Etoile Palace démonstration de Lindy hop Frankie Manning

22 septembre 1990
05m 40s
Réf. 00702

Notice

Résumé :

Sur le plateau de "Etoile Palace", Frédéric Mitterrand reçoit, en présence de la danseuse Cyd Charisse, le chorégraphe Frankie Manning. Après avoir fait une démonstration de lindy hop avec sa partenaire, le danseur évoque le temps du Savoy à New York où il dansait accompagné des plus grands orchestres de jazz, de Duke Ellington, Count Basie...Il y évoque l'atmosphère joyeuse "le monde des pieds heureux" malgré la crise d'alors.

Type de média :
Date de diffusion :
22 septembre 1990
Source :

Éclairage

Le rock a une très longue histoire qui commence en 1927, lorsque Lindbergh traverse l'Atlantique. Le New York Times titre alors : « Lindy hoped the Atlantic ». Au même moment, au Savoy Ballroom, dancing réservé aux Noirs, à Harlem (NY City), une nouvelle danse est en train de naître. D'extraordinaires danseurs noirs et leurs partenaires pratiquent une danse de couple qui n'est pas toujours en couple fermé, mais qui s'ouvre souvent, donnant lieu à des cabrioles et à toutes sortes de jeux de jambes. Une équipe de très bons danseurs se prête ainsi à des compétitions, s'observant les uns les autres, tentant chaque fois de surpasser les copains en inventant de nouvelles figures, les plus extraordinaires possible.

Un journaliste observe la scène et demande à Snowy, un des danseurs de ce groupe, le nom de la danse : Snowy lance au hasard : « Lindy-hop ! ». Et la danse est nommée ! Elle envahira le monde entier, donnant de très nombreux rejetons, encore aujourd'hui.

Ce sont tous des amis. Un autre danseur est là. Celui-ci s'appelle Frankie Manning (1914-2009). C'est lui que vous verrez danser dans cet extrait vidéo, à l'âge de soixante-seize ans ! Il est postier dans la ville, et fou de danse avec sa partenaire Norma Miller. C'est lui-même qui, lors d'une longue interview, nous a très précisément expliqué comment s'était déroulée la création de LA première acrobatie.

Observant ses amis, il remarque que l'un d'eux, pour se distinguer, sort de piste sur le dos de sa partenaire. Oh ! Quelle bonne idée ! Il propose donc à sa partenaire de faire de même. Norma lui précise qu'il n'est pas question qu'elle se livre à une telle exhibition. Mais à force de travailler sur cette idée, leur vient celle de faire passer Norma par-dessus Frankie tout en dansant. Et les acrobaties naissent ainsi, dans le petit appartement où ils préparent leurs chorégraphies dans le plus grand secret. Frankie choisit les dernières secondes du dernier round et affole toute l'assistance. Cela prend alors le nom de figures « aériennes ». Ils sont, évidemment, très vite imités, avant d'être désignés comme étant les créateurs de ce que l'on nomme aujourd'hui le rock acrobatique.

Ce lindy-hop eut donc de nombreux rejetons au fil des années, déjà du fait que les Blancs se l'approprièrent, mais sous d'autres appellations, évidemment. Ce furent : le jerrybug, le jitterbug, le be-bop à Saint-Germain-des-Prés. Mais aussi le rock'n'roll à Lyon, le jive en Angleterre et le boogie-woogie en Allemagne. Sans compter le west-coast swing, chaque dérivé du grand-père revenant régulièrement à la mode, par alternance.

La réduction verbale « rock » est très française, comme l'est aussi la façon française de danser le rock : en six temps sur une mesure et demie de quatre temps ! Alors que, à l'origine, tous ces innovateurs dansaient parfaitement en rythme, accordant une primauté très large au rythme et à la musique. Dans ce cas précis, les Français ont tenté de faire du métissage, ou du commerce, mais ils se sont lourdement trompés.

Enfin, lorsqu'il y a acrobaties, cela s'appelle le rock acrobatique, divisé en deux styles : les jeux de jambes et les acrobaties à proprement parler. Une fédération internationale gère toutes les compétitions du monde dans ce type de danse, comme d'autres fédérations gèrent la danse sportive en général.

Pour donner quelques informations sur les pas et sur les rythmes, disons que les danseurs de ces styles utilisent basiquement deux pas : le balancé (pas marché = branle simple = deux poses de pieds sur deux temps musicaux) et le pas chassé (piétiné = branle double = trois appuis sur deux temps). Donc, rien de nouveau à signaler. Ce sont les façons d'utiliser ces pas, les dynamismes choisis et développés, les accents, l'utilisation de l'espace, les vitesses, et les postures qui vont créer des différences appelées des styles.

Musicalement parlant, le choix est logiquement restreint, évidemment. Seules les qualités musicales, artistiques et sportives des danseurs et des danseuses vont attirer le regard et passionner, ou nous faire tourner la tête pour admirer un autre couple. Voici les rythmes de base utilisés dans ces styles, tout en sachant que les grands danseurs peuvent en jouer à l'infini, comme des pianistes qui improvisent avec leurs deux mains. Mais l'on retrouve tous les ingrédients déjà vus.

Rock en 4 temps ou street rock

Rock en 6 temps (rock populaire)

très dansé et encore enseigné

Rock en 8 temps (lindy-hop),

le pas d'origine

Interprétation ternaire supposée

Remarquez enfin l'interprétation ternaire supposée, qui vient du jazz né en même temps.

Christian Dubar

Transcription

(Musique)
(Bruit)
Frédéric Mitterrand
Bravo, eh oui, comment pouvait-on, comment pouvait-on honorer le ballet américain sans honorer aussi Franckie Manning, qui se tient à côté de moi, et je suis extrêmement fier de l’avoir comme ça, si près. Car en effet, j’ai découvert il y a quelques années ce qu’on appelle le lindy hop. C’est-à-dire, cette danse qui se faisait dans les cabarets, dans les boîtes dans les années 40, et qui était une chose absolument magnifique où les gens volaient en l’air. Franckie Manning est l’un des plus grands spécialistes du lindy hop. Franckie Manning est un homme qui est âgé de 75 ans, on peut le dire, puisque c’est marqué dans les programmes ; et qui fait preuve d’une extraordinaire vitalité, comme il nous l’a montré cet après-midi. Alors, Franckie Manning, est-ce que vous pourriez nous dire comment était l’atmosphère au Savoy Ballroom quand vous y étiez professeur et danseur de lindy hop ?
Franckie Manning
Eh ben, l’atmosphère au Savoy et dans la salle de danse, quand j’y étais, c’était vraiment, tout le monde était de bonne humeur, c’était très chaleureux, c’était au moment de la dépression, vous savez. Et quand on entrait au Savoy, il n’y avait plus de dépression. On entrait là-dedans on entendait les orchestres, on entendait le swing, ça swinguait, ça chauffait, ça dansait et on s’amusait. Tout le monde s’amusait. Eh ben, on oubliait la dépression, on était de bonne humeur, on était bien dans sa peau et c’était comme ça, voilà. C’était donc une période très, très heureuse, le Savoy. On appelait ça d’ailleurs le monde des pieds heureux, et Lana Turner l’avait baptisé, donc forcément, c’était un endroit heureux.
Frédéric Mitterrand
Tous les plus grands noms du jazz ont été avec vous, Duke Ellington notamment, Dizzy Dillespie, tout le monde a eu recours à vos services. Ça doit vous faire plaisir quand même d’avoir un tel tableau de chasse ?
Franckie Manning
Bien sûr, bien sûr, être avec des gens aussi bien connus, le Duke Ellington, le roi du swing, Benny Goodman et toutes les têtes couronnées de la musique, Satchmo, Louis Armstrong, bien sûr, c’était au paradis, c’était la noblesse de la musique. Donc, c’était une époque dorée, j’étais très heureux, très honoré d’être avec tous ces gens-là à cette période. Et je m’amusais bien, je m’amusais comme un fou, ça, c’est très important.
Frédéric Mitterrand
Alors, Madame Cyd Charisse, vous regardez Franckie Manning avec énormément d’affection. Je vois ça dans votre regard et dans votre attitude. Qu’est-ce que, qu’est-ce que signifie pour Cyd Charisse quelqu’un comme Franckie Manning ?
Cyd Charisse
Il représente tout ce qu’il y a de force dans la danse. Bill Robinson avait commencé la vie de la danse, pour moi et j’ai suivi tous ces danseurs, toutes leurs carrières. Il y avait un groupe de danseurs de claquette extraordinaire que nous avons vu à Lyon, ils étaient d’ailleurs de tout à fait premier ordre. Et je crois que la danse, c’est aussi cet univers de chaleur, et les spectateurs français adorent ça et ont beaucoup, beaucoup aimé tous ces grands danseurs.
Frédéric Mitterrand
Je vous propose d’écouter…