Léa Saint-Pé, une pratique musicale partagée
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Après un air d’accordéon, Léa Saint-Pé, agricultrice gersoise, évoque sa vocation et ses débuts d’accordéoniste. Elle chante ensuite une chanson en occitan, qu’elle traduit. Le reportage se poursuit par une démonstration de rondeau dans un village de Gascogne. Des villageois de tous âges dansent en rond, accompagnés par le groupe de musique Perlinpinpin.
Date de publication du document :
14 sept. 2021
Date de diffusion :
20 févr. 1977
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Contexte historique
ParEnseignant en occitan retraité
Publication : 14 sept. 2021
Quand Félix Arnaudin, collecteur-folkloriste de la fin du XIXe siècle, décide d’arpenter de long en large le territoire de ce qui est aujourd’hui la forêt landaise pour collecter chansons, proverbes, dictons et vocabulaire, le tout en gascon, il se voit affublé du titre de Lo pèc de Labohèira
, ce qui signifie « Le fou de Labouheyre ». Fou, il fallait sans doute l’être pour imaginer que ce fonds d’expression populaire, cette mémoire collective d’une tradition en train de se transformer sinon de disparaître tout simplement, pouvait encore et toujours intéresser.
Sans nul doute, Maurice Roux – en voix-off à la fin du reportage –, que son métier d’inséminateur conduit dans la campagne du Savès auprès d’une population paysanne détentrice d’un répertoire de chants et danses fort important, est-il, lui aussi, assez fou pour trouver les mots propres à convaincre ces « mémoires dormantes ». Et il réussit à emmener des personnes – dont il sait chaque nom, et dont il fixe le portrait ou le quotidien sur sa pellicule, car la photographie est son autre moyen de témoigner, comme Arnaudin d’ailleurs – à la rencontre d’une autre population, celle d’une jeunesse curieuse d’une nouvelle liberté issue de Mai 68, et interpellée par le mouvement du folksong nord-américain, qui a parmi ses premiers chantres Pete Seeger et Woodie Guthrie. Le Foyer rural de Samatan est le relais associatif du travail d’approche de Maurice Roux, et se charge d’organiser les moments de rencontres : bals, veillées, « hestejadas » (fêtes)...
Il a donc fallu rechercher actrices et acteurs, informatrices et danseurs, accordéonistes, violonistes ou chanteurs « de routine », pour retrouver un monde endormi depuis quelques décennies, prompt à pratiquer de nouveau, montrer, transmettre, « enseigner » sans forcément expliquer, raconter sans obligatoirement analyser. Ce temps-là arrivera après.
Léa Saint-Pé est l’une de ces « sources », comme on a coutume de dire. Née en 1904, au sein d’une famille de paysans-tuiliers de Polastron, Léa Saint-Pé rencontre l’accordéon diatonique, « le petit », comme elle le qualifie, très probablement au contact de musiciens locaux, dans les occasions de bals et veillées qu’elle commence à fréquenter très jeune. Elle manifeste l’envie de se payer un instrument dès que cela lui est possible. À cette époque, les deux fabricants les plus connus en France sont les maisons Dedenis à Brive, et Maugein à Tulle ; l’on peut aussi commander son accordéon par l’intermédiaire du catalogue Manufrance de Saint-Étienne. C’est donc à l’âge de 25 ans qu’elle anime son premier bal, à Aurimont, en remplacement d’un accordéoniste obligé de terminer un « tue-cochon » pour lequel il est engagé : l’abattage, puis la cuisine du cochon élevé à la ferme étant alors effectués sur place par des « tueurs-bouchers », spécialisés dans cette cuisine, et qui font alors la « saison », de novembre à mars.
Puis, de rondeau en scottish, elle se voit donc chargée de faire danser, contre rétribution, lors de bals, veillées… Dans une société rurale où la place de la femme n’est pas toujours la plus avantageuse, loin s’en faut, sa personnalité affirmée, son talent, sa fantaisie musicale, son doigté délié, lui permettent très vite de se démarquer, au point que Maurice Roux invite les musiciens du Conservatoire occitan de Toulouse, puis ceux du groupe Perlinpinpin Fòlc d’Agen, à se joindre à elle pour reprendre son activité dans les années soixante-dix, et ce, durant une bonne dizaine d’années.
Léa sait aussi danser, chanter, autant d’atouts pour envisager son activité occasionnelle de musicienne avec un regard bienveillant pour le public dont elle accompagne les pas, ce public qui suit les inflexions de son soufflet, qui réagit à ses attaques et à ses reprises bien enlevées. Et si elle porte un regard si sérieux sur le rondeau, notamment, prétendant que l’on peut y suer la chemise
, c’est bien qu’il ne s’agit pas seulement de s’amuser ou de passer un bon moment de divertissement, comme lors de certaines danses. Mais le « rond », formé par les couples, unis dans une même dynamique, un même souffle – que ce soit sur le devant d’une porte de ferme, probablement autour de 1976 à Montadet, entourée des musiciens des « Perlinpinpin », ou encore dans la halle aux grains de Samatan – est sans doute un moment essentiel dans les retrouvailles d’une mémoire intergénérationnelle.
Bibliographie
- Jacques Lajoux, Infernale et céleste… Léa Saint-Pé, une vie en accordéon. Toulouse, Savès Patrimoine, 2020.
- Orfeas, orfanèlas / Orphées, orphelines ou les musiques au féminin. Actes du colloque d’Albi, octobre 2019. Editions CORDAE La Talvèra. 2021.
- Rondeaux et autres danses gasconnes à Samatan [disque 33 T], Junqué Òc, 1977.
- Arch. dép. du Gers, 20 Fi, fonds Maurice Roux, photographe.
Transcription
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