protection des communes bretonnes. Ce syndicat, l'État, et la Société pour l'étude et la protection de la nature en Bretagne (SEPNB), se sont associés pour assigner devant la justice américaine le propriétaire de l'Amoco et son constructeur. Le 18 avril 1984, le tribunal de Chicago attribue la responsabilité principale de l'accident à la société Amoco Corp et une responsabilité partielle aux chantiers navals qui ont construit le supertanker. Le 24 janvier 1992, la cour d'appel de Chicago condamne finalement la société Amoco Corp à verser 1 045 millions de francs à l'État français et 212 millions au syndicat mixte.
Le naufrage de l'Amoco Cadiz a révolutionné le droit maritime à l'échelle internationale. Pour la première fois au monde, une compagnie pétrolière a été reconnue responsable et coupable. Toutefois, les préjudices écologiques n'ont pas été pris en considération. Depuis, des mesures ont été prises au niveau de la navigation : le trafic a été repoussé au large par la mise en place du "rail d'Ouessant". Aussi, une meilleure coordination et centralisation des moyens de prévention et de protection a été mise en place, des centres de stockage et de barrages antipollution ont été créés et le FIPOL (Fonds international d'indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures) a été fondé.
Bibliographie :
- Joël Cornette, Histoire de la Bretagne et des Bretons, tome 2, Paris, Seuil, 2005.