La danse contemporaine française et Dominique Bagouet
Notice
Des personnalités comme Guy Darmet, directeur de la Maison de la danse, à Lyon, et Jean-Paul Montanari, donnent leur point de vue sur le phénomène de la danse contemporaine française. Le journaliste François Cohendy tente d'identifier le style de Dominique Bagouet. Le chorégraphe, aux côtés du compositeur contemporain Pascal Dusapin, évoque son parcours.
Éclairage
En 1986, la danse contemporaine française prend son essor. Des noms surgissent, des langues chorégraphiques se délient. Régine Chopinot, Philippe Decouflé, Jean-Claude Gallotta, François Verret, Mathilde Monnier... grimpent en haut de l'affiche. Parmi ces artistes, Dominique Bagouet (1951-19992) se distingue par un style intrigant, structuré par la danse classique, énervé par la vie. Des personnalités comme Guy Darmet, directeur de la Maison de la danse, à Lyon, et Jean-Paul Montanari, directeur du festival Montpellier Danse, flairent la lame de fond, celle qui va bouleverser l'histoire de la danse, et plus généralement celle de l'art.
Dans les années 70, les spectacles des américains Merce Cunningham, Trisha Brown, ont posé les jalons de l'abstraction. Alwin Nikolais, mais aussi ses interprètes Carolyn Carlson et Susan Buirge, installées à Paris, font pousser les germes d'un geste chorégraphique d'auteur. L'Allemande Pina Bausch a secoué les esprits avec son Tanztheater enraciné dans les histoires intimes des danseurs. Maurice Béjart, figure d'un néo-classique teinté de théâtralité, tient le haut du pavé. Le Concours de Bagnolet, lancé en 1968 par Jaques Chaurand pour promouvoir des pièces qui n'avaient aucun lieu de diffusion, sert de tremplin... La photo de famille est tirée : la nouvelle danse française va naître.
Les chorégraphes, dont la plupart ont une formation de danse classique, se dressent contre sa virtuosité, son élitisme, son enfermement. Ils rêvent d'un nouveau vocabulaire pour des scénarios contemporains inconnus. C'est le "boum". Pour quelles raisons la danse contemporaine a-t-elle eu autant de succès ? "Parce qu'elle était proche du public, de la vie de tous les jours et des problèmes de chacun", commente Jaques Chaurand. "Je pense que les spectateurs ont profondément besoin de cette proximité avec l'art."[1]
L'effervescence est à son comble. Liberté farouche, absence de tabou, joie de vivre, la danse a la foi dans l'autre, dans l'amour, dans l'art. Dans ce reportage, Dominique Bagouet rend un hommage à la danseuse et pédagogue classique Rosella Hightower dont il suivit les cours tout en pointant combien son vécu, ses lectures, ses voyages, inspirent son travail plus que tout autre chose. "Il est clair que l'écriture des pièces des années 80 se révèle non seulement solide et généreuse mais toujours pertinente", commente le danseur et chorégraphe Jacques Patarozzi, directeur du théâtre de Cognac. "A l'époque, le corps était véritablement l'endroit poétique d'où s'exprimaient les artistes. Et ce qu'ils disaient touchait les gens."[2]
Soutenus par les institutions – en 1981, Jack Lang prend la direction du ministère de la culture -, les chorégraphes foncent. Dominique Bagouet fut l'un des premiers, avec Jean-Claude Gallotta, à Grenoble, à diriger un centre chorégraphique. C'est celui de Montpellier qu'il inaugura en 1980 et dirigea jusqu'à sa mort en 1992. Parallèlement, il initia dès 1981 le festival Montpellier Danse, profitant de la vague de soutien institutionnel – en particulier celle de Georges Frèche alors maire de la ville - qui allait permettre l'épanouissement de la danse contemporaine en France. Un phénomène unique au monde que nombre de pays nous envie, se glissant parfois dans nos traces pour impulser un élan chorégraphique neuf.
[1] Le Monde
[2] Journal ADC, Suisse