L'Armagnac millésime 1984
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Résumé
Les distillateurs Marcel Castex, Roger et Jean-Pierre Gimet, et le maître de chai Robert Came présentent en détail les étapes de la distillation de l'armagnac, réalisé à base de raisin, et évoque la situation économique de cet eau-de-vie confronté à la concurrence du cognac.
Date de publication du document :
01 nov. 2022
Date de diffusion :
26 déc. 1984
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Contexte historique
ParEthnologue
L’Armagnac est un ancien comté de la province de Gascogne qui s’étend sur une large partie ouest de l’actuel département du Gers. Elle est traversée par tout un réseau de rivières dont la Baïse sur laquelle naviguaient autrefois les gabarres, des barques à fond plat, qui assuraient le commerce de marchandises, jusqu’à la façade atlantique via la Garonne pour rejoindre le port de Bordeaux, ou l’Adour pour rejoindre celui de Bayonne.
C’est à ce réseau fluvial que l’on doit le développement de la région, notamment à travers le commerce de vin puis de l’eau-de-vie produite en cette localité : l’armagnac.
Les premières preuves de commercialisation de cette aygue ardente, eau qui brûle, remontent au XVe siècle. Un siècle plus tôt, Maître Vital Dufour, prieur d’Eauze, décrivait ses quarante vertus pour garder la santé et rester en bonne forme
. L’eau-de-vie produite dans la région n’avait donc pas encore l’usage de spiritueux qu’on lui connaît aujourd’hui. On la consommait plutôt pour ses vertus thérapeutiques : elle aurait donné l’immortalité.
Au XVIIe siècle, l’eau-de-vie est la cible d’une clientèle hollandaise. Mise en fût de chêne pour sa conservation et son transport, elle se teinte et se charge des arômes du bois. Son vieillissement la bonifie, elle s’arrondit. Son réseau de commercialisation ne cesse alors de s’étendre, jusqu’aux Amériques. À partir de la seconde moitié du XIXe siècle, alors que le Gers est devenu le premier département viticole avec cent mille hectares de vigne, les techniques de vieillissement de l’armagnac s’améliorent. L’armagnac est alors apprécié pour ses fines qualités gustatives. Or, comme pour tous les autres vignobles de France, dès 1870, le phylloxéra ravage les vignes gersoises. Une partie seulement du vignoble est replantée.
La région s’organise alors pour relancer le commerce et argumenter face au concurrent charentais. En 1909, un décret d’Armand Fallières délimite une zone de production des eaux-de-vie d’armagnac et amorce de ce qui deviendra, en 1936, l’appellation d’origine contrôlée déterminée par l’INAO, institut créé la même année. Une aire géographique et des normes de production sont définies. L’AOC armagnac couvre la partie du centre au nord-ouest du Gers, l’est des Landes et le sud du Lot-et-Garonne.
Cette zone est elle-même divisée en trois sous-régions : le Haut-Armagnac, à l’est, qui produit peu d’eau-de-vie, la Ténarèze au centre et le Bas-Armagnac à l’ouest. Seuls dix cépages sont autorisés pour produire de l’armagnac. Parmi eux, l’Ugni-blanc, la Folle Blanche (le cépage historique aussi appelé autrefois le Piquepout), le Baco, le Colombard, etc. Le vin produit par ces cépages est ensuite distillé dans des alambics également conformes au décret de l’appellation. Il s’agit d’un alambic spécifique à double colonne avec des plateaux pour, contrairement à l’alambic charentais où l’alcool est distillé deux fois, assurer une seule distillation et produire une eau-de-vie faiblement chargée en alcool : la Blanche. Incolore, elle est donc un armagnac non vieilli en fût. On la boit à l’occasion de grands repas pour assurer la digestion entre deux plats. On dit alors faire le « trou gascon ». Elle est placée en fûts de chêne pour vieillir.
Devenu un digestif emblématique, l’armagnac est aussi utilisé pour son parfum dans la cuisine, la charcuterie, la conservation de fruits et la pâtisserie. Il connaît également certaines déclinaisons comme la liqueur d’armagnac employée pour le cocktail Pousse-Rapière ou encore pour élaborer le Floc de Gascogne (assemblage de moût de raisin et d’armagnac).
Bibliographie
- Zacharie Baqué, « Les eaux-de-vie d’Armagnac », Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, tome 1, fascicule 3, 1930. pp. 351-355.
- Gilbert Dalla Rosa et al., Armagnac-produit, Armagnac-Pays : ressources patrimoniales, identité culturelle et développement local, étude n° AO 89 MP 22, Ministère de la Culture, Mission du patrimoine ethnologique, juin 1991.
- Gustave Laurent, « L’armagnac et les pays du Gers », Annales de Géographie, 1911, tome 20, n° 110, pp. 143-154.
- Alain Reynaud, H.E.R.G.E.S., « L’Armagnac, un produit, un pays », 1993, coll. État des lieux, Travaux de l’Institut géographique de Reims, 1994, n° 85-86, Études algériennes, pp. 117-119.
- « AOC Armagnac, Bas armagnac, Armagnac-Ténarèze, Haut armagnac, et Blanche armagnac », Institut national de l'origine et de la qualité [en ligne] (Mise à jour 01/2008). Site internet : https://www.inao.gouv.fr/var/inao_site/storage/repository/editeur/files/pdf/Cartes/AOC_Armagnac_A_200807.pdf
Transcription
(Cliquez sur le texte pour positionner la vidéo)
Roger Gimet
[Gascon].
Roger Mullet
Le brouillard est tombé, l’hiver est là en Armagnac.Achevées les vendanges 84, touchées ici comme ailleurs par la coulure et le millerandage.Le pâle vin léger sec comme un coup de trique fournira quand même sur ses 13 890 hectares de vignoble gascon, ces quelques 40 000 hectos d’eau de vie.L’Armagnac, ce fût pendant des siècles, le seul passage entre l’Adour et la Garonne.Un chemin de montagne permettait de relier les Pyrénées à la Garonne par les crêtes et sans que l’on eut à franchir aucun pont.L’Armagnac, tout un petit monde.
(Bruit)
Roger Mullet
Marcel Castex, qu’est-ce qu’on peut dire de cet armagnac 84, 85 ?
Marcel Castex
C’est un armagnac qui a du parfum, qui est assez souple, je pense que ce sera un très bon armagnac.
Roger Mullet
Framboise, noisette ou violette ?
Marcel Castex
Plutôt violette.
Robert Came
D’abord le haut-Armagnac, il n’est là que pour mémoire, on n’en parle pas, le Haut-Armagnac c’est la région périphérique, il n’a pas de production.Le Haut-Armagnac, on n’en parle pas, restons sur la Ténarèze et le Bas-Armagnac.Et bien, je le vous dirais tout de suite, je ne vous dirais pas que l’un est meilleur que l’autre, je vous dirais qu’ils sont complémentaires, et vous savez ils ont des qualités totalement différentes.Le Bas-Armagnac c’est la finesse, c’est le… voyons, un goût très noble, très fin.La Ténarèze, c’est le goût corsé, un goût puissant.Et les deux s’allient très bien, ils pourraient avoir un goût parfait.Il pourrait avoir et du Bas-Armagnac et de la Ténarèze.
Roger Mullet
C’est au IXe siècle qu’un savant arabe inventa la distillation du vin.Au XVe siècle, cette technique fit son apparition en Gascogne et l’on commença à produire l’eau "ardente", l’eau de feu à partir de cépages bien précis.L’ugni blanc, un saint-émilion, le baco qui est un cépage métis, le colombar et la folle blanche ou piquepoul.Ces cépages produisent un vin léger de 8,5 à 11 degrés dans les bonnes années.Fini le temps des bûches de chêne de la propriété pour donner la flamme à l’alambic.Aujourd’hui, temps moderne, c’est le gaz qui est utilisé.12 à 15 litres de vin produiront après distillation un litre d’alcool.Dans ces installations situées près d'Éauze, on traite chaque année 22 000 hectos pour produire 2000 hectos d’alcool pur.Dans ces alambics, on traite 200 hectos par 24 heures à raison de 140 à 150 litres à l’heure.La méthode utilisée est typiquement armagnacaise, distillation directe, en continu.Le vin circule par gravité et effet de vase communicant.Le vin est utilisé à la fois comme réfrigérant, puis il est réchauffé par les vapeurs d’alcool.Les vapeurs ont une marche ascendante et barbote dans le vin par le jeu de barboteur en cloche ou en patte d’araignée.La technique utilisée en Armagnac permet de garder à l’eau de vie le maximum de parfum d’origine, car au stade où nous sommes, il s’agit d’eau de vie est pas encore d’armagnac. Une législation que certains jugent sotte, n’autorisent pas en France pour des appellations d’origine contrôlée, la mise en bouteille d’alcool blanc.C’est dans des pièces de chêne que l’eau de vie, au contact du bois de chêne, prendra sa couleur ambrée.La qualité du bois, sa vieillesse en feront un armagnac bien différent du voisin.Autre méthode de distillation, façon cognac, double distillation.Un alcool à 30 degrés est extrait du mou, cet alcool est à nouveau distillé pour le porter entre 58 et 63 degrés Gay-Lussac.
Robert Came
Au départ, la matière première, disons, est hétérogène, voilà.Alors tout l’art du maître de chai, tout le travail du négociant, c’est d’assembler tout cela, de faire des coupages, des assemblages de manière justement à homogénéiser tout cela.
Roger Mullet
Alors par rapport justement au cognac, c’est que le cognac, on dit que c’est une qualité un peu homogène.C’est-à-dire on trouve toujours le même goût chez le cognac.
Robert Came
Ah, alors je vous dirais oui, je vous dirais pourquoi.Techniquement les Cognaçais sont beaucoup plus, disons beaucoup plus à la pointe du progrès, techniquement beaucoup plus avancés que les Armagnacais.Donc ils arrivent quand même à homogénéiser le produit à la distillation.
Roger Gimet
On parle cognac, cognac, cognac, nous sommes les concurrents de Cognac, nous sommes mieux que Cognac et hélas on en parle beaucoup moins.Parce que nous n’avons pas eu les moyens, on n’a pas eu des locomotives comme cognac, les grandes boîtes Martell, Hennessy, Royer et tout ça, qui avaient de gros moyens et qui étaient mieux placés quand ils ont commencé à distiller que nous.Pour expédier à l’extérieur, ils étaient directement sur le fleuve et ils avaient tous les moyens.Tandis que nous, pour alimenter les clients étrangers, il fallait aller loin.Les moyens de transport, on n’avait pas de Concorde, nous en notre temps, il fallait combien de charrettes, de mules ou de bœufs ; on porte les fûts ou à Bayonne ou du côté de Bordeaux.Vous vous rendez compte le travail que ça représentait ?Et le peu que l’on pouvait porter à la fois ?
(Bruit)
Roger Mullet
Plus de 46% de la production est aujourd’hui exportée.Des exportations en diminution constante, elles étaient de près de 50% il y a quelques années.Quant à la consommation intérieure elle ne cesse de diminuer.Il est vrai que les taxes représentent quelques 47% du prix du liquide et qu’elles n’ont cessé d’augmenter ces 10 dernières années.Il est même une taxe sur le stockage qui, convenons-en, n’incite pas à une politique de vieillissement de l’armagnac. Et malgré la recherche d’autres productions, l’armagnac ne se porte pas bien.
Jean-Pierre Gimet
Il y a plusieurs causes justement à cette mal-vente de l’armagnac qui sont dues en partie au pouvoir d’achat des Français, et mêmes de certains pays européens, qui baisse.Et en plus la taxation qui est très importante sur ces produits-là.Jusqu’à présent, le marché de l’armagnac était partagé pour 50% par les coopératives, et le reste par soit les producteurs indépendants, soit les maisons de commerce.Actuellement, il y a une tendance plutôt, par les consommateurs français, à l’achat directement chez le producteur ou dans certains groupes de commercialisation.Heureusement qu’on a un produit qui est nouveau maintenant depuis sept ans qui est le Floc de Gascogne, qui est un jus de raisin additionné d’armagnac.C’est du jus de raison frais additionné d’armagnac, ça donne un mutage et on obtient un apéritif qui est très agréable à boire et très apprécié des consommateurs.Le plus difficile c’est de le faire connaître.Il y a des gens qui s’y emploient, il y a des syndicats des producteurs de Floc qui travaillent très bien dans ce sens-là.Il y a d’autres utilisations pour l’armagnac qui sont les fruits à l’armagnac, surtout les pruneaux où y passe quand même pas mal d’armagnac ;et ensuite des produits industriels, soit pour la pâtisserie, soit pour la charcuterie où on consomme pas mal d’armagnac aussi.
(Musique)
Roger Mullet
L’armagnac, né dans le secret des alambics va s’endormir dans des chais centenaires pour développer les qualités qui le feront apprécier.Une eau de vie, cela s’élève comme on élève ses enfants.Avant de la mettre dans ces pièces de 400 litres, il faut la reconnaître, l’apprécier, pour choisir la place qu’elle va occuper dans le classement du chai.1906, 1911, une très bonne année, 1934, 1964, pour combien de temps encore ces armagnacs hors d’âge.
Roger Gimet
Celui qui aime son vignoble et vu les revenus qui peut en sortir, ce n’est plus rentable.Il préfère faire n’importe quoi, il y fera des cacahuètes dessus ou il fera de l’élevage de, je ne sais pas, on peut faire dans notre région [inaudible] ;on peut faire du maïs, on peut faire de la viande, on peut faire des oies, des canards, c’est intéressant, c’est un travail, il faut savoir le faire, et il faut se tuer pour le faire.Tandis que le pauvre armagnac, si on commence à le traiter de la façon dont on le traite, on ne peut plus continuer à l’élever.Tout le monde, bientôt, va se disputer pour l’avoir, parce qu’il ne va plus y en avoir, surtout des vieux armagnacs qu’on nous a laissé partir à droite à gauche, et on ne fait rien pour les conserver, c’est vraiment dommage.Parce qu’une eau de vie comme l’armagnac, c’est rare.
(Musique)
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Date de la vidéo: 05 févr. 1975
Durée de la vidéo: 11M 07S