La gastronomie gasconne et l'élevage avicole
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Résumé
Dans une ferme où se pratique l'élevage intensif des oies, un couple d'éleveurs témoigne de son travail : répartition des tâches, conditions d'élevage, phases de fabrication des foies... Deux techniques de gavage sont ici pratiquées : le gavage mécanique par les plus jeunes, le gavage à la main par les plus anciennes. Toutes et tous sont mobilisés pour la préparation des foies à l'époque des fêtes.
Date de publication du document :
01 nov. 2022
Date de diffusion :
05 févr. 1975
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Contexte historique
Dans les années 1970, la réputation du foie gras d’oie et de canard du Gers n’est plus à faire. Mais la qualité de la cuisine gersoise repose sur bien d’autres mets issus de la structure économique agricole que présente le département alors le plus rural de France.
Cette ruralité, marquée par la polyculture-élevage puise ainsi dans les ressources qu’offre son terroir. Les fermes, isolées les unes des autres, sont basées sur des modèles familiaux de production quasiment autonomes. Ainsi, pour satisfaire l’autosuffisance, retrouve-t-on la volaille comme composante essentielle de la basse-cour et de l’alimentation quotidienne. Poules, dindons, pintades mais aussi lapins et porcs cohabitent avec l’élevage d’oies, puis plus tard de canards, pour une consommation courante de leur viande. Au-delà de sa valeur vivrière, la volaille est aussi la principale source de revenu du paysan qui en fait le commerce. Travail qui revient généralement aux femmes, l’élevage de l’oie, reste certainement le plus prestigieux. Gavée pour être engraissée, une oie grasse de 20 kg (240 francs) équivaut, en 1920, à 20 journées d’un travailleur de terre non nourri (12 francs). Dans l’entre-deux-guerres, le commerce du gras est tellement florissant que les oies font partie intégrante d’un paysage agricole que nous ne connaissons plus.
L’oie de Toulouse qui aurait pu s’appeler « l’oie du Gers » est ainsi élevée depuis des siècles dans les cantons de Mirande, Masseube, Fleurance, Gimont et Vic-Fezensac pour la qualité de sa viande réservée aux fêtes de fin d’année. Son commerce s’étend bien au-delà du département, dans le Sud-Ouest et dans le centre de la France. Au XVIIIe siècle, c’est d’abord pour ses cuisses confites et sa chair rôtie que l’oie est appréciée. Sa graisse est, quant à elle, utilisée dans la cuisine quotidienne. Les oies d’Auch et de Bayonne sont estimées pour les marchandises nobles qu’elles produisent : son duvet et ses plumes. Ce n’est qu’au XIXe siècle que la production et la consommation du foie gras se généralisent dans les régions maïsicoles comme le Gers et la Chalosse. Trois variétés y sont développées : l’oie agricole (sans fanon ni bavette), l’oie industrielle (à fanon et à bavette) et l’oie améliorée du Gers dite d’Auch (à fanon et sans bavette). Cette dernière, issue du croisement des deux autres variétés, est bonne pondeuse, rustique et donne, une fois gavée au mois d’octobre, un foie d’un bon poids : entre 600 et 900 grammes en moyenne et pouvant atteindre plus exceptionnellement jusqu’à 1,5 kg.
Au-delà de sa valeur marchande, c’est une valeur mythique que l’on attribue à l’oie dans le Gers. Célébrée par des fêtes commerçantes qui lui sont dédiées, comme à Riguepeu qui a su rassembler les cheptels venus de bien des cantons, du Moyen-Age jusqu’au dernier quart du XXe siècle, l’oie anime des foires et devient un symbole. Des concours comme à Masseube sont organisés pour sélectionner et reproduire les plus beaux spécimens.
Dans le contexte agricole changeant des années 1970, les productions avicoles, comme toutes les autres, se spécialisent et s’intensifient. Si le nombre d’exploitations recule et le nombre d’agriculteurs se concentre, le nombre d’oies dans les troupeaux augmentent. Au modèle artisanal maintenu pour certaines fermes, s’appose un modèle qui commence à s’industrialiser. Pour d’autres fermes, c’est l’abandon de cet élevage. À ces changements structurels, s’adjoint également la mécanisation des techniques dites traditionnelles du gavage. Les fermes s’équipent alors d’un tout nouvel outillage conçu à propos.
Concurrencées par le mulard, canard hybride aux plumes blanches et noires plus adapté à la production industrielle, les oies diminuent en nombre et leur consommation se marginalise. Alors qu’en 1980 on comptait, dans le Gers, 578 oies pour 1000 canards, elles ne sont plus que 28 pour 1000 en 2003. Emblème du territoire, trônant fièrement comme ambassadrice de la Gascogne sur les images diffusées partout ailleurs, aujourd’hui et en attendant peut-être sa relance, l’oie alimente plutôt les imaginaires populaires, en se rappelant le temps où elle figurait sur la table des rois.
Éclairage média
- Benjamin Cointre, O. Rozes, Le Livre de l’agriculteur gascon, Imprimeurs-Éditeurs d’Auch, Auch, 1922.
- Corinne Marache, Philippe Meyzie, Voyage à travers le temps. L’oie du Sud-Ouest entre mémoire et histoire, XVIe-XXIe siècles, Paris, Centre scientifique de l’Académie polonaise des sciences, 2016, n° 18, p. 207-224.
- Claude Lille Larroucau, Foie gras et développement territorial en Astarac : entre tradition et modernité, vers une reconquête de l’identité locale, mémoire de maîtrise, IUP Aménagement, Université de Pau et des Pays de l’Adour, 1997
Transcription
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Intervenant 1
L’origine de la gastronomie gasconne vient simplement… Sa structure économique est une structure de pays assez pauvre, disons, même plutôt pauvre.Ce qui fait que les gens ont été obligés, d’une part, d’utiliser tout ce qu’il y avait de pétillant autour d’eux.C’est pour ça que l’on trouve dans la gastronomie gasconne une manière très fine d’utiliser par exemple les champignons, les gibiers, et je me tairais sur l'ortolan qui est un peu défendu maintenant.Mais aussi en prenant, comme dans tous les pays pauvres, ce besoin, ce plaisir que l’on a de se réunir pour rompre la monotonie de la vie, ce qui fait des repas en commun extrêmement chauds, extrêmement chaleureux.D’où une gastronomie qui s’appuie sur des sauces, sur des salmis, sur les daubes, sur des soupes extrêmement solides et qui font des plats familiaux et des plats d’amitié extrêmement réconfortants pour les uns et pour les autres.Mais en supplément sur une chose qui, je crois, est une des chances de la gastronomie gasconne, simplement sur le fait que du même coup, on a eu besoin de faire des conserves pour se défendre.C’est une gastronomie qui est saisonnière, et donc, par conséquent qui a besoin d’étaler dans le courant de l’année l’ensemble de ses efforts.Ce qui fait que l’on a en Gascogne des conserves d’une extrême qualité, et je ne parlerai pas simplement des volailles grasses qui sont célèbres, avec des foies gras, mais il y a même les porcs et même certains autres types de gastronomie ;c’est-à-dire de sauces que l’on peut mettre en conserve, ce qui a donné d’ailleurs bien sûr à la Gascogne une sorte de privilège à l’intérieur de la France pour la valeur des produits qu’elle sort en conserve.
Jean-Paul Terray
L’élevage des troupeaux d’oies, de canards, de dindons reste dans la grande majorité des cas, l’apanage, le domaine des femmes.Mais, ici comme ailleurs, au fil des années, on a pu noter une modification des structures de la production agricole.
Intervenant 2
En ce qui concerne la production agricole, et plus particulièrement la production de gras, on peut dire qu’en définitive, il y a une évolution des structures assez marquée.Il y a eu au cours de ces dernières années une évolution des structures assez marquée, certains agriculteurs abandonnant, ou agricultrices plus exactement, abandonnant le gavage, et d’autres au contraire se spécialisant dans cette production, et en montant leurs effectifs de façon assez conséquente.
Jean-Paul Terray
Alors, il y aurait moins d’exploitations, mais davantage de cheptels ?
Intervenant 2
Oui, effectivement.Le nombre d’agriculteurs d’exploitation qui ont, qui pratiquaient le gavage ont tendance à diminuer et par contre, les effectifs du troupeau d’oies et de canards gras ont tendance à augmenter au cours de ces dernières années.
(Musique)
Inconnue 1
Nous gavons 1000 oies cette année.
Inconnu 1
Et bien, nous en élevons 200.
(Bruit)
Jean-Paul Terray
Vous les prenez à quel âge ?
Inconnu 1
Euh, huit jours environ.À huit jours.
Inconnue 1
Nous les avons élevées, nous avons 80 femelles reproductrices.Alors, les oisons, ils sont pour nous et le supplément, nous le vendons.Nous le vendons par l’intermédiaire de l’UCOPAL qui siège à Mirande, ou bien des particuliers qui viennent se le chercher directement ici.
(Bruit)
Inconnue 1
Mais ce qu’il leur faut surtout, c’est de l’herbe et de l’eau à volonté.
(Bruit)
Intervenant 2
En ce qui concerne la ponte, la technique a évolué, d’ailleurs très récemment, nous en sommes au début, et depuis peu, on peut participer à ce que l’on appelle la ponte à contre-saison.Ce qui permet de faire pondre les oies en dehors de la période traditionnelle du printemps et par voie de conséquence d’obtenir des oisons toute l’année et donc de pouvoir organiser la production des oies dans de meilleures conditions.
(Bruit)
Inconnue 1
Les oies, pour moi personnellement, tiennent une grande partie de travail quoi.Les oisons d’abord, l’élevage après, le gavage.Je commence à gaver en juillet, nous ne finissons qu’en mars.Mon mari fait du maïs.Nous avons des bovins.
Jean-Paul Terray
L’élevage des oies vous prend un temps complet alors ?
Inconnue 1
Ah moi, oui, personnellement, oui.
Jean-Paul Terray
Et quelle est la part du revenu de cet élevage dans le budget de l’exploitation.
Inconnue 1
80%.
Inconnu 1
Nous avons de la vigne et du gros bétail.
Jean-Paul Terray
Quelle est la part du revenu que vous apporte cet élevage d’oies ?
Inconnu 1
Et bien je pense que ça rentre par moitié, dans le revenu total, moitié à peu près.
Inconnue 1
C’est quand on en fait une quantité comme nous, on ne peut rien négliger.
Inconnu 1
Euh, c’est assez fragile, oui.Assez fragile.Il y a assez de mortalité, m’enfin si on s’en occupe un peu ça va.
Jean-Paul Terray
Qu’est-ce qui les rend fragiles ?
Inconnu 1
C’est comme ça, la bête est fragile.
Jean-Paul Terray
Sensibles à la chaleur au froid ?
Inconnu 1
Euh oui, surtout.Le soleil, l’humidité, quand elles sont petites.
Inconnue 1
Il faut prendre toutes nos précautions, c’est-à-dire faire les vermifugations nécessaires et puis les piquer contre la typhose et le choléra.Cela, nous le faisons pendant l’été.Nous faisons un rappel juste avant le gavage.
(Bruit)
Inconnue 1
Le pré-gavage, nous sortons une cinquantaine d’oies du troupeau que nous mettons sur caillebotis, que nous vermifugeons de façon à ce qu’elles ne sont plus en en contact avec le sol.Et puis, nous leur donnons à manger pour les préparer à digérer une plus grosse quantité de graines qu’elles mangeaient habituellement dans le champ quoi.
(Bruit)
Inconnu 2
Oui Martine, je vais vous expliquez comment on fait pour gorger une oie.On passe l’oie ainsi, on accroche bien l’oie et on passe l'embuc à l'oie.Ici, il faut faire très attention pour ne pas esquinter l’oie.
Martine
Oui, d’accord.
Inconnu 2
Puis, vous mettez votre machine en marche et vous tassez bien votre maïs.Il faut de temps en temps quand on trouve que ça force trop, arrêter quand même la machine.Vous gavez jusqu’à ce que votre maïs soit bien tassé.Là, c’est à peu près, l’oie est à peu près gavée.Et voilà.Voilà, comment on fait pour gaver une oie.
(Bruit)
Inconnue 2
Nous gavons les oies.
Jean-Paul Terray
Vous préférez le gavage à la main ?
Inconnue 2
Et oui Monsieur.
Jean-Paul Terray
Pour quelle raison ?
Inconnue 2
Et bien, il me semble que ça pèse moins et que l’oie se gave mieux.
Jean-Paul Terray
Combien de temps dure le gavage d’une oie ?
Inconnue 2
Et bien Monsieur, cela dépend des oies aussi, mais enfin, il faut compter 21 jours.
Jean-Paul Terray
Lorsque vous prenez une oie avant le gavage, combien pèse-t-elle ?
Inconnue 2
Oh, dans les 5 à 6 kilos Monsieur.
Jean-Paul Terray
Elle va grossir de 5 kilos en si peu de temps.
Inconnue 2
Ah bien oui.
Jean-Paul Terray
Certaines personnes peuvent penser que vous faites subir à cette oie un traitement barbare, qu’en pensez-vous ?
Inconnue 2
Mais non Monsieur, ce n’est pas barbare.Elles sont très gentilles avec nous.Et puis, le foie gras, il y en a beaucoup qui en mange et qui l’aime.
Inconnue 1
Comment ferions-nous pour manger du foie gras.La solution, il y en a pas quoi, il faut faire comme ça.
(Bruit)
Jean-Paul Terray
Est-ce que le gavage mécanique est aussi efficace que le gavage à la main Madame ?
Inconnue 1
Exactement, ça c’est le même hein.Il est plus pratique, euh… C’est moins astreignant quoi.C’est plus agréable de gaver comme ça, un peu comme le faisaient nos grand-mères, disons.Pour ça, il faut prendre des précautions, c’est-à-dire qu’il faut faire attention de ne pas blesser la bête, de ne pas… Il faut être patient plutôt.
Inconnue 2
Et nous avons bien des appareils, mais enfin, moi je préfère la main.Je suis du bon vieux temps.