1968 : Manifestations au festival d'Avignon
Notice
Après des images de plusieurs manifestations pendant le festival d'Avignon de 1968, Jean Vilar est interviewé devant le Palais des Papes, où plusieurs dizaines de personnes se sont réunies aux cris de « Béjart, Vilar, Salazar » avant le début d'un spectacle. Il parle de « quelques camarades un peu trop vifs » minimisant les propos du journaliste qui évoque des « violences ».
Éclairage
En juillet 1968, le 22e festival d'Avignon est fortement perturbé par les suites de la révolte qui a secoué la France en mai 68. Plusieurs dizaines de jeunes gens se retrouvent en Avignon et provoquent divers débordements devant les lieux de spectacles ou au Verger, où se tenaient les Rencontres d'Avignon depuis plusieurs années. Deux événements vont particulièrement envenimer la situation ; l'interdiction de La Paillasse aux seins nues, une pièce de Gérard Gelas, que la troupe avignonnaise du Chêne Noir devait jouer à Villeneuve-lès-Avignon, et les représentations de Paradise Now par le Living Theatre. Cette troupe américaine, créée par Julian Beck et Judith Malina, a beaucoup marqué le théâtre européen, et plus particulièrement français. En 1968, cela fait déjà 10 ans qu'ils ont été vus pour la première fois en France. Mais ce n'est que depuis 1967 que leur théâtre engagé, qui cherche à repousser les frontières du théâtre conventionnel en utilisant le happening et l'improvisation, commence à faire parler de lui. Leur mode de vie, comme leur esthétique, est fortement marqué par les thèses anarchistes. Julian Beck et Judith Malina, accompagnés de l'ensemble de la troupe, défendent l'idée d'un théâtre collectif, qui s'émancipent de l'architecture fermée des théâtres. Dans cette optique, Paradise Now se finissait dans la rue, encourageant les spectateurs à suivre les acteurs dans l'espace public. Le Maire d'Avignon, Henri Duffaut, se sert de cette sortie qu'elle requalifie en « trouble à l'ordre public » pour interdire les représentations et demander au Living Theatre de jouer une autre pièce de son répertoire, Antigone. Elle espère ainsi mettre fin aux débordements des manifestants. Le Living Theatre propose alors de jouer gratuitement en plein air, proposition refusée par la Mairie. Dans cette ambiance trouble, plus personne ne semble maîtriser grand chose, et Jean Vilar se voit interpeller par les manifestants, qui crient devant le Palais des Papes, où continue de jouer Maurice Béjart, « Vilar, Béjart, Salazar ! ». Les débordements font place à la violence et la haine. Le Living Theatre finira par quitter Avignon, ne pouvant poursuivre ses représentations. L'ambiance restera un peu houleuse jusqu'à la fin du festival, que Vilar aura maintenu coûte que coûte. Malgré tout, cette 22e édition du festival est un coup dur pour Jean Vilar, qui ne s'en remettra jamais totalement. Il meurt trois ans après, en 1971.