Le plan Séguin
Notice
Encore un plan de financement de la Sécurité sociale. Il porte le nom de son auteur, Philippe Séguin qui fut un des plus grands ministres de la Sécurité sociale, comme en témoignent ses funérailles nationales organisées lors de son décès. Le principe directeur de ce plan est la lutte contre la dérive vers le 100 %. Cette problématique est toujours d'une brûlante actualité.
Éclairage
Avec le changement de couleur politique du Gouvernement après les élections de mars 1986, Philippe Séguin devient Ministre des Affaires sociales avec les attributions les plus larges, puisque son ministère comprend, outre la Sécurité sociale, la santé, la famille, le travail et l'emploi.
Dans l'histoire du ministère, cette configuration a été plutôt rare. On peut citer Edgar Faure au début des années soixante-dix et Pierre Bérégovoy à la fin des années quatre-vingt, où le ministère prit cette taille maximum. La Sécurité sociale fut au début de son histoire rattachée au ministère du travail et dans les décennies les plus récentes au ministère de la santé.
Après s'être, pendant les premiers mois, consacré au dossier Travail – Emploi, car le chômage ne cesse d'augmenter, Philippe Séguin s'attaque au dossier de la Sécurité sociale. Il constate un déficit considérable. Ce type de constatation va devenir tellement habituel que l'on peut se demander si accoler Sécurité sociale et déficit ne constitue pas une forme de pléonasme.
Philippe Séguin décide donc de lancer des Etats généraux de la Sécurité sociale, une campagne symbolisée par une baleine en train de plonger. La symbolique était très forte : la baleine est un animal énorme - comme la Sécurité sociale -, la baleine a une image sympathique dans le public - comme la Sécurité sociale -, la baleine est représentée alors qu'elle plonge vers les abysses - comme le trou abyssal de la Sécurité sociale -, la baleine est une espèce menacée - comme la Sécurité sociale est menacée par tous ses détracteurs.
En dehors des mesures classiques que l'on retrouve dans tous les plans de financement de la Sécurité sociale, le plan Séguin a un axe fort. C'est celui de la dérive vers le 100 % en Assurance maladie.
En effet, les ordonnances de 1945 ont instauré, il faut le rappeler, le ticket modérateur. Le principe fondateur de la Sécurité sociale n'était pas, et d'ailleurs n'a jamais été, la prise en charge des dépenses maladie en totalité, c'est-à-dire à 100 %, sans ticket modérateur. Mais, dès 1945 une exception a été mise en place pour les Affections de Longues Durées (ALD), que l'on désigne également sous le vocable de « Thérapeutiques particulièrement longues et coûteuses ». C'est ce que l'on a appelé la règle de la 26e maladie. Il y avait en effet 25 maladies (aujourd'hui 30) particulièrement graves et énumérées nominativement, plus une « 26e maladie », non définie mais représentant pour l'assuré des coûts élevés. Ces 26 maladies bénéficient de l'exonération du ticket modérateur.
Philippe Séguin constate que la dérive vers le 100 % ne fait que croître. Pour casser cette dérive, il décide dans son plan que seuls donneront lieu à une prise en charge à 100 %, les soins liés à la maladie exonérante : l'ALD ; le reste reste soumis au ticket modérateur (TM ) même si l'assuré est en ALD. On crée l'ordonnancier bizone, encore en vigueur aujourd'hui. Un journaliste utilise cette expression imagée : « Le rhume de cerveau du cancéreux ».
Autrement dit, cela implique que toutes les dépenses liées strictement au cancer sont exonérées du TM, mais que les autres (par exemple le rhume de cerveau) doivent se voir appliquer un TM.
Aujourd'hui le constat que fait la Cnam montre que la situation n'a fait qu'empirer : près de 65 % des dépenses de l'Assurance maladie sont des dépenses prises en charge à 100 %, et d'ici quelques années on devrait atteindre les 70 % .