Les boxeurs Cyril et Jérôme Thomas
Notice
Rencontre avec le boxeur saint-quentinois Cyril Thomas, champion d'Europe poids plume, à l'occasion de son entraînement pour le titre mondial IBF des poids plume. Avec son frère Jérôme, double médaillé olympique, il s'entraîne dans une zone industrielle de Saint-Ouen. Cyril se considère en effet comme un "ouvrier de la boxe", un "mineur de fond", "il faut souffrir, comme un galérien, avoir la haine le jour J", surenchérit son frère. Ainsi, logent-ils à la dure dans les tribunes d'un stade de football. L'entraînement se fait avec Gaëtan Micallef, une "légende" qui, à 80 ans, continue à former des professionnels.
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Éclairage
Pour préparer son affrontement face au Mexicain Cristobal Cruz dans le cadre du championnat du monde IBF (International Boxing Federation), Cyril Thomas s'entraîne depuis deux mois en banlieue parisienne. Le boxeur de Saint-Quentin, qui combat dans la catégorie des poids plumes, possède à 32 ans un palmarès professionnel déjà bien étoffé avec plusieurs titres de champion de France et de champion d'Europe EBU (European Boxing Union).
Pour mener à bien son projet, il a fait appel à Gaëtan Micaleff, qui officie depuis près de cinquante ans au club de boxe de Saint-Ouen en Seine-Saint-Denis (le Red Star Audonien). Il reçoit également le soutien de son frère, Jérôme, qui, avec plusieurs médailles obtenues lors des Jeux Olympiques, des championnats du monde et des championnats d'Europe dans la catégorie des poids mouches, est le boxeur amateur français le plus titré. Le boxeur axonais privilégie par ailleurs un cadre d'entraînement volontairement austère et dépouillé, quasi monacal, afin de se préparer "corps et âme" à la rudesse et à la violence du combat.
Cette valorisation récurrente des principes de souffrance et d'humilité incarne au plus haut point les "affinités électives" que la pratique pugilistique entretient avec la culture corporelle populaire; Cyril Thomas se désignant précisément comme un "ouvrier de la boxe" et un "mineur de fond". Après avoir été l'apanage au dix-neuvième siècle des classes aisées (les gentlemen pratiquant le "noble art" ), la boxe devient en effet très rapidement une activité recrutant dans les couches populaires, notamment parce qu'elle recouvre trois principes majeurs autour desquels s'organise leur sociabilité: la force, la virilité et le code de l'honneur. Dès lors, si les gestes techniques et l'art de l'esquive et du déplacement sont mis en exergue par certains techniciens de la boxe, les notions de puissance et de masculinité demeurent centrales et sont à la base de toute une série d'attitudes. L'intensité de la dépense physique, la résistance, la combativité ("avoir la haine"), le courage, le fait d'"être dur au mal" et de "refuser de s'écouter "sont ainsi fortement valorisés. L'évolution progressive de la plastique corporelle tout au long des mois d'entraînement rend compte des sacrifices du boxeur, qui ne peut ainsi « mentir » à son entraîneur sur la force de son investissement et de son engagement. Dans ce cadre, l'esprit de solidarité, symbolisé par l'engagement de Jérôme Thomas aux côtés de son frère, est une condition essentielle de réussite dans un sport qui met pourtant en exergue la réussite individuelle.
En cela, l'épreuve du ring n'est, pour Cyril Thomas, que l'aboutissement d'un long et difficile travail mené en amont pour transformer son corps et le rendre apte à endurer l'épreuve du combat. Ses efforts seront, au final, insuffisants puisqu'il s'inclinera aux points face à son adversaire mexicain. Sa nouvelle tentative, un an plus tard (le 16 avril 2010), pour conquérir le titre mondial face au Béninois Justin Savi se révèlera tout aussi infructueuse et scellera la fin de sa carrière.