La bibliothèque du chapitre de Noyon
Notice
L'historien Jean Goumart, explique comment les chanoines de Noyon, qui au début obéissant à l'ordre de Saint Augustin, vont petit à petit vivre individuellement en notables. Érudits, ils font construire une bibliothèque qui est aujourd'hui unique en France. Celle-ci contient de nombreux manuscrits des XVIe et XVIIe siècle dont des pièces richement décorées.
Éclairage
C'est un véritable trésor de mémoire et d'architecture que cette bibliothèque du chapitre de Noyon. Seule bibliothèque en bois de ce type à son époque, semble-t-il, ce bâtiment alors appelé "librairie", (la langue anglaise a gardé le terme originel, "library" désignant encore aujourd'hui une bibliothèque) fut édifié en 1506, au sortir du Moyen Âge, à l'orée de la Renaissance. Dans la ville même où le réformiste Jean Calvin allait naître trois ans plus tard en 1509, à quelques pas seulement de la cathédrale, cette édification doit être interprétée non seulement comme un symbole mais comme une preuve réelle de modernité et d'attention accordée à la diffusion grandissante du livre d'imprimerie. Par comparaison, André Masson (1) parle des 19 ouvrages recensés au catalogue de 1220. L'une des originalités de cette bibliothèque, toujours perceptible au premier coup d'œil aujourd'hui, est sa construction sur piliers. Dix piliers soutiennent ce bâtiment de 23 mètres 50 de long sur 5 mètres de large lui conférant l'élégance d'un vaisseau du savoir. Pourquoi cette structure ? Peut-être par désir de protéger manuscrits et incunables de l'humidité. Pénétrer aujourd'hui (par permission spéciale) dans cette longue salle meublée de pupitres, chacun placé dans l'embrasure d'une fenêtre, provoque chez l'amateur de livres une véritable émotion. Il faut imaginer les pupitres d'alors en forme de lutrin, les livres étant enchaînés à leur base pour empêcher le vol. Contre les murs furent élevés au XVIIe-XVIIIee siècle des rayonnages accueillant successivement les 3000 exemplaires que comporte aujourd'hui la bibliothèque. Parmi eux figurent des traités de théologie thomiste, des éditions de Calvin, Montaigne et Pascal. Le trésor secret est constitué par l'évangéliaire de Morienval (abbaye bénédictine de femmes datant du XIe siècle, édifiée dans la vallée de l'Automne, près de Crépy-en-Valois), dont les enluminures remarquablement conservées sont protégées par une couverture en bois incrustée d'ivoire.
(1) Pour une information plus détaillée sur ce monument exceptionnel du patrimoine français on se reportera au Bulletin des Bibliothèques de France (BBF) en date de 1957, tome II n°2. L'article rédigé par André Masson, "La "librairie" du chapitre de Noyon et l'architecture des bibliothèques françaises à la fin du Moyen Âge", accessible sur Internet, y est remarquable de technicité et de précision.