Le canard du Gers
- Qualité: Moyenne
- Vitesse de lecture: 1 x (normal)
Infos
Résumé
Sur les pas de la restauratrice toulousaine Cathy Méliet, ce reportage évoque le canard dans la gastronomie gersoise : vendu au marché au gras de Gimont, ou cuisiné dans la recette traditionnelle de « l'alicuit »
Date de publication du document :
01 nov. 2022
Date de diffusion :
14 déc. 2014
Éclairage
- Contexte historique
- Articles utilisant cette vidéo
- Parcours thématiques
Informations et crédits
- Type de média :
- Type du document :
- Collection :
- Source :
- Référence :
- 00060
Catégories
Thèmes
Lieux
Personnalités
Éclairage
Éclairage
- Contexte historique
- Articles utilisant cette vidéo
- Parcours thématiques
Contexte historique
ParEthnologue
La qualité des produits de terroir du Gers, premier département français producteur de foie gras, a gagné une renommée qui s’étend bien au-delà du département. Le rayonnement est tel que c’est de la France entière qu’une clientèle fidèle se déplace pour acheter le canard aux « marchés au gras ». Ces foires qui ont fait des villages de Gimont et de Samatan les capitales du canard gras et des oies, vont de l’automne, au mois d’octobre, jusqu’au mois de mars. C’est au coup de sifflet que démarrent les ventes. Producteurs et commerçants sont réunis sous les halles pour y vendre la bête entière, encore non transformée.
Il a fallu des ambassadeurs pour concourir à cette réputation mais aussi pour assurer le passage d’une cuisine familiale et artisanale ou paysanne à une reconnaissance gastronomique. En 1958-1959, à Paris, on ne parlait pas de foie gras si ce n’est en boîte, on ne parlait pas de confit, on ne parlait pas de magret grillé puisque cela n’existait pas encore
(André Daguin, propos recueillis par Marie-Ange Lasmènes, 2018).
Le plus fameux d’entre eux reste le restaurateur auscitain André Daguin qui, en 1959, dans sa cuisine doublement étoilée de l’Hôtel de France, a eu l’audace de changer les traditions et de réinventer le magret. Jusque-là, le magret était confit, au même titre que tous les autres morceaux du canard. Mais, sans os, ce filet de chair n’est pas le plus tendre. Au contraire, ce type de cuisson le sèche. Il en devient presque estoufadou, étouffant. André Daguin l’expérimente autrement : il le cuit comme une pièce de bœuf. Le résultat est saisissant et la clientèle en salle est bluffée : Sur ma carte, je m’étais dit : « Si tu mets « canard », ils vont tous le vouloir très cuit et on va louper notre coup ». Alors j’avais mis : « Lou magret grillé sur la braise ». Les gens disaient : « Mais qu’est-ce que c’est ? ». On répondait : « Une viande rouge grillée saignante ». Ils entendaient « bœuf ». On ne leur avait pas dit que c’était du canard. Je l’envoyais sur un petit grill avec des pommes frites cuites dans la graisse de canard et avec (ce qui était un peu farfelu !) une béarnaise montée au gras de foie. Et puis les gens disaient : « Ouh ! Ce bœuf, c’était bon ! » Non, c’était du canard. « Comment ? » Alors il y en a qui étaient étonnés comme un journaliste que je connaissais bien et d’autres qui n’admettaient pas ! « Ça ! Du canard ? Ce n’est pas possible !
, racontait-il en 2018.
Avec Maurice Cosculluela et Roger Dufour, deux autres gastronomes étoilés respectivement à Plaisance-du-Gers et à Barcelone-du Gers, André Daguin crée en 1962 « La Ronde des Mousquetaires », une association qui donne de la visibilité aux initiatives culinaires gersoises et en assure la promotion à échelle internationale. Les chefs revisitent les produits locaux et inventent, animés par la volonté de mettre en lumière les richesses de cette campagne. Le succès est incontournable et la cuisine gersoise sort des fourneaux « de maman » pour gagner les meilleures tables. Désormais, dans le Gers et ailleurs, assez communément, le magret figure sur les cartes des restaurants.
Cinquante ans après, d’autres préparations « oubliées » sont mises à l’honneur. Ainsi en est-il de l’alicuit que Cathy Méliet fait redécouvrir en suivant les conseils de sa propre mère. A l’origine, l’alicuit ou alycot (ale y cot, aile et cou en gascon) est un ragoût utilisant les bas morceaux pour restaurer après le travail aux champs. Aujourd’hui, c’est sur les tables toulousaines qu’il se mange, en ville. Les recettes de grand-mère n’ont donc rien de figé. Nostalgie des saveurs d’enfance ou envie de transmettre les richesses d’un terroir, elles trouvent une reconsidération et alimentent le mythe d’une Gascogne gastronome.
Transcription
(Cliquez sur le texte pour positionner la vidéo)
Laurent Delahousse
Voilà, la carte postale gourmande de ce dimanche, et on part pour le Gers aujourd’hui avec les foires aux gras de Gimont ou encore de Samatan.Et ici, sans surprise la star, c’est le canard.Hélène Vergne, David Breysse.
Hélène Vergne
Des canards tout en plumes et bien en chair.Ceux-là, ce sont des mulards, des volailles grasses réputées pour leur viande savoureuse.Pour obtenir cette qualité, pas de surprise : il faut du temps, plus de trois mois en plein air.La dame au chapeau, c’est Cathy Méliet, à la tête d’un des meilleurs restaurants de Toulouse pour le canard, en visite aujourd’hui chez son fournisseur.
Eleveuse
Ils vont aller manger du grain à l’intérieur et ils se nourrissent aussi à l’extérieur.
Hélène Vergne
Distinguer le bon élevage parmi des centaines, tout commence par-là.
Cathy Méliet
Il y a moins de mérite à faire de la bonne cuisine avec des bons produits.C’est la base.Ces canards sont à l’extérieur, ils peuvent se mouvoir, ils peuvent courir.Au jour d’aujourd’hui, il faut acheter du bon, du vrai, de l’authentique.
Hélène Vergne
Ce n’est pas à Toulouse, mais dans la maison familiale du Gers que nous retrouvons notre restauratrice, aux côtés de sa maman de 82 ans.Au menu, un ragoût gascon, des carcasses braisées.Mais lorsqu’on n’a pas de fournisseur, où choisir son canard ?Par exemple à Gimont.Un coup de sifflet ouvre la foire aux gras, tous les dimanches, de novembre à mars.A chaque fois, il faut faire vite, certains acheteurs viennent de loin.
Une cliente
On est venu exprès, nous sommes de Salon-de-Provence.Alors, non, non, mais tous les ans, on vient.Bah, parce que c’est le pays du Gers, c’est le pays du canard, il n’y a pas à dire.Venir chercher les produits naturels au bon endroit hein.
Vendeuse
A la boucherie c’est d’autres prix.Et c’est d’autres viandes aussi.Ici, c’est made in France.Saramon, 15 kilomètres.
Hélène Vergne
Retour à la table familiale.Dans le canard, on connaît le magret à griller, les cuisses à confire, qui mijotent des heures durant dans leur propre graisse.Mais il y a tout le reste, la base de l’alicuit, un ragoût aujourd’hui disparu des cartes de restaurant.
Mme Méliet
Le gésier, le manchon, les ailerons et le cou.
Hélène Vergne
Egalement des carottes, un hachis d’oignon et d’ail, du vin blanc, un bouillon de poule mitonné lentement et longtemps.
Cathy Méliet
Il ne faut surtout pas oublier les câpres parce que…
Mme Méliet
Oups.
Cathy Méliet
Oups, c’est rare que je dise à ma mère qu’il ne faut pas oublier quelque chose.
Hélène Vergne
Les câpres, l’un des secrets de l’alicuit.Leur amertume bouscule le gras du canard, le sucre des carottes, et réveille les macaronis ajoutés en fin de cuisson.
Cathy Méliet
Ça a peut-être une image un peu moins noble, c’est moins noble effectivement, mais ça nourrit et il y a le côté économique, ça nourrit et c’est très peu onéreux.
Hélène Vergne
Avant de déguster l’alicuit, la tradition veut qu’on braise les "demoiselles", joli nom des carcasses de canard.Tout juste sorties du feu, elles se grignotent en famille, entre amis, sans chichis, l’assurance d’un repas rustique gersois et délicieusement gourmand.
Sur les mêmes thèmes
Date de la vidéo: 05 févr. 1975
Durée de la vidéo: 11M 07S