Allocution radio-télévisée du 3 juillet 1958 prononcée à Alger

03 juillet 1958
06m 09s
Réf. 00016

Notice

Résumé :

En juillet 1958, lors d'un voyage officiel en Algérie, peu de temps après son retour au pouvoir, le général de Gaulle - en tenue militaire - lit un discours, assis à un bureau, dans lequel il trace les grandes lignes de la politique de rénovation sociale et économique de la France en Algérie pour les mois à venir.

Type de média :
Date de diffusion :
04 juillet 1958
Date d'événement :
03 juillet 1958
Lieux :

Éclairage

Du 1er au 5 juillet 1958, le général de Gaulle effectue un second voyage en Algérie après celui du début juin, preuve que la question algérienne constitue pour lui le problème le plus urgent qu'il doit résoudre. Il y prend contact avec les chefs militaires et des personnalités musulmanes, mais refuse de recevoir une délégation du Comité de Salut Public qu'il considère comme un organisme sans légitimité. Son allocution, prononcée en tenue militaire, a pour objet de préciser l'idée de rénovation dans la fraternité qu'il a proposée le 4 juin et s'adresse essentiellement aux musulmans. A ceux-ci il promet l'égalité civique - y compris aux femmes musulmanes - au sein d'un collège électoral unique, un effort de scolarisation, d'éducation et de formation permettant l'accès aux emplois publics, la construction de logements et le développement économique grâce à un effort considérable d'investissements en provenance de la métropole.

Serge Berstein

Transcription

(Silence)
Charles de Gaulle
Voici que s'achève la rapide et émouvante visite que j'ai rendue à l'Algérie en compagnie de plusieurs ministres. Nous sommes allés au coeur du pays et, par là, au coeur des problèmes. Tout récemment, j'ai déclaré à Alger, au nom de la France, que les dix millions de Français d'Algérie ont tous les mêmes droits et les mêmes devoirs. Ce soir, je proclame que la France entend mener à bien sur ce sol le vaste plan de rénovation qui permettra d'atteindre le but et dont tous auront leur part. Il s'agit d'abord que chacun gagne sa vie en travaillant. Dès aujourd'hui, de nouveaux chantiers vont s'ouvrir. Y sont affectés 15 milliards supplémentaires de crédits pour l'année en cours, s'ajoutant aux 62 milliards prévus en 1958 au budget métropolitain pour l'équipement de l'Algérie. Nos grands établissements de crédits interviendront pour compléter les moyens de cette action d'urgence. Il s'agit ensuite d'imprimer à l'Algérie un grand et nouvel essor d'activités. Cette contrée peut avoir une industrie moderne, c'est dire qu'il faut qu'elle l'ait. Les ressources nécessaires : son sol, son sous-sol les contiennent. Cette année ne se terminera pas sans que j'ai annoncé quels grands ensembles industriels nouveaux vont se construire sur ce territoire et quelles sources d'énergie auront à les alimenter. L'agriculture doit se moderniser, tirer le meilleur parti du sol, restaurer les terres dégradées, irriguer les zones sèches, très grande affaire de technique et de concours financiers que la France veut mettre en oeuvre. D'autre part et dès à présent, les garanties seront données pour que soient effectivement respectées les dispositions légales destinées à protéger les travailleurs de l'agriculture. Il s'agit encore d'accroître l'effort qui, déjà, se développe si heureusement pour construire des logements dans les villes et dans les campagnes. Dès cette année sera doublé le nombre d'habitations nouvelles. Tous les jeunes Français, ceux d'ici comme ceux d'ailleurs, doivent pouvoir accéder à l'éducation nationale. C'est là une tâche immense. Le plan voulu est adopté avec objectif ceci : que, d'ici 10 ans au plus, tous les enfants d'Algérie aillent en classe. Il faut donc non seulement poursuivre l'actuelle scolarisation mais y ajouter un effort massif d'éducation de base en faveur des populations dispersées. Il faut étendre et améliorer la formation professionnelle. Il faut multiplier les centres et les stages de préparation à la fonction publique afin d'ouvrir beaucoup plus largement l'accès aux emplois dans les administrations et les services nationalisés. Une telle oeuvre, pour qu'elle soit possible et pour qu'elle soit féconde, exige la sécurité. Celle-ci, je l'ai constaté, est en voie de se rétablir mais, en considération de ce que, ici, la France veut faire pour le bien des hommes, y aura-t-il un seul homme qui puisse lui refuser son concours ? D'autant qu'en Algérie, chacun et chacune reçoivent le droit d'exprimer librement leur volonté par le suffrage. Demain, seront publiés trois décrets prescrivant d'établir les listes électorales en vue de la grande consultation prochaine, instituant le collège unique dans toutes les communes de l'Algérie et organisant pour la première fois l'exercice du droit de vote des femmes musulmanes qui pourront, avec les autres citoyennes et citoyens, décider du destin commun à tous les Français. Et, nous allons marquer à l'avance cette unité d'un signe visible : très prochainement : il n'y aura plus qu'une seule catégorie de timbres en métropole et en Algérie. La France nouvelle a de grands devoirs. Elle a donc de grands objectifs économiques, sociaux, moraux. Bref, elle a de grands projets humains. A l'Algérie, sa juste part. Vive la France !