La Russie s'invite à Courchevel
Notice
Une nouvelle clientèle arrive dans les stations de sports d'hiver françaises et de Courchevel en particulier. Dans la lignée des oligarques qui viennent depuis quinze ans, de très nombreux russes aisés viennent passer leurs vacances à Courchevel.
Éclairage
En janvier 2008, France 2 diffuse sous le titre de « Courchevel Skaïa » un reportage sur la manière dont la station de Courchevel s'organise pour attirer et retenir une nouvelle clientèle de Russes aisés et dépensiers en vacances d'hiver. Présenté par Laurent Delahousse dans le cadre du magazine d'actualité « 13h 15 le samedi », il souhaite rendre compte d'une stratégie promotionnelle qui, si elle s'avère payante à court terme, présente quelques risques à plus long terme.
Les images de Jean-François Monier s'enchaînent à un rythme effréné et sur une musique rapide et entraînante, multipliant de brèves séquences sur des touristes dont les vêtements fourrés, les sacs et autres ustensiles de mode ou l'habitude manifeste des températures froides, signalent l'origine géographique et sociale. Quelques questions lancées en bas des pistes par le journaliste Julien Beaumont le confirment : la station est envahie par des Russes venus célébrer le Nouvel an orthodoxe le 6 janvier, comme 16 000 de leurs compatriotes actuellement en France. La présence de skieurs français en devient presque incongrue ; l'un d'eux s'en amuse même en répondant, avec un accent anglais forcé, qu'il vient de Paris.
L'office du tourisme de Courchevel multiplie les efforts pour fidéliser cette nouvelle population de vacanciers. Le reportage en illustre quelques conséquences par les images de spectacles sur glace ou encore de descente aux flambeaux, pendant lesquels les commentaires de l'animatrice sont donnés en russe, sous le regard surpris et quelque peu désabusé d'un spectateur qui, manifestement, ne vient pas de Moscou. Bien qu'un responsable de la station se défende de tout favoritisme, le reportage est à charge, qui fixe les indices d'une politique locale ciblée, initiée dès le début des années 1990 à un moment où les stations françaises connaissaient une suite de saisons rendues difficiles par la concurrence, la crise économique et les aléas de la météo. En quelques années, Courchevel devient alors un lieu de villégiature privilégié pour Moscovites, qu'il s'agisse d'abord d'hommes d'affaires puis, bientôt, des membres des classes sociales supérieures qui rejoignent la station savoyarde en couple, en famille ou en groupe. Ils y ont leurs habitudes et ne regardent pas à la dépense, comme le confirment les scènes de boites de nuit, d'achats extravagants, de tables luxueuses et de pourboires ahurissants. Incapable d'estimer le montant de ses dépenses prévisionnelles pour son séjour, la réponse de l'un d'eux à Julien Beaumont ne nécessite d'ailleurs aucun commentaire du journaliste.
Le succès est tel qu'il positionne Courchevel comme un lieu élitiste, auquel les Français peuvent de moins en moins avoir accès face au pouvoir d'achat des nouvelles fortunes des pays émergents. L'immobilier y est devenu l'un des plus chers du pays. Le constat est paradoxal alors que la station, créée en 1946 par Pierre Cot (apparenté PCF) et Pierre de La Gontrie (radical-socialiste), est restée pendant plusieurs décennies l'une des rares à avoir une vocation sociale. Le reportage n'évoque pas cette histoire, mais il conclut plutôt sur le risque économique que fait encourir une politique ou toute diversification de la clientèle est absente. Dans l'immédiat, bien qu'encore en nombre inférieur aux Britanniques, les Russes, mais aussi les Brésiliens, les Indiens et, un peu plus difficilement, les Chinois, ont fait de Courchevel l'une des stations les plus prestigieuses du monde.