Obsèques à Nantes du lieutenant colonel Hotz

20 octobre 1941
01m 06s
Réf. 00404

Notice

Résumé :

A Nantes sont célébrées les obsèques du lieutenant colonel Hotz, abattu lors d'un attentat. Selon le commentateur, la foule émue répond à l'allocution du Maréchal Pétain qui appelle les français "à se dresser contre les complots de l'étranger".

Date de diffusion :
30 octobre 1941
Date d'événement :
20 octobre 1941
Source :
Personnalité(s) :

Éclairage

Cet épisode est à resituer dans le cadre des actions individuelles contre les troupes d'occupation menées par les jeunes militants communistes en 1941. Le premier attentat a lieu à Paris en août 1941 ; le second, effectué par Gilbert Brustlein (qui a participé au premier), se déroule à Nantes le 20 octobre 1941 contre le lieutenant-colonel Hotz, commandant allemand de la place de Nantes, enfin, un troisième attentat a lieu à Bordeaux le lendemain.

Le PCF clandestin entend ainsi montrer spectaculairement ses nouvelles méthodes. Un double but est poursuivi : l'armée allemande ne doit pas se sentir en sécurité en France, et le cycle attentats-répression qui doit suivre devrait secouer l'attentisme de la population et montrer l'ampleur de la collaboration avec l'occupant menée par le régime de Vichy. Le général von Stülpnagel, Militärbefehlshaber in Frankreich (gouverneur militaire en France) donne l'ordre de fusiller sur-le-champ 50 otages. Sur place à Nantes, 300 personnes sont arrêtées immédiatement, puis relâchées dès le lendemain. Mais l'ordre du général von Stülpnagel est exécuté. Le 22 octobre 1941, 48 otages sont fusillés : 27 à Châteaubriant, 5 à Paris au Mont-Valérien et 16 au camp de Bêle à Carquefou près de Nantes. Le choix des otages s'est effectué avec l'assentiment de Pierre Pucheu, ministre de l'Intérieur du régime de Vichy.

Il existe deux versions de sa participation à ce choix :

- soit il aurait refusé une première liste comprenant une quarantaine d'anciens combattants de 14-18, décorés de la croix de guerre et laissé passer la seconde liste comprenant surtout des communistes à six exceptions près,

- soit il aurait désigné lui-même les otages selon une lettre du sous-préfet de Châteaubriant datée du 22 octobre 1941 et adressée à la Kommandantur de Nantes.

Dans les deux cas, Pierre Pucheu a eu une part effective dans le choix des fusillés. La plupart des otages de Châteaubriant sont des communistes : parmi eux, un député communiste (Charles Michel), un responsable syndical de la métallurgie (Jean-Pierre Timbaud), le fils d'un député communiste (Guy Môquet, 17 ans). Mais cette liste comprend également des socialistes et des résistants non communistes tel le maire adjoint de Nantes, Alexandre Fourny, socialiste.

Ces "fusillés de Châteaubriant" ont été (et sont encore) magnifiés dans la mémoire communiste, oubliant la présence parmi eux de non communistes. Surtout, "Châteaubriant" devient immédiatement le symbole des représailles plus ou moins aveugles et des méthodes de répression de l'occupant. D'emblée, cette brutale répression a un effet considérable sur l'opinion et à l'intérieur de la Résistance. Le général de Gaulle lui-même fait une déclaration le 23 octobre 1941 à la BBC. Après avoir justifié que "les Allemands soient tués par des Français", il précise : "Actuellement la consigne que je donne pour le territoire occupé, c'est de ne pas y tuer ouvertement d'Allemands", afin d'éviter les représailles.

Avec cette allocution du général de Gaulle se trouve posé le débat sur l'opportunité ou non des attentats individuels. Le PCF et ses organisations de lutte armée (l'O.S., puis les F.T.P.F.) sont favorables à toute forme de lutte armée (attentats contre des biens ou des personnes - occupant ou collaborateur -) afin d'aguerrir ses membres et de les préparer à l'insurrection conduisant à la Libération. En revanche, la résistance non communiste, s'appuyant sur cette allocution du général de Gaulle, pratique une politique "attentiste" c'est-à-dire qu'elle rejette toute lutte armée avant le jour "J" (jour décidé par les Alliés pour leur débarquement).

Plus encore que l'entrée en guerre de l'URSS le 22 juin 1941, les exécutions de Châteaubriant prennent une résonance symbolique et sont un tournant pour l'évolution de l'opinion publique. Cette secousse est particulièrement profonde dans l'ouest de la France. Les rapports officiels (ceux des préfets, de la police, des renseignements généraux) signalent le choc que représente pour la population l'affaire des otages, choc très défavorable envers l'occupant et la collaboration policière active du régime de Vichy.

"Châteaubriant" marque une prise de conscience montrant à la population française que le nazisme ne recule devant rien et que résister est possible. Dans quelle mesure cette prise de conscience et ses conséquences contrebalancent-elles les représailles ? C'est difficile à estimer mais, à terme, l'exécution des otages de Châteaubriant a suscité plus de haine contre l'occupant et ses serviteurs que de réprobation contre l'attentat dirigé contre le lieutenant-colonel Hotz, y compris de la part de ceux qui n'approuvent pas cette tactique.

Jacqueline Sainclivier

Transcription

Commentateur
Ce sont ces haines étrangères qui armèrent, hier, le bras qui a frappé dans le dos deux officiers de l'armée d'occupation à Bordeaux et à Nantes. Les obsèques du lieutenant-colonel Hotz sont célébrées aujourd'hui, à Nantes, en présence d'une foule émue qui, par son attitude recueillie, montre qu'elle a compris l'appel du maréchal Pétain demandant aux Français de se dresser contre les complots de l'étranger. Et notre chef ajoutait : « Je vous jette ce cri d'une voix brisée. Ne laissez plus faire de mal à la France ».
(Musique)