Les forêts du Grand Est une longue histoire et de nouveaux enjeux

Les forêts du Grand Est une longue histoire et de nouveaux enjeux

Par Cyrille Litterst et Anne Gerhard - Masson, Professeur d'histoire-géographie et documentalistePublication : 16 nov. 2022

La forêt est présente sur 34% du territoire de la région Grand Est. Si elle fut d’abord un terrain d’exploitation, elle est aujourd’hui par-delà ses enjeux économiques au cœur des préoccupations liées au réchauffement climatique. Aborder la question des forêts dans le Grand Est, c’est s’intéresser à de multiples facettes de l’interaction entre l’homme et la nature, au cœur des enjeux actuels : entre exploitation et préservation des ressources mais aussi l’étude du vivant encore inconnu.

# Les forêts une longue histoire d’exploitation par l’homme

Le bois des forêts a jusqu’au XIXe siècle été exploité sans répit, pour des besoins domestiques (chauffage, cuisson, construction) ou militaires (industrie navale). Alors que la couverture forestière atteint un minimum historique dans notre pays, la promulgation du Code Forestier en 1827, les nouvelles sources d’énergies exploitées lors des révolutions industrielles et le recul de l’activité agricole expliquent que depuis le milieu du XIXe siècle, le stock de bois de la forêt française métropolitaine a doublé. La superficie de la forêt est ainsi passée de 8,5 millions d’hectares en 1850 à 16,8 millions d’hectares en 2019. Elle recouvre aujourd’hui près de 31 % du territoire métropolitain et continue de s’accroître par expansion naturelle à un rythme moyen de 85000 hectares par an depuis 1985, ce qui correspond à plus de 100000 terrains de foot chaque année ! Dans la région Grand Est, la forêt est présente sur 34% du territoire et certaines zones  comme les Vosges, les Ardennes et l’Argonne sont densément boisées. Le peuplement de ces forêts est diversifié : 71% de la superficie contient au moins deux essences de bois. Les feuillus (hêtres, chênes et peupliers représentent 79% de la surface forestière) sont présents principalement en plaine et dans les vallées alluviales tandis que les résineux (épicéas, sapins) ne sont présents que sur 21% du territoire forestier régional, essentiellement dans les massifs montagneux. 

Les trois quarts des forêts métropolitaines sont détenus par 3,5 millions de propriétaires privés, l’État (par les forêts domaniales gérées par l’ONF) et les collectivités locales se partagent le quart restant. La région Grand Est se singularise par le fait que 56% de ses forêts sont publiques. À elles seules, les forêts domaniales représentent 21% de la surface forestière régionale.

# La sylviculture source de richesse d’un territoire

Les forêts du Grand Est sont les plus productives de France. En 2019, la production annuelle de bois dans les forêts du territoire s’élevait à plus de 85 millions de m3.  Le Grand Est est la 2e région en termes de poids économique de la filière bois, juste derrière la région Nouvelle Aquitaine :  son massif forestier participe pour 19 % à la récolte nationale de bois, génère 53 000 emplois dans près de 9600 entreprises. L’objectif premier des sylviculteurs est la production de bois d’œuvre : tout au long de l’âge d’un peuplement, le sylviculteur sélectionne les arbres à couper ou à conserver, choisit les essences à replanter. Il favorise la croissance des arbres ayant le plus de valeur, de sorte qu’arrivés à maturité, ils produisent le bois de meilleure qualité et puissent ainsi être valorisés financièrement. Les arbres non sélectionnés sont utilisés en bois d’industrie ou en bois de chauffage. Ce mode de combustion redevient d’ailleurs attractif, à l’heure où certaines sources d’énergies fossiles se raréfient et sont plus de plus en plus chères.

La filière forêt-bois est aussi pleinement mobilisée pour répondre aux défis posés par le changement climatique. En séquestrant par photosynthèse le dioxyde de carbone (CO2) tout en rejetant de l’oxygène, les arbres agissent comme de véritables poumons de la planète. Les forêts absorbent chaque année, 70 millions de tonnes de CO2 en France. Selon le ministère de la Transition écologique, la filière forêt-bois permet de compenser 20 % des émissions françaises de CO2.  En France, la forêt est largement préservée car les prélèvements de bois sont inférieurs à l’accroissement naturel de la forêt.

# Préservation des forêts : différentes approches

Les politiques de protection des forêts sont diverses et s’inscrivent à différentes échelles.  24% des forêts publiques du Grand Est font partie de ce réseau européen Natura 2000. La forêt de Verdun, le massif de la montagne de Reims et la forêt indivise de Haguenau ont reçu le label Forêt d’Exception pour la qualité de leur gestion et de la valorisation de leur forêt. Dans certains secteurs forestiers où la biodiversité est particulièrement remarquable, il a été décidé d’instaurer des politiques de préservation qui limitent ou interdisent l’accès au public, scientifiques exceptés.  Ainsi, 67 réserves biologiques sont gérées par l'ONF et 13 autres projets de réserves biologiques sont en cours de création. Ce seront ainsi 14 000 hectares de forêts publiques qui seront classées en réserves biologiques.

# Une région pionnière dans l’étude des forêts

La première école forestière française a été créée en Lorraine, par-delà l’exploitation de ses richesses la forêt devenait source d’étude. En effet, l’école forestière de Nancy, créée en 1824, est la première de ce type hors des Etats allemand. Elle changera de nom en fonction des régimes et autres évolutions de statuts  : d’école royale forestière à l’ouverture en 1825, puis Ecole impériale forestière en 1853, Ecole nationale forestière en 1873, Ecole nationale des Eaux et Forêts en 1898, Ecole nationale du génie rural, des eaux et forêts (ENGREF) en 1965, elle est aujourd’hui intégrée au groupe AgroParisTech.

Toujours en Lorraine, la fôret est le terrain d’étude pour la recherche en collaboration avec d’autres pays.

# Changement climatique : de nouveaux enjeux pour les fôrets du Grand Est

Un des enjeux de demain est de développer des forêts moins rentables mais plus durables. Il y a une nécessité de protéger l’environnement pour pouvoir continuer à l’exploiter. Le volet environnement du plan de relance présenté le 3 septembre 2020 par le gouvernement français prévoit de débloquer près de 200 millions d’euros pour atteindre l’objectif annoncé de planter 45 000 hectares de forêts. Cette volonté politique s’explique car certains peuplements ont dépéri ces dernières années sous l’effet des sécheresses, des canicules ou de l’épidémie de scolytes, qui a particulièrement affecté les épicéas dans la région Grand Est. Une vision à long terme est nécessaire lors des opérations de reboisement pour sélectionner des essences de bois qui seront les plus adaptées au climat futur attendu. 

# Piste pédagogique associée

Le même contenu, adapté à l’enseignement, est accessible aux enseignants et aux élèves de la région Grand Est, sous le titre :« La forêt française depuis Colbert, entre exploitation et protection ».