Papierthéâtre, La Confession d'Abraham
Notice
La Confession d'Abraham de Mohamed Kacimi est jouée au festival d'Avignon 2002 par la compagnie champenoise Papierthéâtre. L'ancienne technique du théâtre de papier est rehaussée d'une parole contemporaine et des couleurs vives de l'Orient.
Éclairage
Alain Lecucq (né en 1945) a fait renaître la technique du théâtre de papier en France à travers ses spectacles, son travail de formateur et ses expositions. Après avoir fondé en France, en 1976, la compagnie de théâtre d'ombre, La Citrouille, il crée la compagnie Papierthéâtre en 1992 pour affirmer son travail de renouvellement d'une forme inventée en Angleterre au XIXe siècle et qu'il a découverte lors d'un séjour à Londres dans les années 70. Ce qui était à l'origine une miniaturisation du théâtre à l'italienne, avec ses codes précis – petite scène de carton délimitée par des découvertes et un fronton, manipulation essentiellement cachée, figurines montées sur tiges métalliques – et son répertoire (adapté de contes, romans ou pièces à succès), est largement transformé par sa posture inventive : monter des textes contemporains dans un dispositif toujours intimiste mais à la scénographie éclatée ou résolument moderne. Il y eut Empires Collages de Michel Deutsch en 1995, Elvira de Baptiste-Marrey en 1997, puis La Confession d'Abraham de Mohamed Kacimi en 2002 qui marque un tournant dans l'innovation du dispositif. Dans cette mise en scène d'Alain Lecucq et Annie Bizeau, les changements d'échelle (figurines de papier d'une quinzaine de centimètres, corps de l'acteur-manipulateur, scénographies démultipliées) rendent manifeste l'emboîtement propre au texte : une parole biblique enserrée dans l'imaginaire collectif d'un Moyen-Orient éternel et dans les conflits contemporains réels dont ce territoire est l'enjeu. Lorsque la figurine d'Abraham en deux dimensions échappe à l'espace restreint du théâtre de papier où se « rejoue » le sacrifice de son enfant dans la première scène – telle l'empreinte perpétuellement ravivée d'un acte primordial – pour changer soudainement de dimension et s'incarner dans le corps d'Alain Lecucq, acteur non maquillé, la perspective du spectateur en est modifiée, elle aussi, et entrevoit une piste de questionnements : la vie d'Abraham n'est-elle pas un raccourci de celle de l'humanité ? Combien de leurs fils les hommes ont-ils offerts en holocauste aux grandes utopies ?
L'exploration théâtrale du potentiel du théâtre en papier se poursuit avec Les Possibilités de l'anglais Howard Barker en 2003, mais la rencontre de Matéi Visniec au Centre National des Écritures du Spectacle fait naître une véritable complicité entre l'auteur d'origine roumaine et la compagnie, donnant tour à tour Théâtre décomposé en 2000, L comme oiseau en 2004, et Mansarde à Paris en 2011.
En 2007, le Théâtre de marionnettes de Bialystok, en Pologne, demande à Alain Lecucq de mettre en scène, Valérie, d'après le surréaliste tchèque Vítězslav Nezval. Le spectacle reçoit de nombreux prix dans les festivals d'Europe de l'Est.
Papierthéâtre organise tous les deux ans, depuis 1998, des Rencontres internationales de théâtre de papier particulièrement suivies et répond à une demande importante de formation un peu partout dans le monde pour les professionnels comme pour les amateurs. Son goût pour le théâtre de papier a essaimé dans bien des compagnies.