Un chapeau de paille d'Italie d'Eugène Labiche

21 décembre 1993
02m 12s
Réf. 00381

Notice

Résumé :

Extraits des répétitions et interview de Georges Lavaudant autour de la mise en scène du Chapeau de paille d'Italie au Théâtre de la ville en 1993.

Date de diffusion :
21 décembre 1993
Source :
A2 (Collection: JA2 DERNIERE )
Thèmes :
Fiche CNT :

Éclairage

Le Chapeau de paille d'Italie a été créé le 14 août 1851 au Palais-Royal (auquel Labiche restera longtemps fidèle) et remporte un vif succès, en témoignent les plus de 300 représentations de la pièce. L'anecdote rapporte même qu'un spectateur apoplectique mourut de rire le soir de la première [1]. Le texte a fait l'objet de nombreuses mises en scène dans le théâtre public et privé – signalons simplement le spectacle historique de Gaston Baty, pour l'entrée du tout premier vaudeville au répertoire de la Comédie-Française, en 1938, avec Pierre Bertin, Gisèle Casadesus, Jean Debucourt et Jean Meyer – ; la pièce a par ailleurs été adaptée plusieurs fois au cinéma, par René Clair en 1927 avec Albert Préjean (film muet) et par Maurice Cammage en 1940, avec Fernandel dans le rôle principal.

Labiche offre avec Le Chapeau de paille une grande comédie en cinq actes à l'action rocambolesque. La pièce retrace les mésaventures de Fadinard, qui se rend bonnement à son mariage. Mais, sur le chemin, son cheval mange « le chapeau de paille » d'une jeune inconnue, Anaïs, une femme mariée qui batifolait avec son amant, et qui ne peut par conséquent rentrer à son domicile sans chapeau à moins de se compromettre. Fadinard se met donc en quête d'un nouveau chapeau, alors que les gens de la noce, famille et amis, s'impatientent. Finalement, tous se retrouvent pris dans d'invraisemblables imbroglios alors que l'oncle de Fadinard tente de remettre à la jeune promise, depuis le début, un chapeau de paille d'Italie en guise de cadeau de mariage.

Dès l'ouverture de la pièce, Labiche propose une exposition très détaillée, des développements explicatifs avec quantité d'information pour le spectateur, qui doit cerner d'emblée les composantes psychologiques des personnages, leurs attributs et leurs fonctions. Dans Le Chapeau de paille, ce sont les domestiques, Virginie et Félix, qui sont pour le spectateur les passeurs de ces informations. Cette mise en condition doit susciter et soutenir l'intérêt du spectateur et participe de l'art des préparations. Nous en savons toujours plus que les personnages et ce décalage a pour effet de provoquer le rire quand ces mêmes personnages ne savent pas démêler les quiproquos, éviter les rencontres importunes, parer à un coup du sort. Contrairement au spectateur, l'élément déclencheur et perturbateur de l'intrigue, ainsi que la possibilité de la solution, qui est sous leurs yeux depuis le début, font défaut au personnage. Pour le public, tout le jeu consiste donc à estimer la valeur des informations qui lui sont délivrées et à jauger en quoi un objet, le fameux chapeau par exemple, peut provoquer la catastrophe ou participer au dénouement, comment un petit rien peut dérégler la vie bien organisée d'une communauté de personnages et l'entraîner dans une course effrénée et circulaire (avec retour au point de départ). Le Chapeau de paille d'Italie apparaît dès lors comme un cauchemar éveillé à travers un Paris devenu étrange et inquiétant.

[1] Notice d'Un chapeau de paille d'Italie in Théâtre de Labiche, tome 1, Bordas, « classiques Garnier », 1991, p. 309.

Céline Hersant

Transcription

Présentatrice
Théâtre, Georges Lavaudant, c’est un homme de théâtre, qui met en scène aussi bien Shakespeare, Tchekhov qu’une pièce de Labiche. Un chapeau de paille d’Italie est un vaudeville qui se joue actuellement au Théâtre de la Ville et cela jusqu’à la fin de l’année. Ambiance avec Jean-Jacques Dufour et Jean Cornail.
(Musique)
Journaliste
Mettre en scène Labiche, Georges Lavaudant en rêvait depuis longtemps. D’abord, pour s’offrir une récréaction et ensuite parce qu’il considère qu’Eugène, c’est bien au-delà de la simple gaudriole.
Georges Lavaudant
Je crois que c’est un auteur qui a une qualité de poésie dans les situations qui étaient rares, c’est-à-dire toujours sur le rire, sur l’absurdité des jeux de mot, il y a derrière une vraie poésie, puis des choses même profondes.
Comédienne 1
Oh, mon Dieu ces rubans.
Comédien 1
Ah oui, c'est une décoration.
Comédien 2
C'est une jarretière.
Comédien 1
Voilà, c'est ça ! L'Ordre de la Jarretière ! De Sancto Campio Petro Nero, et Dieu que j'ai chaud !
Comédienne 1
Oh, mais ce n’est pas joli.
(Bruit)
Journaliste
Pour faire rire, l’ami Eugène a inventé une formidable mécanique comique, et la mécanique du rire, ce n’est pas de la tarte à mettre en scène.
Georges Lavaudant
Parce qu’on a ce sentiment qu’on doit faire rire. Au bout d’un moment, tout cela devient sinistre, c’est-à-dire jour après jour, passés les premiers moments de bonheur, si vous voulez, quand il faut reproduire chaque jour en répétition, sans le public, la qualité d’émotion ou d’absurdité qui a présidé au rire, cela devient un exercice au contraire terrifiant.
Comédien 3
Ah mon gaillard, il paraît que vous adorez les petits pieds ?
Comédien 2
Aux truffes ?
(Bruit)
Journaliste
Eh oui, terrifiant parce que comme le dit Lavaudant, Le chapeau de paille, c’est une pièce sur deux roues. Si elle n’avance pas vite et en équilibre, elle tombe.
(Musique)
Journaliste
Avec Georges Lavaudant, les spectateurs n’ont pas de souci à se faire, cela tourne rond, la troupe a le sens de l’équilibre.
(Musique)