La Russie s'invite à Courchevel

12 janvier 2008
08m 42s
Réf. 00347

Notice

Résumé :

Une nouvelle clientèle arrive dans les stations de sports d'hiver françaises et de Courchevel en particulier. Dans la lignée des oligarques qui viennent depuis quinze ans, de très nombreux russes aisés viennent passer leurs vacances à Courchevel.

Type de média :
Date de diffusion :
12 janvier 2008
Source :

Éclairage

En janvier 2008, France 2 diffuse sous le titre de « Courchevel Skaïa » un reportage sur la manière dont la station de Courchevel s'organise pour attirer et retenir une nouvelle clientèle de Russes aisés et dépensiers en vacances d'hiver. Présenté par Laurent Delahousse dans le cadre du magazine d'actualité « 13h 15 le samedi », il souhaite rendre compte d'une stratégie promotionnelle qui, si elle s'avère payante à court terme, présente quelques risques à plus long terme.

Les images de Jean-François Monier s'enchaînent à un rythme effréné et sur une musique rapide et entraînante, multipliant de brèves séquences sur des touristes dont les vêtements fourrés, les sacs et autres ustensiles de mode ou l'habitude manifeste des températures froides, signalent l'origine géographique et sociale. Quelques questions lancées en bas des pistes par le journaliste Julien Beaumont le confirment : la station est envahie par des Russes venus célébrer le Nouvel an orthodoxe le 6 janvier, comme 16 000 de leurs compatriotes actuellement en France. La présence de skieurs français en devient presque incongrue ; l'un d'eux s'en amuse même en répondant, avec un accent anglais forcé, qu'il vient de Paris.

L'office du tourisme de Courchevel multiplie les efforts pour fidéliser cette nouvelle population de vacanciers. Le reportage en illustre quelques conséquences par les images de spectacles sur glace ou encore de descente aux flambeaux, pendant lesquels les commentaires de l'animatrice sont donnés en russe, sous le regard surpris et quelque peu désabusé d'un spectateur qui, manifestement, ne vient pas de Moscou. Bien qu'un responsable de la station se défende de tout favoritisme, le reportage est à charge, qui fixe les indices d'une politique locale ciblée, initiée dès le début des années 1990 à un moment où les stations françaises connaissaient une suite de saisons rendues difficiles par la concurrence, la crise économique et les aléas de la météo. En quelques années, Courchevel devient alors un lieu de villégiature privilégié pour Moscovites, qu'il s'agisse d'abord d'hommes d'affaires puis, bientôt, des membres des classes sociales supérieures qui rejoignent la station savoyarde en couple, en famille ou en groupe. Ils y ont leurs habitudes et ne regardent pas à la dépense, comme le confirment les scènes de boites de nuit, d'achats extravagants, de tables luxueuses et de pourboires ahurissants. Incapable d'estimer le montant de ses dépenses prévisionnelles pour son séjour, la réponse de l'un d'eux à Julien Beaumont ne nécessite d'ailleurs aucun commentaire du journaliste.

Le succès est tel qu'il positionne Courchevel comme un lieu élitiste, auquel les Français peuvent de moins en moins avoir accès face au pouvoir d'achat des nouvelles fortunes des pays émergents. L'immobilier y est devenu l'un des plus chers du pays. Le constat est paradoxal alors que la station, créée en 1946 par Pierre Cot (apparenté PCF) et Pierre de La Gontrie (radical-socialiste), est restée pendant plusieurs décennies l'une des rares à avoir une vocation sociale. Le reportage n'évoque pas cette histoire, mais il conclut plutôt sur le risque économique que fait encourir une politique ou toute diversification de la clientèle est absente. Dans l'immédiat, bien qu'encore en nombre inférieur aux Britanniques, les Russes, mais aussi les Brésiliens, les Indiens et, un peu plus difficilement, les Chinois, ont fait de Courchevel l'une des stations les plus prestigieuses du monde.

Thierry Terret

Transcription

Présentateur
Demain, ils seront encore des milliers de russes à célébrer le nouvel an orthodoxe en France et une grande partie d’entre eux sera à la montagne. L’or blanc des stations de sport d’hiver porte bien son nom depuis l’arrivée de cette nouvelle clientèle. Les oligarques avaient lancé la tendance il y a 15 ans, et bien voici maintenant les classes supérieures, qui sont vous allez le voir une nouvelle cible pour les stations, 13 heures 24, reportage Julien Beaumont, Jean-François Monier, et Gaëlle Liaboeuf.
(Musique)
Journaliste
Les montagnes russes. Voilà à quoi ressemblent les Alpes Françaises en ce moment. Ils viennent de Moscou, de Saint Petersbourg, et difficile de les rater sur les pistes ou dans les rues.
(Musique)
Journaliste
Petit sondage en bas du télésiège
Inconnus
[Inaudible]
Journaliste
Ils ont 15 jours de vacances et actuellement, ils seraient plus de 16000 en France.
(Musique)
Inconnus
[Inaudible]
Journaliste
Incroyable, vous ne vous sentez pas un peu perdue au milieu de tous les Russes ?
Inconnue 1
Un petit peu mais c’est bien, on apprend la langue. Ben ils ont raison hein, nous on va reprendre le boulot alors. Ils en profitent.
Journaliste
Des russes réputés pour leur fort pouvoir d’achat. Du coup, les stations les soignent. Exemple à Courchevel, 20 minutes de feux d’artifice et même speakerine russe pour l’occasion.
(Musique)
Inconnue 2
[Inaudible]
Journaliste
700 moniteurs sur les pistes pour la traditionnelle descente aux flambeaux, nous sommes le 6 janvier, jour de Noël pour les orthodoxes.
Inconnu 1
Vous descendez, vous évacuez la…
Journaliste
Mais ici, le sujet est tabou, officiellement pas de favoritisme.
Inconnu 1
Y a pas que les russes, il y a tout le monde, et on est ravi d’accueillir tout le monde. Aujourd’hui c’est les russes, bientôt ça sera les français, et après c’est les brésiliens. Et les arabes aussi, nos amis arabes. Voilà. C’est tout le monde hein.
Journaliste 2
Gros moyens là.
Journaliste
Pas de réponse. Et pourtant les russes représentent en ce moment 90% de la clientèle, une clientèle plutôt exigeante. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Inconnu 2
C’est pas mal.
Journaliste
Ah bon, pourquoi ?
Inconnu 2
C’était mieux l’an dernier.
Journaliste
Si les russes reviennent tous les ans, c’est en partie grâce à cet homme. René Montgrandi. Ancien directeur de l’office du tourisme. Depuis son passage, la station est surnommée Courchevelskaïa. Au début des années 90, il est le premier à être allé à Moscou pour démarcher de nouveaux clients, et pas n’importe lesquels.
René Montgrandi
La porte d’entrée, c’est, c’est le riche oligarque qui va rassurer ses compatriotes et qui va surtout les, leur donner les bonnes directions dans un monde qui a quand même vécu plus de 80 années un peu en marge de tout pendant le communisme.
Journaliste
Résultat sur le bas des pistes, c’est toute la haute société moscovite qui se retrouve.
(Bruit)
Inconnu 3
C’est pas des stars que je croise ici mais mes amis. Pareil pour mon fils et ma fille qui retrouvent ici leurs copains d’école.
(Bruit)
Journaliste
Une clientèle dont les hauts revenus sont très recherchés. Pour la première fois, un bateau à moteur de luxe est exposé sur la neige.
(Musique)
Journaliste
Soirées privées. Fils de millionnaires, stars du Show Biz, présentateurs vedettes, exactement la population recherchée par le constructeur.
Intervenant
Il y a un client russe qui euh, est en train de signer le bateau.
Journaliste
Ça valait le coup de venir alors.
Intervenant
Ça, ça, à l’origine on est, on est venu pour faire la promotion et du marketing mais c’est vrai que, on s’attend à tout.
Journaliste
S’attendre à tout comme un bateau à 650000 euros vendu en quelques jours, Joyeux Noël. Des images très diffusées en Russie, résultat Courchevel est devenu une destination très prisée mais ce n’est pas la seule.
(Bruit)
Journaliste
Samedi après-midi, jour des autocars à Arc 1950. Depuis peu, 2 vols directs par semaine relient Lyon à Moscou. 500 euros le billet, les cadres supérieurs en profitent. En tout 1500 russes sont arrivés.
Inconnue 3
[Inaudible]
Journaliste
Alors la station a dû s’adapter. Valérie est une monitrice de ski polyglotte, elle a récemment suivi des cours de russe.
Inconnue 3
[Inaudible]
Journaliste
C’est vital de parler russe ?
Inconnue 3
Un petit peu là en ce moment. Surtout au mois de janvier quand c’est le, la reprise 8, 9.
Journaliste
Ils sont nombreux ce matin au cours ?
Inconnue 3
A près de la moitié. Ça commence à faire.
(Musique)
Journaliste
Lui, c’est Jean-Marc Silva. Un directeur de station aux petits soins face à des russes un peu déboussolés.
Jean-Marc Silva
[Inaudible]
Journaliste
Tant d’attentions pour une raison, cette clientèle ne pouvait pas mieux tomber pour les stations.
Jean-Marc Silva
[Inaudible] C’est une clientèle très importante, d’autant plus qu’ils sont en vacances sur les deux premières semaines de janvier qui est d’habitude le creux sur la, les vacances européennes.
Journaliste
Ils sont banquiers, hommes d’affaires, consultants, ingénieurs. Ils reflètent les 6% de croissance russe chaque année, notamment grâce au pétrole et au gaz.
(Bruit)
Inconnu 4
Les prix du pétrole sont hauts alors on comprend qu’en Russie en cette situation on n’a pas de problème.
Journaliste
Ça vous coûte combien d’être ici vous ?
Inconnu 4
Le logement ici nous coûte 900 euros. Une semaine.
Journaliste
Et le reste, vous avez prévu de dépenser combien ?
Inconnu 4
Nous n’y avons pas pensé.
(Musique)
Journaliste
Eux non plus n’ont pas fait de calcul. Le budget de ces 4 amis pour une semaine, plus de 15000 euros.
(Musique)
Inconnu 5
Vous savez, l’économie russe est en pleine croissance, alors de plus en plus de russes deviennent riches.
Inconnue 5
Chaque année cela devient plus difficile de réserver pour cette période car nous sommes de plus en plus nombreux à partir à l’étranger.
(Musique)
Journaliste
Les commerçants eux en redemandent. Cette table de 8 est déjà venue 3 fois. Leur but, tester toute la carte et ici, pas question de toucher à la raclette.
Inconnu 6
Côtelette d’agneau rôtie, consommé aux épices de l’Atlas et sa quinoa à la menthe, pour Monsieur,
Inconnu 7
C’est un peu de la cuisine haute couture. Nous on adore. En plus c’est aussi beau à voir qu’à manger.
Journaliste
Vous voulez dire que c’est pour ça que vous êtes venus ici ?
Inconnu 7
C’est aussi pour cela. Mais la raison principale reste bien sûr le ski et les montagnes.
Journaliste
Même constat pour le vin, ils essaient tout. Jusqu’aux bouteilles à 300 euros. L’addition s’en ressent mais pas de problème, les clients sortent alors l’artillerie lourde.
Inconnu 8
C’est monnaie courante qu’ils nous paient avec des billets de 500 euros. Donc, oui c’est vrai que, on n’est pas tout à fait habitués donc il faut anticiper en ayant des fonds se caisse assez importants.
Journaliste
Les serveurs eux, se trouvent des talents cachés.
Inconnu 9
[Inaudible]
Journaliste
D’ailleurs ici, personne ne veut prendre de repos quand les moscovites sont là.
Inconnu 9
[Inaudible]
Journaliste
Pas étonnant vu les pourboires pratiqués.
Inconnu 9
Ben écoutez, 30 euros, en général les russes sont assez généreux pour ça quoi, donc 30 euros c’est grosso modo la moyenne. C’est 30 à 100 euros par table.
Journaliste
Un filon russe et quelques inquiétudes.
(Musique)
Journaliste
Avec cette clientèle, les prix montent en station. Le risque, c’est qu’un jour ces belles images ne soient réservées qu’à un public très fortuné.
(Musique)