La Biennale du design de Saint-Étienne
Notice
Pour la première Biennale internationale du design de Saint-Étienne, des centaines d'artistes internationaux se sont rassemblés pendant une semaine. Des objets du quotidien, revisités par des créateurs à l'imagination foisonnante, animent le lieu.
Éclairage
En novembre 1998, Jacques Bonnaval, directeur de l'école des Beaux-Arts de Saint-Étienne, lance la Biennale internationale Design. Une manifestation regroupant designers, écoles, agences et entreprises du monde entier dont l'objectif est de sensibiliser les chefs d'entreprises à la diversité des enjeux du design, « devenu pour le monde industriel l'atout fondamental du marketing et de la compétitivité des entreprises ». Mais aussi de montrer, comme le dit joliment Jacques Bonnaval dans le JT de France 3 du 7 novembre 1998, que le design peut servir les besoins des hommes et des femmes, non pas pour qu'ils consomment plus, mais pour qu'ils consomment mieux, « en fonction d'une histoire et de rêves aussi ».
Le pari est audacieux. Pour le grand public, le design est bien souvent synonyme d'objets aux formes excentriques sans grande utilité. On oublie qu'un designer doit développer une démarche d'analyse et de création qui intègre les données techniques, commerciales et culturelles de l'entreprise pour laquelle il travaille. Il doit créer la forme la plus adaptée à son usage, à sa fabrication, aux savoir-faire spécifiques de l'entreprise concernée et, bien sûr, aux besoins des futurs utilisateurs.
Berceau de la première industrialisation, Saint-Étienne a fondé son essor et sa réputation en grande partie sur la conception et le développement d'objets manufacturés dans les secteurs-clés de son économie : arme, cycle, passementerie (rubanerie). L'école des Beaux-arts a d'ailleurs été fondée dans ce but en 1857 : répondre aux desiderata des industriels qui souhaitaient renouveler en permanence la décoration de leurs produits. Le design est donc inscrit en filigrane dans l'histoire industrielle de Saint-Étienne. Mais depuis la fin des années 1970 et la crise de l'industrie, la ville a dû travailler à sa reconversion, changer son image de « ville noire », minière et industrielle.
Pour la biennale, il était donc important de renouer avec les racines de la ville, de s'inscrire dans cette longue tradition liant art et industrie, mais aussi de s'ouvrir aux créateurs du monde entier, de favoriser les échanges entre designers des pays riches et des pays en voie d'industrialisation, de montrer que le design est le garant de la diversité culturelle. Ainsi la biennale accueille-t-elle en cette première édition plusieurs centaines d'artistes nationaux et internationaux, quelque 3 500 produits et de nombreuses manifestations (expositions, colloques, séminaires, défilés de mode, événements artistiques) organisées en plusieurs lieux de la ville.
En 2005, Saint-Étienne et son agglomération créeront la Cité du design, une institution vouée à démocratiser le design auprès de tous les publics, d'en développer les usages et les bénéfices et, plus globalement, de contribuer à dessiner le visage du Saint-Étienne de demain. L'année suivante, l'école des Beaux-Arts devient l'École supérieure d'art et design de Saint-Étienne (ESADSE). La Cité du Design est désormais chargée d'organiser la biennale. En 2008, pour le dixième anniversaire, 65 000 visiteurs se presseront confirmant que la biennale est désormais l'un des rendez-vous incontournables des amateurs de design.
En 2009, la Cité du design s'est dotée d'une nouvelle vitrine en investissant le site de l'ancienne Manufacture d'armes de Saint-Étienne (la MAS dite « la manu »). Finn Geipel et Giulia Andi de l'agence berlinoise LIN ont été chargés de réhabiliter trois bâtiments classés aux Monuments historiques et d'en construire deux nouveaux, à l'architecture contemporaine très audacieuse : la Platine (long édifice modulable couvert d'une résille d'acier et de milliers de panneaux triangulaires servant au contrôle de la lumière, de l'isolation ou de la ventilation), et la tour observatoire (qui offre un panorama à 360°).
Saint-Étienne semble donc avoir réussi son pari : pour preuve, la ville a rejoint fin 2010 le très sélect réseau des villes de design de l'Unesco, aux côtés de Berlin, Buenos Aires, Graz, Kobe, Montréal, Nagoya, Shenzhen, Shanghai ou encore Séoul.