L'Institut Mérieux de Lyon

05 février 1997
03m 06s
Réf. 00137

Notice

Résumé :

L'Institut Mérieux fête ses 100 ans aujourd'hui. Numéro 1 mondial du vaccin, la dynastie Mérieux a fait du petit laboratoire, un groupe mondialement reconnu.

Date de diffusion :
05 février 1997
Source :

Éclairage

Contrairement à ce qui est annoncé au futur dès le début de ce reportage de 1997, le vaccin contre le Sida n'est toujours pas au point en 2011, et donc pas encore produit de manière industrielle par Pasteur Mérieux Connaught. Pourtant l'emphase n'était pas nécessaire pour fêter le centenaire de l'Institut Mérieux, les réalisations et le chemin parcouru depuis la création disent déjà suffisamment la réussite de l'entreprise.

Marcel Mérieux (1870-1937), fils de soyeux lyonnais, diplômé de l'École supérieure de chimie industrielle de Lyon travaille quelques années auprès de Pasteur avant de créer, en 1897, l'Institut biologique Mérieux à côté de l'Hôtel-Dieu de Lyon. Le laboratoire met au point le dépistage de la diphtérie et de la fièvre typhoïde. Il produit aussi de la tuberculine de Koch utilisée pour la percuti-réaction qui permet de dépister la tuberculose. Après la Première Guerre mondiale, l'entreprise acquiert un vaste terrain à Marcy-l'Étoile dans l'ouest lyonnais. De nombreux chevaux y sont élevés afin de fabriquer du sérum anti-aphteux. Marcel Mérieux est le premier à mettre en place le sérum antitétanique diffusé internationalement plus tard par son fils, Charles (1907-2001), qui prend la tête de l'entreprise après son décès en 1937. En 1943, Charles Mérieux produit du sérum antitétanique pour l'armée française à la demande du gouvernement de Vichy mais il en fournit aussi, clandestinement, à la Résistance. Le laboratoire produit également du sérum de bovidés afin de lutter contre la sous-alimentation enfantine qui favorise la contamination par le bacille de Koch et l'entreprise se rapproche des abattoirs de Gerland afin de collecter plus facilement le sang de bovidés.

Après la Seconde Guerre mondiale, Charles Mérieux développe la production de vaccins antitétaniques grâce à des seringues jetables importées des Etats-Unis, ainsi que d'autres vaccins tels ceux contre la poliomyélite et la coqueluche. La biologie industrielle lui permet de produire des sérums par millions. Il a également participé au développement du vaccin contre la fièvre aphteuse. En effet, en 1947 il crée l'Institut Français de la Fièvre Aphteuse pour enrayer les épidémies au sein des élevages de bovins. En 1960, Charles Mérieux achète une demeure du XVIe siècle au bord du lac d'Annecy dans laquelle il organise colloques, réunions et cours de l'Institut de Développement d'Epidémiologie Appliquée qui a pour but de former les cadres de la santé. En 1967 il crée la Fondation Mérieux. Très attaché à sa ville natale, Lyon, Charles Mérieux a toujours été présent dans les grands projets lyonnais : il participe à la fondation de l'Institut National des Sciences Appliquées (INSA) de Lyon en 1957 et à l'installation du Centre International de Recherche sur le Cancer de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en 1965. En 1974, alors qu'une épidémie de méningite touche le Brésil, Charles Mérieux met en place un plan de vaccination d'urgence dont il évoque le souvenir dans le reportage. 100 millions de Brésiliens sont vaccinés en moins d'un an et cela amènera Charles Mérieux à créer Bioforce, une école de formation d'intervenants humanitaires.

Depuis 1968, c'est Alain Mérieux, son fils, né en 1938, qui est à la tête du groupe. Il crée bioMérieux, spécialisé dans le diagnostic in vitro. Le groupe familial entre dans l'ère des grandes manœuvres financières et l'Institut Mérieux devient une filiale de Rhône-Poulenc (Sanofi).

De l'autre côté de l'Atlantique, au Canada, John G. FitzGerald (1882-1940), un médecin formé à l'université de Toronto, a un itinéraire très proche de celui du fondateur de l'Institut Mérieux. Comme lui, il a travaillé à l'Institut Pasteur avant de créer un laboratoire à Toronto, puis de développer une vaste ferme afin de disposer d'un cheptel à même de faciliter l'industrialisation des vaccins – l'équivalent de Marcy l'Etoile pour Mérieux. Pendant le premier conflit mondial, l'entreprise de FitzGerald a pris le nom de Connaught Antitoxin Laboratories en l'honneur du gouverneur du Canada, le troisième fils de la reine Victoria, le duc de Connaught. Dès les années 1950, l'Institut Mérieux et Connaught, qui jouent un rôle de premier plan immunologie et en vaccinologie sont amenées à se rapprocher. Dans les années 1960 et 1970, les liens sont renforcés par l'amitié que partagent Robert J. Wilson, directeur adjoint de Connaught, et Charles Mérieux. Les deux laboratoires travaillent ensemble à l'amélioration du vaccin contre la polio, véritable préfiguration d'un rapprochement plus global.

A la fin des années 1980, l'institut Pasteur et l'institut Mérieux constituent le groupe Pasteur Mérieux et, en 1989, il est rejoint par Connaught. Pasteur Mérieux Connaught devient le leader mondial de la production de vaccins, dans le droit fil de l'héritage pastorien selon la communication du groupe. Son PDG, Jean-Jacques Bertrand – et non Jean-François comme l'indique de manière erronée l'incrustation – explicite, dans le reportage, ce que peuvent être les vaccins thérapeutiques.

Après le reportage, Pasteur Mérieux Connaught s'est appelé Aventis Pasteur et, depuis 2004, il se nomme Sanofi Pasteur.

Bibliographie :

- Jean-Claude Daumas (dir.), Dictionnaire historique des patrons français, Paris, Flammarion, 2010.

Voir aussi le site des patrons de France.

Jean-Luc Pinol

Transcription

Présentateur
L’Institut Mérieux a 100 ans aujourd’hui. 5 000 personnes se sont rassemblées à Lyon pour célébrer l’anniversaire de cet institut qui est passé en un siècle du petit laboratoire artisanal lyonnais à un des premiers groupes mondial du vaccin et de la médecine vétérinaire. C’est l’histoire de cette réussite que nous retracent Philippe Lemaire et Patrice Didier.
Journaliste
Demain, le groupe Pasteur Mérieux Connaught fabriquera le vaccin contre le sida. Dans ces laboratoires américains, à Marcy l’Etoile dans la banlieue de Lyon, on multiplie les combinaisons génétiques pour produire non plus les vaccins à partir de cultures de cellules animales mais à partir de génie génétique. Bientôt, on immunisera en même temps l’enfant contre la diphtérie, la polyo, la coqueluche, l’hépatite B ou encore la méningite. Ce sont toutes les voies nouvelles qu’explorent les chercheurs d’un groupe devenu en 100 ans numéro 1 mondial du vaccin.
Jean-François Bertrand
Aujourd’hui, ce que l’on pense aussi c’est développer des vaccins contre des maladies telles que l’ulcère gastrique, telles que les cancers, avec des concepts nouveaux qui du fait des réponses particulières du système immunitaire pourraient permettre de mettre au point des vaccins que l’on qualifie presque aujourd’hui de thérapeutiques.
Journaliste
Il y a comme cela des entreprises industrielles qui ont le succès inscrit dans leurs gènes. En un siècle, l’histoire de l’Institut Mérieux est ponctuée de ces intuitions capables de propulser un groupe au sommet. Elle est étroitement associée aux rêves de ces hommes qui ont fondé la dynastie et qui quelque part ont toujours su modeler la réalité à la dimension de leur rêve. En 1897 donc, il y a d’abord Marcel Mérieux, chimiste de formation, ancien pasteurien. Il fonde l’Institut Bactériologique de Lyon qui deviendra l’Institut Biologique Mérieux, surtout Marcel Mérieux sera le premier à donner une dimension industrielle à la production de vaccins, que ce soit pour protéger les hommes avant de s’orienter vers la médecine vétérinaire. Il y aura ensuite Charles Mérieux, le visionnaire, le poète. Celui qui réussit le mariage contre nature de l’industrie et de l’humanitaire. Son plus beau souvenir d’homme, c’est d’avoir réussi à terrasser en 1975 l’épidémie de méningite qui allait ravager le Brésil.
(Musique)
Charles Mérieux
On a pris en 100 jours le relais de 10 ans de recherches, on a vacciné 100 millions de brésiliens. Le ministre nous a dit et bien vous vaccinez les villages, on a, et c’était un miracle de, jamais en tout temps on fera des choses comme ça. Alors les Américains qui m'observaient du coin de l’œil, ils m’ont dit après: mais c’est fou ce que vous avez fait. Parce que les 4 000 morts du début, en trois semaines, ont coûté plus cher que les 100 millions de vaccinés. Et alors j’ai appris comme ça l’économie de la santé et de l’action humanitaire et alors j’ai dit, ben ce miracle qui ne se rattrapera pas, il faut le rendre définitif et j’ai créé la Bioforce.
Journaliste
En France, on n’en a pas conscience mais au Brésil, le nom de Mérieux est devenu une sorte de mythe. C’est Alain Mérieux qui succédant à son père, sera l’artisan du rapprochement avec Rhône-Poulenc avant que le géant de la chimie ne contrôle la totalité du capital de l’institut. Avec Rhône-Poulenc s’ouvrait la voie royale pour que le groupe devienne numéro un mondial de la médecine vétérinaire avec Rhône Mérieux et du vaccin avec Pasteur Mérieux Connaught mais ce n’est déjà plus tout à fait l’histoire de la dynastie Mérieux.