Allocution du 4 octobre 1962 (élection du président de la République au suffrage universel)
Notice
A la suite de l'allocution du 20 septembre proposant l'élection du Président de la République au Suffrage universel, une motion de censure a été déposée à l'Assemblée Nationale contre le gouvernement. Avant l'ouverture des débats à l'Assemblée, le général de Gaulle s'adresse aux Français. Après avoir dressé un bilan comparatif entre l'ancien et le nouveau régime, il en vient aux raisons "pressantes" qui le déterminent à proposer l'élection du président au suffrage universel. Il appelle les Français à voter "oui" lors du référendum, le 28 octobre.
Éclairage
Depuis la conclusion en mars 1962 de la paix en Algérie et l'accession de l'Algérie à l'indépendance le 3 juillet, une page de l'histoire de la Vème République est tournée. De Gaulle n'ignore pas que, la guerre d'Algérie terminée, les forces politiques sont décidées à le chasser du pouvoir pour restaurer la toute-puissance du Parlement. Au cours des mois de juin et juillet, l'alliance de fait entre une gauche hostile au régime de la Vème République et une droite au sein de laquelle les nostalgiques de l'Algérie française ont un poids considérable prive virtuellement de majorité le gouvernement formé au printemps par Georges Pompidou. C'est d'extrême justesse qu'une motion de censure a été évitée en juillet.
Aussi de Gaulle est-il résolu à reprendre l'initiative. Il y est poussé par un attentat de l'OAS dirigé contre lui le 22 août 1962 au Petit-Clamart, au cours duquel il échappe de justesse à la mort. Après le Conseil des ministres du 29 août, le Général annonce son intention de proposer une révision constitutionnelle pour assurer la continuité de l'Etat et on apprend le 12 septembre qu'il s'agit de proposer un référendum disposant que le Chef de l'Etat sera désormais élu au suffrage universel, ce qui provoque un tollé de toutes les formations politiques à l'exception des mouvements gaullistes. A la rentrée parlementaire, le 2 octobre 1962, une motion de censure a été déposée contre le gouvernement Pompidou, constitutionnellement responsable de la décision de soumettre la révision à référendum, par les Indépendants, le MRP, les socialistes et les radicaux, motion qui doit être discutée le 5 octobre et qui semble devoir recueillir une majorité. Aussi le 4 octobre, de Gaulle en s'adressant aux Français (et indirectement aux députés) vise-t-il à exercer une pression pour dissuader l'Assemblée de voter la censure.
Son allocution rappelle aux Français leur vote de 1958 en faveur d'un régime dans lequel le président joue un rôle central et déterminant, régime qui a permis le redressement du pays dans tous les domaines, qu'il détaille à loisir ; il fixe ensuite clairement les enjeux du débat : faut-il ou non maintenir cette prééminence présidentielle grâce à laquelle ont été obtenus les résultats positifs qu'il a décrits ? La réponse ne pouvant être que positive, le Général explique les raisons qui justifient la révision, au premier chef le risque qu'en cas de disparition du président lors d'un attentat comme celui qui vient de se produire, le régime lui-même ne soit menacé et que ne soient remis en cause les progrès accomplis depuis 1958, dangers que pourrait conjurer l'élection d'un président au suffrage universel. Enfin concernant la procédure choisie, il insiste sur le fait que rien n'est plus conforme au principe républicain et à la démocratie que la désignation du Chef de l'Etat par le peuple souverain, moyen d'opérer une pression sur les députés tentés par le vote de la censure en les accusant implicitement de refuser au peuple l'exercice d'un droit qui lui appartient. Et, comme toujours, il rappelle qu'une réponse positive au référendum constituera pour lui un renouvellement de sa légitimité.