La disparition des sardines
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Résumé
Les pêcheurs spécialisés dans la pêche des sardines et anchois, ont fait face en 2008 à une brutale disparition de ces poissons pélagiques, remettant en question tout l’équilibre d’une pêcherie. Les chercheurs d'IFREMER se sont mobilisés pour mener l’enquête sur les causes de cette évolution.
Date de publication du document :
21 déc. 2022
Date de diffusion :
19 sept. 2011
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Contexte historique
ParSyndicat mixte du bassin de Thau (SMBT) etRetraité IFREMER
Jusqu’en 2008, les ports de pêche de la Région Occitanie accueillaient des chalutiers spécialisés dans la pêche du poisson blanc (merlu, baudroie, rouget, sole …) et d’autres dans celle des poissons bleus : sardines et anchois, appelés aussi petits pélagiques
. Ils pratiquaient alors leur activité sur l’ensemble du Golfe du Lion. La moitié des chalutiers de Sète ciblait spécifiquement les sardines et les anchois. Une autre catégorie de navires, les lamparos, était spécialisée dans la capture de ces espèces, en particulier dans les ports du Roussillon, autour de Port-Vendres, en période estivale.
Afin de préserver les stocks de poisson blanc, ou démersal, pleinement exploités, les scientifiques et les pouvoirs publics avaient accompagné le redéploiement des chalutiers vers les petits poissons pélagiques, en favorisant l’utilisation de nouveaux engins de pêche adaptés à ces pêcheries (chaluts à 4 faces pour une plus grande ouverture, mis au point par IFREMER), en encourageant l’équipement frigorifique des navires pour conserver au mieux ces captures fragiles et en soutenant les initiatives des organisations de producteurs pour valoriser au mieux ces espèces. Chaque année, grâce à des campagnes à la mer (programme PelMed), l’institut de recherche IFREMER proposait une estimation des stocks et renseignait les pêcheurs sur leur état. Les captures atteignaient alors 10 à 12 000 tonnes par an, loin des stocks disponibles estimés à plus de 100 000 tonnes et en bon état. Les ventes de ces poissons s’effectuaient sous les criées locales (Port-Vendres, Port-la-Nouvelle, Agde, Sète, le Grau-du-Roi) ou auprès des organisations de producteurs (OP) chargées de structurer la commercialisation des produits de la mer et de trouver des débouchés. L’OP SATHOAN, basée à Sète, mettait en vente les sardines et les anchois auprès de grossistes spécialisés (les mareyeurs) mais également auprès de transformateurs (conserveurs notamment) avec lesquels des contrats étaient établis pour écouler de grandes quantités.
La situation semblait donc sereine quand soudain, en 2008, les chalutiers et les lamparos se trouvent confrontés à une disparition brutale des sardines et des anchois de grande taille. Le poisson est non seulement plus rare, mais les tailles moyennes des captures diminuent de façon très importante, d’abord pour la sardine, puis pour l’anchois. La sardine, pour s’adapter à ces nouvelles conditions, réduit sa taille de première maturité sexuelle, et pond donc plus tôt : seuls restent alors disponibles à la pêche des individus plus petits et plus maigres, qui ne correspondent pas du tout à la demande des marchés. Privés de produits, les poissonniers se tournent vers la façade atlantique pour pouvoir proposer ces espèces très prisées du grand public, en particulier en été pour les grillades. De leur côté, les conserveurs cessent de s’approvisionner en sardines trop petites et trop maigres, remettant en cause l’équilibre économique des organisations de producteurs et des armements de pêche.
Sollicités pour identifier les causes de cette situation inédite, les chercheurs d’IFREMER éliminent les premières hypothèses : il ne s’agit pas de surpêche, ni de problèmes de stocks puisqu’il y a du poisson, mais de petite taille, ni de prédation par les grands pélagiques (thon rouge). Finalement, l’enquête se centre autour d’une problématique : l’alimentation des sardines et des anchois, donc le zooplancton disponible. Une expérimentation au laboratoire IFREMER de Palavas permet de montrer que, nourries avec du zooplancton en bassins, les sardines reprennent leur croissance. L’amaigrissement s’explique donc bien par la qualité de l’alimentation, et s’appuie sur des phénomènes environnementaux dépassant largement le périmètre du Golfe du Lion.
Aujourd’hui, les navires spécialisés dans le poisson bleu ont dû se tourner vers d’autres ressources (poisson blanc) ou sortir de flotte (avec des financements européens), fragilisant ainsi l’ensemble de la filière pêche en Méditerranée française.
Transcription
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Anne-Sophie Mandrou
Place au dossier de cette édition, il nous emmène en mer à la recherche des sardines, des sardines de plus en plus rares dans les filets des chalutiers sétois depuis deux ans, une disparition brutale et sans explication évidente, les scientifiques ont écarté la surpêche et la prédation des thons.Alors, d’où vient le problème.Regardez l’enquête de Carine Alazet, Valérie Banabera, et Enrique Garibaldi.
Carine Alazet
Sur l’étal de cette poissonnerie des halles de Sète, pas de sardines.
Cyril Caumette
Ça fait deux trois ans qu’on n’a plus de sardines.Alors, pourquoi ? On ne sait pas mais bon, quand il y en a de la sardine de Méditerranée, elle est vachement maigre, et elle n’est pas bien, voilà.
Carine Alazet
Situation identique un peu plus loin, comme dans toutes les poissonneries de la ville d’ailleurs.S’approvisionner en sardines pêchées à Sète, est resté difficile tout l'été voire impossible certains jours.
Pascal Alonso
Celles-là sont d’Espagne.Elles sont grosses, elles sont… Ce n’est pas celles d’ici quoi !Pour les clients qui connaissent, c’est un peu dur à vendre.
Céline Azais
On a la possibilité, voilà, d’acheter également en criée de Sète, en criée d’Agde et de Port-la-Nouvelle, et sur la criée de Port-Vendres, parce que Sète, c’est trop compliqué, enfin, il n’y en a quasiment plus quoi !Il n’y en a quasiment plus.Encore un petit peu d’anchois mais la sardine c’est encore beaucoup plus difficile.
Carine Alazet
Il y a deux ans encore, treize chalutiers pêchaient ces petits poissons bleus.Mais face à la raréfaction de la sardine, un seul continue aujourd’hui.Comme tous les après-midis, son propriétaire attend son retour sur le quai de la criée.
Roger Delponte
On n’a jamais connu cette situation, il y avait beaucoup de sardines, il y en a toujours eu, et d’un coup, elle a disparu.Alors, on se demande d’où ça vient.L'IFREMER ne nous a pas encore renseignés sur l’hypothèse du départ de la sardine.
Carine Alazet
Direction l'IFREMER, au sein de l’institut, ces deux chercheurs sont chargés de l’étude des petits poissons bleus.Leur évaluation annuelle des stocks de Méditerranée confirme le constat général, cinq fois moins de sardines en cinq ans.Plus inquiétant, l’état de santé des sardines adultes, en âge de se reproduire donc, s’est fortement dégradé.En cause, leur alimentation.
David Roos
La sardine et l’anchois, mais la plupart des petits pélagiques, mangent du plancton et notamment une partie du plancton qu’on appelle le zooplancton.Nous supposons, aujourd’hui, effectivement, que le milieu n’est plus favorable à la croissance et à la survie des plus grosses sardines et des plus gros anchois.
Carine Alazet
Si l’hypothèse des problèmes d’alimentation des sardines, la plus probable aujourd’hui, se confirme, c’est inquiétant pour les pêcheurs.Car l’anchois aussi se nourrit de plancton, et les mesures le prouvent, ce poisson devient, lui aussi, chaque année plus petit et plus maigre, donc plus difficile à vendre.Ce jour-là, sur un peu plus de 2 tonnes pêchées, 300 kilos n’ont pas trouvé d’acheteur, pour la SATHOAN, coopérative de pêcheurs spécialisée dans le poisson bleu, l’avenir est sombre.
Bertrand Wendling
Évidemment, la situation est très compliquée, très tendue d’un point de vue économique, on n’a pas renouvelé un certain nombre de postes pour faire face à la perte de rentabilité d’entreprise, et on serre les coudes pour essayer de trouver des solutions qui puissent être pérennes pour l’ensemble du personnel.
Carine Alazet
Depuis plusieurs mois, le personnel est d’ailleurs en chômage partiel.Tout comme les pêcheurs, les employés espèrent sortir au plus vite de ce mauvais cycle.Mais pour l’instant, pas de solution, seulement attendre et ce n’est vraiment pas rassurant.
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