Historique du château médiéval de Coucy-le-Château

05 juin 1975
06m 09s
Réf. 00408

Notice

Résumé :

Alain Ménargues raconte, sur des images du site, l'histoire du château de Coucy à travers ses propriétaires et les différent conflits jusqu'à la Première Guerre mondiale, les allemands ayant fait sauter son immense donjon, un des plus grands d'Europe. De nombreuses légendes sont nées sur ce château. Des abbayes ont vu le jour sous le règne des Coucy comme celle de Coucy-la-Ville construite au XIe siècle, l'église de Septvaux, l'église Notre-Dame de Saint-Gobain et enfin l'abbaye du Tortoir.

Date de diffusion :
05 juin 1975
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Éclairage

Ce reportage nous invite à la découverte de l'architecture de l'ancienne seigneurie de Coucy tout en mêlant la légende romancée du châtelain de Coucy. Le château de Coucy est considéré par les historiens de l'architecture comme l'une des plus importantes résidences seigneuriales fortifiées du Moyen Âge, en tout cas, une des plus emblématiques et touristiques de la Picardie malgré les nombreuses vicissitudes qu'il eut à subir en particulier lors de la retraite des troupes allemandes lors de la Première Guerre mondiale. L'imposant et fier donjon circulaire de 54 m de haut et les principales tours de son enceinte furent pulvérisés le 27 mars 1917 soufflés par l'explosion de plusieurs tonnes de cheddite qui ruinèrent de manière irrémédiable cette imposante et célèbre demeure seigneuriale. Apparu au début du Xe siècle, l'architecture de ce château n'est réellement connue qu'à partir du début du XIIIe siècle où une refonte complète de sa structure fut réalisée sous l'égide d'Enguerrand III de Coucy (1182-1242). Le château fut encore embelli par de vastes salles gothiques avec Enguerrand VII à partir de 1380 et encore davantage entre 1400 et 1407 lorsque Louis d'Orléans en fit l'acquisition. Il perdit progressivement de sa superbe lors de la Fronde (1643-1653) puis lors du démantèlement à sa vente en bien national en 1793. Les ruines imposantes furent achetées par l'état en 1829 et donnèrent lieu à quelques restaurations notamment de l'architecte Violet-le-Duc notamment sur le couronnement du donjon circulaire.

La légende qu'évoque le narrateur de ce sujet est extrait du Roman du châtelain de Coucy et de la dame du Fayel, premier roman biographique en langue d'oïl qui soit consacré à un poète et à une mise en recueil de ses chansons. Cette œuvre littéraire médiévale française de 8 265 vers, octosyllabes à rimes plates principalement, est écrite en picard après 1285 par un poète connu désormais sous le nom de Jakemon ou Jakèmes. Il reprend le fameux thème du "cœur mangé", largement diffusé en Europe au Moyen Âge, métamorphosant le trouvère historique qu'est le Châtelain de Coucy et sa dame en un couple d'amants mythiques. Cette histoire tragique, très vite rapprochée de celle de la châtelaine de Vergy et de son amant, perdurera jusqu'au XIXe siècle, puisqu'elle deviendra une tragédie Gabrielle de Vergy au XVIIIe siècle et que Donizetti en tirera un opéra Gabriella di Vergy.

Un grand nombre de poètes et d'historiens ont présenté cette aventure comme une tradition populaire solidement établie dans le pays de Coucy. En vérité, on ne saurait préciser lequel des sires de Coucy elle évoque. Le narrateur du film retient celui de Thomas de Marle, né en 1080, un des puissants seigneurs de Coucy, Marle et La Fère, largement possessionnés dans la région de Laon. Sa cruauté le fait toutefois sortir du lot des châtelains et a marqué la mémoire collective si l'on se réfère aux chroniques de Suger et de Guibert de Nogent, qui ont largement contribué à noircir son portrait et à justifier les interventions du roi et de l'Église. C'est un grand chevalier, qui a brillamment pris part à la première croisade, lui permettant d'accroître son patrimoine tout en concluant de fructueux mariages. Il tyrannisait les faibles, les paysans, les hommes d'Église et les marchands, pour leur extorquer le plus possible de services, d'argent ou de terres. La brutalité et le sadisme de Thomas de Marle stupéfiait littéralement ses contemporains, pourtant rompus aux excès et à la violence des mœurs. Guilbert de Nogent ne l'évoque qu'avec épouvante tant l'ingéniosité qu'il déploie pour inventer de nouveaux supplices et le plaisir voluptueux qu'il prend à verser le sang humain sont grandes. Si dès 1101, les seigneurs environnants tentèrent de lutter contre l'odieux Thomas sans succès, l'exaspération atteint son paroxysme en 1115, quand Thomas de Marle mit à profit les troubles survenus à Laon, où les bourgeois ont tué leur évêque, pour augmenter ses revenus et sa clientèle, allant jusqu'à donner asile aux assassins du prélat, tout en participant au sac de la ville et égorgea un de ses parents, l'archidiacre Gautier. Commence alors une croisade longue et incertaine, bénie par les prélats et par la papauté contre ce seigneur-brigand défiant le Ciel et faisant fi de la justice humaine. Malgré la perte de deux de ses châteaux, rien ne semble pouvoir venir à bout de ce fléau. C'est seulement en octobre 1130, qu'une expédition conduite par le roi Louis VI le Gros (1081 - roi 1108-1137) qui tente d'établir une réelle autorité dans les limites du domaine royal que Thomas de Marle est blessé à mort par Raoul de Vermandois. Il expire sans aucun repentir. Louis VI fait démanteler sa forteresse de Coucy et s'empare de son trésor. Il faudra encore une ultime expédition deux ans plus tard pour venir à bout des héritiers de ce Thomas sanguinaire.

Le film évoque ensuite les quelques témoignages marquant de l'art sacré et de l'architecture gothique aux abords immédiats de ce château de Coucy. L'église de Coucy-la-Ville construite au pied du château date du XIe siècle. Malgré les affres de la Première Guerre mondiale, on retiendra la présence de fresque du XVe siècle figurant la tentation de saint Antoine et des anges jouant la Jérusalem céleste. Plus loin, dans la forêt de Saint-Gobain subsiste encore l'église de Septvaux dont l'architecture médiévale est encore très explicite contrairement à l'église Notre-Dame de Saint Gobain qui n'a conservé que son porche intérieur et son chœur gothique, car le reste a été reconstruit après 1918. Le reportage se termine sur la présentation de la remarquable architecture gothique de l'abbaye du Tortoir. Connu dès 1139, c'est en 1196, que l'abbé de Saint-Crépin-le-Grand de Soissons, puis en 1214 l'abbé de Saint-Vincent de Laon cédèrent leurs biens au Tortoir au profit de l'abbaye Saint-Nicolas-aux-Bois. C'est à la fin du XIIIe siècle (vers 1285) que des bâtiments résidentiels ont dû être ajoutés Les bâtiments actuels s'agencent sur un plan carré. Une chapelle formée de deux travées oblongues voûtées en ogives se trouve encore sur le côté sud.

Le narrateur ajoute un ultime conseil de visite - plus laconique toutefois - en direction de Saint-Quentin avec deux autres églises dont l'architecture gothique du XIIIe siècle mérite encore le détour malgré les blessures qu'elles ont eu à subir lors des derniers conflits mondiaux : l'église de Crépy-en-Laonnois d'une part et celle de la Fère. Ces ouvrages moins connus du grand public que les grandes cathédrales picardes méritent réellement que l'on s'y attardent d'autant que les restaurations et l'entretien des Monuments historiques ont permis d'en assurer une meilleure lecture. Il est dommage que le reportage ne mentionne pas dans son développement la présence du château de Saint-Gobain, dont les dimensions étaient tout aussi importantes que celle du château de Coucy ainsi que l'important monastère de Prémontré fondé par Saint Norbert en 1130 sur les terres des Coucy.

François Blary

Transcription

(Musique)
Alain Ménargues
A deux journées de cheval au sud de Guise, sur la route de Paris mais tourné vers le royaume de France se dressait le château de Coucy, tristement célèbre dans l’histoire. Tristement célèbre encore tout récemment pendant la Première Guerre mondiale à l’issue de laquelle les Allemands l’ont fait sauter, ont fait sauter le donjon et le château avec 28 tonnes de dynamite. Tristement célèbre, ce château l’est car les sires de Coucy qui l’habitaient, apparentés à de nombreuses familles régnant en Europe, ont vécu cette histoire faite de grandeur et d’un curieux mélange d’héroïsme, de cruauté et de sauvagerie.
(Musique)
Alain Ménargues
Tristement célèbre car le donjon qui dominait la plus grosse forteresse d’Europe s’élevait à 54 mètres du sol. Il rappelait constamment aux habitants des environs que là vivait Thomas de Marle dont le seul nom faisait frémir.
(Musique)
Alain Ménargues
De nombreuses légendes sont nées de ses méfaits. Légendes que les troubadours allaient réciter, chanter ou voire mimer de château en château l’hiver. Seigneurs, gendarmes, servantes et demoiselles s’assemblaient devant des feux de cheminée comme celui-ci pour écouter en tremblant d’effroi, souvent, la triste vie dame Fayel, l’épouse de Thomas de Marle. Dame Fayel était aussi belle, dit la légende, que son seigneur était laid. Elle était aussi fragile que son époux était brutal. Elle avait pour page le jeune Enguerrand, le plus courtois, parait-il, le plus blond, le plus délicat des chevaliers servants. Ce qui devait arriver, ma foi, arriva. Ces deux fleurs poussées entre les meurtrières de cette triste demeure s’éprirent l’une de l’autre. Et puis, un jour, ils décidèrent de fuir et de se mettre sous la protection du roi de France. Mais Thomas de Marle l’apprit. Il tua Enguerrand, le jeune page blond et lui arracha le coeur qu’il fit cuire et qu’il donnât à manger à dame Fayel pour la punir. Telles étaient les sires de Coucy qui se dressèrent contre leur souverain tout comme contre leur père. Et paradoxalement, ils savaient se montrer généreux avec l’église. Toutes les abbayes qui se trouvaient sur leurs terres, toutes les églises ont pu naître et surtout ont pu exister grâce aux faveurs des Coucy. La première, bien sûr, est celle de Coucy-la-ville.
(Musique)
Alain Ménargues
Construite aux pieds même du château, cet édifice date du XIe siècle.
(Musique)
Alain Ménargues
Dans le croisillon sud, les arcs pénètrent directement dans la colonne. Et les voûtes sont décorées de fresques représentant la tentation de Saint-Antoine et des anges jouant Jérusalem céleste. Ces fresques dateraient du XVe siècle.
(Musique)
Alain Ménargues
Dans le massif forestier de Coucy que l’on appelle aujourd'hui la forêt de Saint-Gobain, il y a donc de nombreuses églises qui sont dues aux sires de Coucy telle l’église de Sepvaux construite sur un promontoire où aboutissaient sept vallées différentes. Le chiffre 7 se retrouve d’ailleurs dans le nombre des pignons qui dominent le clocher du XIIe siècle. Et de l’église de Saint-Gobain, on ne retiendra que le porche intérieur et le coeur. Tout le reste n’est que reconstruction.
(Musique)
Alain Ménargues
Dans le creux de la vallée de Saint-Nicolas-au-Bois se trouve un étang dans lequel s’ébattent quelques canards. Et dans les brumes de l’autre côté de la pièce d’eau se découpe l’ombre massive de l’abbaye du Tortoir. Une l’architecture purement gothique, la chapelle, le logis du prieur et le logis des hôtes sont maintenant presque abandonnés. Ils gardent cependant cette tranquille majesté qui permettait jadis le recueillement des moines qui s’y étaient retirés.
(Musique)
Alain Ménargues
Un peu plus loin, aux limites des terres des sires de Coucy, il y a Créy-en-Laonnois . C’est là qu’une petite église a été créée par l’évêque de Laon au XIIIe siècle. C’est derrière ces vitraux maintenant murés que les plénipotentiaires de François Ier et de Charles Quint signèrent le traité de Crépit en 1544. Cette église consacrée à Notre Dame porte elle aussi, malheureusement, les cicatrices des récents conflits.
(Musique)
Alain Ménargues
Créy-en-Laonnois est sur la route de Saint-Quentin. Citons au passage l’église de la Paix, elle aussi gothique.