L'affaire Brunou
Notice
Une école catholique de Quimperlé dans le Finistère est confrontée à un affaire de mœurs. Une de leur enseignante, Mme Brunou, s'est mariée à un homme divorcé. Ce mariage a provoqué son licenciement pour des raisons de morale chrétienne.
Éclairage
En France, l'opposition entre école publique laïque et école privée confessionnelle - même si elle a aujourd'hui tendance à s'atténuer - est toujours latente. Cet affrontement remonte à 1808, date de création par Napoléon de l'Université impériale. Celle-ci reçoit le monopole de l'enseignement. Les institutions et pensions privées sont de fait soumises à une surveillance étroite : leurs directeurs doivent avoir reçu un brevet pour pourvoir exercer et elles ne peuvent pas présenter leurs élèves au baccalauréat. Pour pouvoir se présenter, les élèves doivent avoir effectué leurs deux dernières années dans l'enseignement public.
La loi Falloux de 1850 - favorable à la liberté de l'enseignement - met fin au monopole de l'école publique mais non à l'opposition entre école publique et école privée. Tout au long du XXe siècle, cet affrontement est réactivé par des crises ponctuelles au niveau national et local, montrant la vivacité des tensions entre d'un côté les promoteurs de l'école "libre" et de l'autre ses détracteurs. La laïcisation du personnel enseignant en 1866, l'interdiction faite aux congréganistes d'enseigner en 1902 ou encore la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat de 1905 entérinent la scission de l'enseignement en France. En 1959, la loi Debré - organisant par contrat les rapports entre l'enseignement privé et l'Etat - ne satisfait ni l'enseignement catholique qui doit s'engager à suivre les mêmes programmes que l'enseignement public et à accueillir tous les élèves sans discrimination, ni les laïques qui y voient une délégation du service public.
En Bretagne, l'école privée catholique est très bien implantée. Dans les années 1970, elle accueille près de 50 % des élèves du primaire et du secondaire. Les débats et les tensions entre enseignement public et enseignement privé sont par conséquent très vifs dans cette région. En 1970, l'affaire Brunou cristallise ces tensions. En 1958, une institutrice est engagée par un établissement catholique morbihannais. Pendant les années 1960, elle se marie puis divorce et se remarie en 1970. La directrice de l'enseignement estime alors que ce nouveau statut ne permet plus à la jeune femme d'enseigner et lui demande en vain de démissionner. Celle-ci est finalement licenciée. Cette affaire révèle l'existence de tensions persistantes entre enseignement privé et enseignement public. Elle met à jour un clivage entre les partisans de l'une et l'autre des deux écoles. Certains parents décident de ne plus envoyer leurs enfants dans la classe de cette institutrice tandis que d'autres - pour qui la vie privée de la jeune femme ne remet pas en cause ses capacités éducatives - la soutiennent.
D'autres évènements au cours des années 1970 et 1980 - comme par exemple la loi de 1977 sur la parité des traitements entre enseignants du public et ceux du privé - réactiveront ce dualisme scolaire et idéologique.