Les congés payés en 1936
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À la maison de retraite Montpelliéret, à Montpellier, quatre résidentes évoquent leurs souvenirs de l’été 1936. Le gouvernement du Front populaire vient de voter une loi qui accorde 15 jours de congés payés à tous les travailleurs. C’est le temps des premières vacances à la mer, des premiers campings « organisés »… une période heureuse et insouciante.
Date de publication du document :
21 déc. 2022
Date de diffusion :
29 juin 2006
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Contexte historique
ParProfesseur émérite de géographie
20 Juin 1936, le gouvernement de Léon Blum (Front populaire) promulgue une loi rédigée en urgence, votée le 11 juin, accordant 15 jours de « congés payés » dont 12 jours ouvrables pour tous les travailleurs ayant été sous contrat pendant un an. Une véritable petite révolution culturelle qui annonce un bel été, la loi renvoyant à une Victoire sur la misère
comme le titre Le journal Le Peuple le 10 juin. Être en vacances c’est alors s’offrir la possibilité de partir, de quitter l’usine et le travail contraint. Une formule à double sens qualifie cette situation nouvelle : être payé à ne rien faire. Version initiée par les opposants à la loi, mais valorisée par les travailleurs qui vont goûter au temps libre, aux vacances d’été souvent en bord de mer : L’usine est fermée pour cause de vacances. Un bonheur tout nouveau que l’on chante dans les manifestations, les paroles de l’Internationale prenant le relai dans les rues de Paris et des grandes villes de province.
Les « congés payés » sont, à cette date, une réalité dans des pays voisins, en Angleterre (le modèle anglais sera exporté au Canada et aux États-Unis), en Allemagne, Espagne, Portugal, en Europe centrale, en Grèce mais sans une généralisation à tous les travailleurs. En France, un décret de Napoléon III définit en 1853 la notion de « congés payés », seulement au bénéfice des fonctionnaires. Au début du XXème siècle des entreprises octroient des congés payés à leurs salariés, ouvrant la porte aux revendications ouvrières stigmatisées par la victoire du Front populaire. Les grèves joyeuses avec occupation d’usine vont déboucher sur les accords de Matignon signés le 8 juin 1936 entre le patronat, la CGT et l’État. Quelque 600 000 travailleurs profitent dès l’été 1936, d’inoubliables vacances
comme il est dit alors. Ils seront plus de 2 millions en 1937 et à la sortie de la guerre, dès le début des années cinquante, près de 5 millions de Français vont goûter aux plaisirs des bords de mer. Le tourisme balnéaire longtemps réservé aux couches sociales de la bourgeoisie urbaine et limité à des stations aristocratiques sur la côte normande (Deauville, Cabourg.) ou aquitaine n’est-il pas finalement né en 1936 jusqu’à se généraliser sous l’étiquette « tourisme de masse » ?
Les images de la conquête de la plage sont éloquentes [1]. On part en train, en vélo, bientôt en auto pour rejoindre la côte, surtout celle de la Méditerranée, où le soleil paraît garanti, le bonheur assuré. Pour beaucoup de vacanciers, cette parenthèse enchantée est un temps de découverte du sable, des bains de mer, de la liberté… — on peut manger sur le sable ! — et des petits ports de pêche du littoral héraultais, audois ou gardois voisin. Palavas trouve grâce auprès des Français du nord jusqu’à s’affirmer plage des « congés payés ». Valras-Plage, détaché de Sérignan depuis 1931, bénéficie de l’arrivée des vacanciers pour se construire. Le Grau-du-Roi trouve place au cœur des arrivants qui s’ajoutent aux Nîmois et Alésiens. Les figures alors dominantes du port de pêche, en mer et en étang, s’effritent. Le casino, les rares hôtels et les chalets de la bourgeoisie urbaine sur les consolidations littorales, loin des cabanes des couches populaires locales, affichent leur présence. Le désir de rivage souligné par Alain Corbin devient un horizon de découverte dont les « congés payés » seront le ferment. Il signe la conquête populaire du littoral entre la pointe de l’Espiguette rhodanienne et le grau de Vendres débouché de l’Aude. En une dizaine d’années, après-guerre, le tourisme va progressivement construire un littoral désiré, loin de ses images traditionnelles, porteur de valeurs nouvelles que les paroles des Mamies évoquent à demi-mot dans cette vidéo tant le changement, venu d’ailleurs, est chargé de nouveautés qui interrogent les gens du coin, les vrais Palavasiens ou Valrasiens, comme s’affirment les Sétois ou Agathois reconnus par leurs attaches urbaines.
Au retour, souvenirs et récits meublent les échanges, augmentant et renforçant le désir de vacances. Le littoral de l’Hérault tout de sable et de mer douce conquiert une reconnaissance de fait qui sera largement exploitée par les vacanciers et par les aménageurs prenant appui sur le tourisme de masse et le paradis des vacances familiales.
[1] Source : Gaumont Pathé Archives.
Bibliographie
- Alain Corbin, Le territoire du vide. L’Occident et le désir de rivage (1750-1840), Paris, Champs Flammarion, 1990.
Transcription
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Date de la vidéo: 07 oct. 2014
Durée de la vidéo: 02M 33S