La nouvelle station d'Avoriaz

28 janvier 1966
04m 22s
Réf. 00362

Notice

Résumé :

Le reportage est consacré à la station de sports d'hiver dont Jean Vuarnet est l'initiateur : Avoriaz. Cette station est unique, les voitures y sont interdites, et tout a été conçu pour la pratique du ski. L'architecture a été voulue moderne mais adaptée au site.

Date de diffusion :
28 janvier 1966
Source :
Personnalité(s) :

Éclairage

Jean Vuarnet, le champion olympique de descente de Squaw Valley en 1960, bénéficie d'un long monologue dans un reportage de Rhône-Alpes actualités, le 28 janvier 1966. Le skieur, né à Tunis en 1933 mais qui a grandi à Morzine, rentabilise en effet son image sportive depuis quelques années sous la forme de diverses initiatives, dont le lancement d'une marque de lunettes qui conquiert rapidement une réputation mondiale et la construction d'une nouvelle station de sports d'hiver à Avoriaz, un modeste alpage que le champion transforme alors radicalement.

Le film, en noir et blanc, s'ouvre sur des rennes broutant dans la neige, avant de s'attarder sur les premiers immeubles construits dans la station. Ces deux séquences pleines de contrastes opposant la nature et l'urbain trouvent leur dénouement avec l'arrivée de Jean Vuarnet, chaussé de ses célèbres lunettes et assis dans un traîneau justement tiré par des rennes. Le message sous-tendu est bientôt explicité par le champion devenu homme d'affaires : l'attelage inédit rappelle en effet que la station repose sur la recherche de dépaysement et l'absence de voitures. Ce dernier principe est alors développé de manière très pédagogique par des commentaires portés sur des dessins où l'on distingue clairement la gestion différenciée des flux de personnes selon leur mode de déplacement, en voiture, à pied ou à ski.

Le long plaidoyer du promoteur d'Avoriaz précise aussi que la priorité a été donnée au ski dans la conception même de la station. Le reportage alterne d'ailleurs les séquences sur les immeubles et les pentes enneigées sans véritable rupture, confirmant ainsi par l'image la continuité et la simplicité d'une circulation des touristes depuis leurs appartements jusqu'aux pistes. La caméra, profitant du téléphérique dont Jean Vuarnet se félicite qu'il soit « le plus rapide du monde », propose quelques vues aériennes qui parachèvent la démonstration d'une proximité entre espace sportif et espace d'habitation et indique, par les premières files d'attente, le succès du concept.

Les caractéristiques d'Avoriaz sont en fait très représentatives des stations dites de troisième génération, qui fleurissent dans les Alpes françaises dans les années 1960 et 1970 et relèvent de la « doctrine neige », ou doctrine Michaud du nom de son fondateur, l'ingénieur général des Ponts-et-Chaussées Maurice Michaud. Ses grandes orientations n'ont jamais fait l'objet d'un texte officiel mais plutôt d'un ensemble de documents et de rapports, qui partent d'une définition type de la clientèle supposée (riche, sportive, urbaine) et d'une minutieuse délimitation des éléments à gérer pour créer une station ex nihilo sur un site auparavant vierge. La construction entière de ces stations est laissée à la responsabilité d'un seul promoteur, Jean Vuarnet dans le cas d'Avoriaz, qui a toute liberté pour y imprimer son empreinte avec l'aide des grands organismes financiers et l'appui des pouvoirs publics. La pente, l'exposition, le climat, l'altitude plus élevée que dans les stations traditionnelles, l'accessibilité, le choix exclusif du ski alpin, la priorité donnée aux résidences secondaires, etc. sont ainsi pensés pour déterminer le lieu d'implantation de la station dans sa version sportive et spécifique. L'architecture des bâtiments, la séparation des réseaux de circulation (voitures, piétons, skieurs), la convergence des pistes vers la « grenouillère » au pied des immeubles ou l'isolement soigneusement orchestré de la station selon le principe du cul-de-sac sont prévus pour des populations habituées aux facilités de la ville, mais avides de soleil et de nature. Dans ces conditions, les sports d'hiver ne touchent alors en France qu'une clientèle à hauts revenus, constituée de cadres et de professions libérales, presque exclusivement urbaine et largement française bien qu'Américains, Japonais, Suisses et Allemands constituent des cibles explicites. Les premiers indices de saturation apparaîtront cependant dès le début des années 1970, provoquant ultérieurement l'émergence de nouveaux types de stations.

Thierry Terret

Transcription

Journaliste
Nous vous convions maintenant à nous suivre dans une station de sports d'hiver pas comme les autres. Cette station, c’est Avoriaz, la station de Jean Vuarnet. Jean Vuarnet était l’un des promoteurs de cette station qui, sur le côté architectural, a été bâtie par l’atelier d’architecture d’Avoriaz, composé de Jacques Labro, Jean-Jacques Orzoni et Jean Marc Roques. Mais, passons en revue les diverses raisons qui font que cette station n’est pas du tout comme les autres.
(Bruit)
Journaliste
Jean Vuarnet ! Jean Vuarnet, vous venez de faire le tour de la station d’Avoriaz avec un moyen de transport peu commun. Pourquoi ?
Jean Vuarnet
Et bien, si vous voulez, c’est l’illustration, au final, d’un de nos 3 grands principes qui régit l’implantation d’Avoriaz, à savoir, la station sans voiture. Pour bien frapper les imaginations, nous avons fait venir des rennes de Laponie, de Finlande, avec des traîneaux, très typiques, que vous avez vus à l’instant. Vous savez que les 2 autres principes sont, d’une part, l’adaptation absolue et totale du fonctionnement de notre station au ski. C’est-à-dire que l’implantation des champs de ski, des pistes, ont présidé à l’implantation du plan-masse par les architectes. Et enfin, troisième point, le dépaysement. Dépaysement que nous recherchons, non pas en cherchant à faire des chalets souvenirs ou des chalets type suisse, mais, une architecture moderne, parfaitement adaptée au site. Et, néanmoins, si vous voulez, qui ne ressemble en aucune façon à, ce qu’on appelle communément, les valises. C’est-à-dire, ces espèces d’immeubles classiques qu’on trouve parfaitement dans les villes et qui ne dépaysent pas les touristes de nos stations.
Journaliste
Si vous deviez donner un slogan court à votre station, lequel serait-il ?
Jean Vuarnet
Là, je crois que ce serait quand même, avec nos rennes, «Avoriaz, Station sans voiture !»
Journaliste
Je crois que dans votre station, vous avez voulu différencier les deux types de circulation. Expliquez nous ce plan.
Jean Vuarnet
Vous voyez clairement que les skieurs passent au dessus des circulations, celles que l’on voit. Il y a à gauche les circulations lourdes, qui servent au service public, et les circulations légères qui sont des promenades ou des navettes intérieures à la station. Au Nord, vous voyez un bonhomme qui arrive avec ses skis. Et au Sud, vous en voyez un autre qui part avec ses skis. Autrement dit, ce schéma illustre bien la façon dont les gens vivront dans la station, c’est-à-dire qu’ils se déplaceront uniquement à ski. Et bien, après avoir vu les maquettes de tous nos projets, nous voici maintenant sur le terrain et vous pouvez voir les premières réalisations. Ces réalisations sont d’un caractère extrêmement moderne, très original aussi, je crois, conçue par une bande de jeunes architectes qui ont désiré chercher aussi bien à s’adapter au site par le caractère de l’architecture, de même qu’ils l’avaient fait pour le plan-masse. Les bâtiments que vous pouvez voir ici, bien que n’étant pas encore complètement terminés, seront complètement transformés lorsqu’ils seront couvert entièrement en bois, il s’agit de toit en bois, cèdre rouge, comme nous appelons ici ces éléments, les tavaillons, les ancelles, comme vous voudrez. Et bien, voici, maintenant, nous sommes, à peu près, avec la vue qu’auront tous les habitants des immeubles qui donnent tous sur les pistes en plein Sud. Dès maintenant, les touristes de Morzine peuvent venir skier à Avoriaz avec de nombreuses pistes et des installations assez extraordinaire, notamment notre énorme téléphérique qui débite plus de 1000 personnes à l’heure et qui est le plus rapide du monde avec ses 12 mètres 25/ seconde. Nous avons également un télésiège qui fonctionne, un grand téléski, un plus petit pour les débutants et nous sommes un peu pris de court. Nous sommes en train de terminer un télésiège et un téléski qui présenteront sur plateau d’Avoriaz les champs de ski pour tous débutants. Voilà ! Je pense que dès l’année prochaine, nous serons avec quelques centaines de lits, fort bien équipés, au point de vue remontées mécaniques, avec ce programme entièrement réalisé.