La pêche dans les étangs de la Dombes
Notice
Chaque année, les étangs de la Dombes sont vidés. Cette tradition, qui remonte à des temps très anciens, implique l'organisation d'une pêche au filet, offrant une pêche miraculeuse.
Éclairage
Dans la Dombes, depuis la fin du Moyen Age, les hommes ont profité des buttes morainiques que séparent des dépressions recouvertes de boues argileuses et imperméables pour créer de très nombreux étangs artificiels entre lesquels est organisée la circulation des eaux par tout un réseau de fossés pour amener l'eau ou, au contraire, l'évacuer. Ces étangs peu profonds ont permis un type d'exploitation original qui alterne les périodes de mise en eau (évolage) avec des revenus liés à la pêche – pendant les périodes de maigre, et en particulier pendant le carême, le poisson des étangs se retrouvait sur les tables des villes – et les périodes de mise à sec (assec) avec des cultures de céréales.
Au moment du reportage, à la fin des années 1980, on compte un millier d'étangs dans la Dombes, leur taille varie de 5 à plus de 100 hectares et ils représentent 10 à 12% du territoire. Ils étaient près du double pendant la première moitié du XIXe siècle quand se sont affrontés partisans et adversaires du dessèchement, les premiers considérant que la mise en eaux favorisait le développement des épidémies et une mortalité élevée, les seconds défendant l'originalité de la Dombes. Pendant l'entre-deux-guerres, de nombreuses parcelles ont été remises en eau car les étangs favorisent aussi le développement de la chasse dans les grandes propriétés en fournissant au gibier d'eau de très bonnes conditions de nidification. La plus grande partie des étangs de la Dombes appartient aux élites lyonnaises.
Le reportage montre bien l'accumulation des poissons dans le bief, la partie la plus profonde de l'étang, juste avant le thou par lequel s'est écoulée l'eau de l'étang. Le camion du poissonnier est stationné sur ce que l'on appelle la « chaussée » et le poisson y est transporté vivant. Quand le poisson est concentré dans le bief, les trieurs prennent place autour de la table (la gruyère) où les poissons vont être triés par espèces et tailles. Le poisson est amené sur la table de tri avec l'arvot (une large épuisette à long manche) puis transporté jusqu'au camion-vivier avec le filochon (épuisette sans manche) une fois qu'il a été trié. Dans le reportage, il s'agit d'un étang de pêche réglée ou étangs marchands. Lorsqu'il s'agit d'un étang d'alevinage, la pêche est reversée dans un étang réglé où le poisson va engraisser. La production est en moyenne de 240 kg de poissons à l'hectare toutes espèces confondues (la carpe occupant, de loin, la première place). L'Allemagne est le premier consommateur des poissons de la Dombes mais on en trouve aussi, naturellement, sur les tables lyonnaises.
La loi sur la pêche de 1984 est évoquée à la fin du reportage employant pour décrire la loi un terme qui provoqua les passions lors du premier septennat de François Mitterrand : « nationalisation ». Les propriétaires sont soucieux de préserver la tradition en obtenant des exceptions au droit commun pour les eaux closes. Le député de la circonscription, Noël Ravassard intervient de manière très précise lors de la discussion de la loi : « En Dombes, la pisciculture en étang est une activité agricole, et ce depuis le XIIIe siècle où l'étang apparaît déjà comme un mode avantageux et original d'exploiter, comme une culture spécifique pour terre pauvre . La période d'évolage enrichit le sol, améliorant ainsi la productivité de l' « assec » céréalier traditionnel . . . et inversement, écrivait-on dès 1900 . Eh bien ! en 1983, rien n'est changé : l'étang entre dans la rotation normale des cultures et ce cycle tournant est une règle d'exploitation. Il s'agit d'une situation irréversible. Même si l'étang est aussi un lieu de chasse, donc de loisirs, il est resté, plus que jamais, le support de l'activité agricole. La réalité est que la production de poissons d'eau douce a droit de cité au même titre que les autres productions animales.
D'ailleurs, l'étang est presque un mal nécessaire... Le texte envisagé... n'est pas très clair pour ce qui concerne la définition des eaux closes.... On pourrait même croire qu'il inclut les étangs dans l'application de la loi. Si tel était le cas, cela serait contraire à certaines réalités géographiques et sociales... il existe déjà quelques problèmes dans ma région avec les pêcheurs de grenouilles, parce qu'il y a aussi des grenouilles dans Ies étangs des Dombes . S'il fallait y ajouter des problèmes pour la pêche à la carpe, la situation serait bien pire. »