Un artisan tonnelier à Cravencères
- Vitesse de lecture: 1 x (normal)
Infos
Résumé
Ce reportage présente un artisan tonnelier, M. Souliès, président du syndicat des tonneliers gersois. Il fabrique ses fûts dédiés à l’armagnac en utilisant des techniques modernes et traditionnelles. Il explique les particularités de ces « pièces », tout en travaillant à leur fabrication. Il transmet également son savoir à son ouvrier, Michel Dupont, et à son apprenti.
Date de publication du document :
14 sept. 2021
Date de diffusion :
29 janv. 1981
Éclairage
- Contexte historique
- Éclairage média
- Bibliographie
- Articles utilisant cette vidéo
- Pistes pédagogiques
Informations et crédits
- Type de média :
- Type du document :
- Collection :
- Source :
- Référence :
- 00022
Catégories
Niveaux - disciplines
Thèmes
Lieux
Personnalités
Éclairage
Éclairage
- Contexte historique
- Éclairage média
- Bibliographie
- Articles utilisant cette vidéo
- Pistes pédagogiques
Contexte historique
ParEthnologue
Publication : 14 sept. 2021, modification : 17 déc. 2021
Si les propriétés de l’armagnac tiennent surtout à la distillation de ses cépages (Ugni Blanc, Baco, Colombard et Folle Blanche ou Piquepoult), cette eau-de-vie ne saurait révéler ses meilleures qualités sans son vieillissement. Étape capitale de son élaboration pouvant durer plusieurs décennies, l’élevage en fût détermine les caractères du spiritueux qui, stocké dans les chais où l’humidité et la température sont contrôlées, est mis à l’épreuve du temps. Tout au long du processus de maturation, la Blanche – eau-de-vie traditionnelle du Pays d’Armagnac – extraite de l’alambic, claire et très alcoolisée, interagit au contact du bois dont le choix est primordial. De cette lente transformation dépend sa typicité : la teinte plus ou moins ambrée, les arômes et la rondeur. Le vieillissement implique en effet une évaporation du liquide et de l’alcool qu’il contient. On l’appelle la « part des Anges ». D’une eau-de-vie titrant environ 55° C, on obtient un armagnac de 40° C. Sans les savoir-faire du tonnelier, le talent du maître de chai seul ne saurait suffire.
Autrefois comme aujourd’hui, le chêne blanc est l’essence impérativement utilisée dans une Gascogne riche en forêts dont la densité a valu le nom d’Armagnac noir à la région aujourd’hui plus communément connue sous celui de Bas-Armagnac.
D’une contenance initiale de 205 litres, les fûts étaient utilisés pour transporter l’eau-de-vie qui, autrefois, se buvait telle qu’elle. La lenteur des transports d’alors a certainement révélé les avantages du vieillissement. Face à une demande croissante, on fabrique alors des « pièces » de 420 litres, contenant référent de l’armagnac.
Seulement 5 % du tronc sert à la fabrication de ces pièces, le reste sert à alimenter les alambics à bois. C’est dans la partie la plus noble que l’on débite la matière première du tonnelier : les merrains, des planches fines de bois brut. Là encore, la patience intervient : il faut procéder à un séchage de trois et cinq ans à l’air libre. Les merrains sont écourtés et mis à la même cote. On obtient alors des douelles que le passage en douleuse-évideuse permet de bomber vers l’extérieur et de creuser à l’intérieur pour former la paroi arrondie du fût. Le tonnelier procède ensuite au montage en assemblant les douelles les unes aux autres maintenues par un seul cerclage en fer (en bois jusqu’au XIXe siècle et au-delà). C’est l’étape de la « mise en rose ». Leur nombre varie entre 32 à 36 environ. La pièce est ensuite chauffée pour assouplir le bois afin de le plier et le cintrer. L’intérieur du fût est enfin légèrement brûlé, c’est le bousinage, une étape qui extrait les propriétés de l’essence et détermine les futurs arômes et couleurs dont se teintera l’eau-de-vie. Celle-ci reste en pièces neuves les premières années puis est transférée dans des fûts déjà imprégnés pour continuer sa lente évolution et gagner les arômes de pruneau et de vanille recherchés.
La diminution du nombre de tonneliers tient à plusieurs facteurs : la réduction des zones viticoles, et le développement de la mise en bouteille à la propriété qui réduit l’usage de barriques. Toutefois, l’intérêt du fût neuf pour l’élevage du vin, à l’aube des années 1970, a marqué un tournant pour la profession. Désormais la tonnellerie française exporte en moyenne 65 % de sa production à travers le monde.
Éclairage média
ParProfesseure de lettres, histoire et géographie en lycée professionnel
Ce reportage, diffusé au journal régional de France 3 en 1981, part à la rencontre de M. Souliès, artisan tonnelier, dans son petit village gersois de Cravencères, dans le Bas-Armagnac. À cette date, le département du Gers ne compte plus que cinq artisans tonneliers, et M. Souliès est le seul à travailler « à l’ancienne », comme le rappelle la journaliste.
La première séquence du reportage s’ouvre sur des images de paysage du village pendant que la voix-off de la journaliste évoque le métier de tonnelier. Il se poursuit à l’intérieur de l’atelier du tonnelier. La caméra filme M. Souliès en train de confectionner un fût pendant que la journaliste l’interviewe.
Le reportage donne à voir l’image d’abord d’un métier artisanal, ancestral qui allie traditions, savoir-faire et perfectionnisme. Un métier qui a su rester un métier d’art malgré la mécanisation. D’ailleurs, M. Souliès ne la regrette pas, déclarant que le progrès rend son travail moins pénible, lui qui a commencé à travailler à quatorze ans et qui n’a jamais compté ses heures. S’il regrette toutefois que la demande se fasse plus rare, la profession n’est pas prête de disparaître. M. Souliès forme d’ailleurs un apprenti et travaille avec un ouvrier.
Bibliographie
- Paul Duffard, L’Armagnac noir ou Bas-Armagnac, Biarritz, J&D Éditions, 1994.
- Henri Polge, « L’outillage viticole traditionnel de l’Armagnac », Arts et traditions populaires, vol. 4, n° 2, 1956.
Transcription
(Cliquez sur le texte pour positionner la vidéo)
Catherine Levy
Et puis le moment est venu de rejoindre, dans le Gers, Victoire de Montesquieu en compagnie d’un artisan qui aime et connaît bien son métier de tonnelier.
(Silence)
Victoire de Montesquieu
En Gascogne dans le Gers, cinq tonneliers travaillent encore à ce beau métier, un des premiers métiers en France puisque les Gaulois étaient passés maître dans l’art de la tonnellerie.C’est à Cravancères, petit village du Bas-Armagnac que vit et travaille Monsieur Souilès.Il est le seul à le faire encore à l’ancienne, "les autres ne s’y amusent plus" dit-il.Ces gestes sont ceux des tonneliers des siècles passés.Autrefois, il y avait énormément de travail pour le tonnelier,de la cuve géante au petit fût, en passant par le tonneau qui faisait l’ornement des chais de nos aïeux.Rare de nos jours, vu la qualité exceptionnelle du bois qu’il exige, cela coûte trop cher, puis il y a le béton, le métal.Il faut 3 200 coups de marteau pour confectionner un fût.Cela fait partie des secrets que détient Monsieur Souliès.Mais ces secrets lui survivront car il les partage déjà avec son ouvrier Michel Dupont et plus tard, son apprenti Gilles, s’il devient un bon ouvrier, méritera de les apprendre.Monsieur Souliès, un homme libre, qui sait, connaît et aime son travail.
(Bruit)
Victoire de Montesquieu
Il faut à peu près combien de douelles pour faire un fût ?
Monsieur Souliès
Ben, évidemment ça dépend de la largeur.Si c’est du bois assez large, il faut une trentaine de douelles, trente-et-une, trente-deux.Tandis que si c’est étroit, il en faut davantage.Ça dépend, il y a les chênes.Il y a les chênes, ils sont très… qui permettent de faire les douelles plus larges les unes que les autres, vous voyez.
Victoire de Montesquieu
Et c’est du bois qui est scié ?
Monsieur Souliès
Ah non, c’est du bois fendu.C’est tous du bois fendu.
Victoire de Montesquieu
Pourquoi est-ce qu’il faut… ?
Monsieur Souliès
Nous ne fabriquons qu’en bois fendu ici.
Victoire de Montesquieu
Pourquoi ?
Monsieur Souliès
Pour la bonne raison que pour l'armagnac il faut la qualité.Et le bois scié ne tiendrait pas.
Victoire de Montesquieu
Et c’est du chêne d’ici ?
Monsieur Souliès
Ah oui, du chêne d’ici.Du chêne de l’Armagnac.
Victoire de Montesquieu
Pourquoi ça doit être d’ici ?
Monsieur Souliès
Parce que paraît-il, l’armagnac y est meilleur, voyez-vous.
(Bruit)
Monsieur Souliès
Ça c'est [l'accostage] des bois.
(Bruit)
Victoire de Montesquieu
Le coup d’œil c’est important ?
Monsieur Souliès
C’est l’ensemble qui compte.
(Bruit)
Monsieur Souliès
Bon, alors vous allez assister à la chauffe du fût maintenant.Ceci, c’est la presse traditionnelle, de laquelle on se sert depuis toujours.Ce n’est pas un outil moderne, c’est avec l’eau et le feu, le bois [Inaudible]
Victoire de Montesquieu
Et à quoi sert cette opération ?
Monsieur Souliès
Pardon ?
Victoire de Montesquieu
A quoi sert cette opération ?
Monsieur Souliès
A faire venir les douelles en bas.
(Bruit)
Monsieur Souliès
On ne peut pas se permettre d’avoir des bois de dix ans, c'est pas vrai !
(Bruit)
Victoire de Montesquieu
Monsieur Soulies, à quel âge avez-vous appris ce métier de tonnelier ?
Monsieur Souliès
Ben j’ai commencé, j’avais 14 ans.
Victoire de Montesquieu
C’est vous qui aviez choisi ?
Monsieur Souliès
Oui, par la force des choses parce que chez nous, on n’était pas riche et il fallait faire quelque chose.Ce n’est pas le métier de tonnelier que j’avais choisi.
Victoire de Montesquieu
Qu’est-ce que vous auriez choisi ?
Monsieur Souliès
Ah ben, j’étais décidé de faire plutôt, d’apprendre le métier d’ébéniste, sculpteur, vous voyez ?Ce n’était pas la même chose.Mais enfin…
Victoire de Montesquieu
Et vous prenez chaque fois le même plaisir quand vous faites un fût nouveau ?
Monsieur Souliès
Ah oui, toujours, avec la même application, oui.Je ne suis heureux que quand le client est heureux.Voyez-vous ?C’est ma satisfaction.
Victoire de Montesquieu
Vous avez la chance d’avoir des apprentis ?
Monsieur Souliès
Oui, ça je l’avoue.Il est très gentil, j’en suis très content.
Inconnu 1
Je suis en train de monter un [Inaudible], je mets des feuilles de jonc, c’est pour que… ça ne le transperce pas disons, c’est une sécurité.Sans jonc, ça ne passerait pas mais, c’est une sécurité.
Victoire de Montesquieu
Et l’autre garçon qui vous aide ?
Monsieur Souliès
Oui, l’ouvrier ?Ah, l’ouvrier euh… Maintenant, il est très bien aussi, j’en suis satisfait.
Victoire de Montesquieu
Vous lui avez communiqué ?
Monsieur Souliès
Beaucoup de secrets oui [Inaudible], m’enfin, il y en a encore, il y a beaucoup à apprendre encore.C’est un métier, on apprend toute sa vie.
Michel Dupont
J’ai travaillé six ans à Paris dans la menuiserie ébéniste, et la vie parisienne ne m’a pas plu alors, il y avait un joli métier à faire qui se perd, la tonnellerie, alors, j’étais partant, j’ai bien voulu le faire.
Victoire de Montesquieu
Et vous êtes aussi passionné que lui ?
Michel Dupont
Oui.
Victoire de Montesquieu
Pourquoi ?
Michel Dupont
Le nombre des années le verra mais enfin, pour le moment, ça me plaît beaucoup.
(Bruit)
Victoire de Montesquieu
Vous ne regrettez pas le progrès ?
Monsieur Souliès
Oh non quand même, non.Vous savez, pour le faire comme je l’ai fait au départ, c’était vraiment trop pénible.
(Bruit)
Victoire de Montesquieu
Monsieur Souliès, vous avez fait aussi des tonneaux ?
Monsieur Souliès
Ah oui.Nous ne faisons pas seulement que des pièces, nous avons fait, nous faisons des cuves et des tonneaux, tant des tonneaux c’est assez rare.
(Bruit)
Monsieur Souliès
C’est un travail qui me plaisait beaucoup quand j’en faisais, et j’aimerais bien en refaire seulement, il n’y a pas de demande.Tout ça, c’est des vieux outils.M’enfin, il y en a qui servent encore.Ils servent surtout quand nous faisons des réparations.Parce que la réparation, il faut le faire encore comme d’autrefois, voyez-vous.
Victoire de Montesquieu
Quand vous touchez ces vieux outils, qu’est-ce que ça vous rappelle ?
Monsieur Souliès
Oui, ça me rappelle beaucoup de souvenirs, bien sûr, les souvenirs du départ qui ont été assez difficiles.Quand on commence, c’est toujours difficile.Mais je ne regarde pas les heures, c’était plutôt des journées de 12 heures, 13 heures, 14 heures des fois.Je commençais, il fallait que je me fasse une clientèle.Et alors, j’ai fait tout... j'ai fait beaucoup de sacrifices.
Victoire de Montesquieu
Vous ne les regrettez pas ?
Monsieur Souliès
Non, je ne le regrette pas.
Sur les mêmes niveaux - disciplines
Date de la vidéo: 17 févr. 1999
Durée de la vidéo: 01M 47S
Manifestation à Auch contre la politique agricole commune
Date de la vidéo: 17 févr. 1999
Durée de la vidéo: 01M 47S