Hommage à François Billoux
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François Billoux, député communiste des Bouches-du-Rhône et ex-ministre de l'Economie et de la Défense, est décédé à l'âge de 75 ans. Pendant la guerre, il a été arrêté par le Gouvernement de Vichy et déporté en Algérie.
Date de diffusion :
16 janv. 1978
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François Billoux vient de mourir, le 14 janvier 1978, à Menton, à l'âge de 75 ans. Avec lui disparaît l'un des chefs inamovibles du Parti Communiste Français et le leader "historique" du communisme marseillais, qu'il dominait depuis quarante ans. Comme il est de tradition, l'évocation du défunt faite dans cette séquence - sa nécrologie - est très conformiste, d'autant qu'elle a été demandée à l'un des responsables de la Fédération Communiste des Bouches-du-Rhône, dont toute la formation s'est faite sous la houlette du défunt. Robert Allione, élevé dans le sérail, militant CGT et PCF depuis la Libération, est "permanent" communiste depuis 1961, membre de la direction fédérale depuis 1965, membre du comité central depuis 1972. La version pieuse qu'il donne de la vie de François Billoux est renforcée par les photographies qui l'accompagnent. En même temps, elle illustre bien l'extraordinaire respect dont il était entouré par les cadres et les militants. Son itinéraire se confondait en effet avec l'histoire du Parti Communiste, non seulement à Marseille, mais aussi dans toute dans la région. Il témoignait de son implantation, de ses luttes, de ses heures de gloire, mais aussi de ses échecs ou de ses errements. Billoux, membre du PC depuis sa création, appartenait à la "génération de la bolchevisation" pour qui la défense du communisme soviétique et de son idéologie relevait de l'acte de foi. Le jeune idéologue, ancien responsable de la jeunesse communiste, rompu aux techniques légales et illégales, était arrivé à Marseille le 31 janvier 1934 comme "instructeur". Il avait été envoyé par le Comité Central pour prendre en main un parti trop faible dans une ville aussi stratégique, avec son port relié aux quatre coins du globe et sa population ouvrière qu'il ne fallait pas laisser tomber aux mains des fascistes (Sabiani) et des truands (Carbone et Spirito). Devenu secrétaire régional, profitant de l'embellie du Front populaire, il avait mené la "bataille pour Marseille propre", conduit la "reconquête" du port et battu Simon Sabiani aux législatives de 1936. Ce succès l'avait propulsé au bureau politique du PC au congrès d'Arles de 1937. Il allait y rester jusqu'en 1973.
Antifasciste, engagé dans l'action en faveur de l'Espagne républicaine (pour laquelle le port de Marseille jouait un rôle essentiel), il était aussi très hostile aux "frères ennemis" socialistes et il allait en donner la preuve au début du régime de Vichy. Fidèle à la ligne de l'Internationale Communiste, justifiant donc le pacte germano-soviétique et la condamnation de la guerre "impérialiste", il avait été arrêté avec les autres parlementaires communistes (dont Paul Cermolacce évoqué dans le reportage) le 20 octobre 1939 et condamné à cinq de prison en avril 1940 avec eux, les "27", dont il était le porte-parole. C'est aussi en cette qualité qu'il avait écrit de la prison du Puy au Maréchal Pétain, le 9 décembre 1940, pour proposer de témoigner contre les chefs politiques de la IIIe République "fauteurs de guerre" comme Blum, Daladier, Reynaud, etc, dont Vichy préparait le procès. On remarquera que ces épisodes - le "chemin de l'honneur", le procès dont le régime de Vichy est crédité, la déportation en Algérie - sont présentés dans le document sous un angle qui relève de la mémoire héroïque, et non de l'histoire. Transféré en Algérie en 1941, il avait été libéré de prison avec ses camarades en février 1943 après le débarquement américain. Retrouvant ses responsabilités dirigeantes dans un PC devenu l'un des éléments les plus actifs de la Résistance, il avait été coopté à l'Assemblée Consultative d'Alger, avant de représenter son parti au sein du gouvernement provisoire du général de Gaulle. Cette promotion lui valut d'exercer des fonctions ministérielles dans la France de la Libération, à la Santé Publique d'abord, puis à l'Économie Nationale, ensuite, dans le gouvernement de Félix Gouin (député socialiste des Bouches-du-Rhône qui avait succédé au Général en janvier 1946), à la Reconstruction et à l'Urbanisme et enfin, en 1947, à la Défense Nationale. Cette expérience des responsabilités donnera lieu bien plus tard, en 1972, au moment de l'union de la gauche et dans la perspective d'un retour au gouvernement, à un témoignage qui entendait illustrer la capacité des communistes à bien gouverner (Quand nous étions ministres).
Conseiller municipal de Marseille entre 1945 et 1947, puis de 1953 à 1971, il était resté un adversaire résolu de Gaston Defferre et de la SFIO. Député des Bouches-du-Rhône de 1945 à 1978, François Billoux s'est imposé, plus qu'avant, comme le chef incontesté du communisme provençal. Épurateur redouté, il était aussi un leader vénéré localement à l'égal du secrétaire général du PC, Maurice Thorez dont il était l'un des soutiens inconditionnels. Sa fidélité au Parti lui avait valu de le représenter aux funérailles de Staline en 1953. Directeur de France Nouvelle, l'hebdomadaire chargé de justifier la ligne du Parti, il avait été nommé secrétaire du comité central en 1956. Cet homme, dont la vie se confond avec celle de son parti, disparaît au moment où les positions du PC commencent à s'éroder. Comme il se doit, en politique qui n'oublie pas les enjeux du présent, Robert Allione établit un parallèle entre le passé et l'actualité du moment. Mais le meeting que Georges Marchais, secrétaire général du PC, va tenir à Marseille, au Stade vélodrome, le 22 janvier suivant, a peu à voir avec celui que Maurice Thorez avait tenu là le 15 avril 1945. Le premier se tient dans le cadre de la préparation des législatives de mars, après l'éclatement de l'union de la gauche et alors que le PC est très contesté, tandis que le second, qui avait en vue les municipales d'avril 1945 - les premières élections depuis la Libération - reflétait l'enthousiasme unitaire du moment et la force d'un parti en plein essor.
François Billoux avait renoncé à son mandat de député et à ses responsabilités fédérales en avril 1977. C'est un autre envoyé de la direction centrale, Guy Hermier, qui reprendra sa succession marseillaise, avec un style plus adapté à son époque. Les obsèques de François Billoux auront lieu le 18 janvier 1978, non à Marseille, mais à Paris, au cimetière du Père Lachaise, afin qu'il soit inhumé aux côtés des autres chefs historiques du Parti, Thorez, Duclos, Frachon.
Bibliographie :
François Billoux, Quand nous étions ministres, Paris, Éditions sociales, 1972.
Claude Pennetier dir., Dictionnaire biographique mouvement ouvrier, mouvement social, tomes 1 et 2, Paris, Éditions de l'Atelier, 2006.
Transcription
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