Le défilé de la Biennale de la danse
Notice
A Lyon se déroule le 4ème défilé de la Biennale de la danse, expression de la mixité sociale et culturelle. Cet après midi 4500 danseurs étaient mobilisés le long des quais du Rhône sur le thème de "Terra Latina".
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Éclairage
Son premier souvenir de danse remonte à ses 4 ans, quand, de retour d'une représentation du Grand Ballet du marquis de Cuevas avec Rosella Hightower, il dit à sa mère : « Je veux être danseur ». L'enthousiasme familial n'est pas au rendez-vous. À défaut de devenir danseur, le Lyonnais Guy Darmet écrit d'abord sur la danse, puis, en 1980, prend la direction de la Maison de la danse, dont il a porté le projet. L'époque est alors propice : création du festival de Montpellier, des compagnies de Claude Gallotta, de Régine Chopinot, arrivée de Jack Lang au ministère de la Culture (1981)... En 1984, il met sur pied une Biennale, devenue depuis le plus important festival d'art chorégraphique du monde, qui met à l'honneur toutes les genres, pour tous les publics, avec la volonté de débarrasser la danse contemporaine de son image élitiste. En septembre 1996, en s'inspirant du célèbre Carnaval de Rio, Darmet fait défiler dans les rues de Lyon danseurs amateurs et professionnels, convaincu que la danse, « art de la rencontre », est « un véhicule social magnifique ». Car le défilé se prépare toute l'année, dans toute l'agglomération lyonnaise : des milliers d'individus, de tous âges et conditions, se retrouvent au sein de centaines d'associations, MJC, compagnies, centres sociaux ; ils cousent les costumes, fabriquent les chars et autres dispositifs scéniques, apprennent à danser, coachés par des chorégraphes locaux ou invités, discutent. Chacun apporte sa pierre au spectacle. Pour les organisateurs, pour les politiques, le défilé est un projet humain et solidaire faisant la part belle aux rencontres et aux échanges entre citoyens, générations, cultures, un projet festif réunissant la population, un « rituel d'agglomération », et, bien sûr, un projet artistique. Ainsi le présente aussi le journal télévisé Rhône-Alpes de France 3 en ce 15 septembre 2002, insistant sur le mélange des populations – quelque 4 500 danseurs de 25 groupes de la région et de formations sud-américaines – réunies pour le plaisir de danser ensemble.
Des sociologues lyonnais se sont interrogés lors d'une enquête quantitative, basée sur une « observation participante », sur des questionnaires (auprès de 1 600 danseurs) et des entretiens réalisés lors du défilé de 2002, sur la réalité de cette mixité sociale, culturelle et générationnelle : ils relèvent ainsi que 18,4 % des danseurs ont entre 15 et 19 ans (une tranche d'âge qui représente 7 % de la population lyonnaise), 2,5 % ont plus de 60 ans (contre 22,5 %), que l'on compte 84,5 % de femmes parmi les participant-e-s et que les classes favorisées, qui consomment davantage en matière culturelle, sont sur-représentées. Une image qui semble donc, selon eux, un peu éloignée des déclarations d'intention (un lieu de démocratisation de la danse) et des discours politiques (un événement visant à créer du lien social).
Ceci n'ôte pourtant rien à la festivité et au succès de l'événement qui a réuni le long du Rhône ce jour-là plus de 300 000 spectateurs. Un succès jamais démenti depuis et qui participe également à la modification de l'image de la ville de Lyon, jadis jugée froide, réservée et repliée sur elle-même.
Bibliographie :
- C. Détrez, P. Mercklé, M. Veyret, D. Vuattoux, « “C'est notre défilé...” Le Défilé de la Biennale de la Danse de Lyon entre discours et réalités », dans N. Hossard, M. Jarvin (dir.), « C'est ma ville ! » De l'appropriation et du détournement de l'espace public, Paris, L'Harmattan, 2005.
(consultable en ligne sur le site de l'ENS Lyon, dossier recherche Pierre Mercklé)