Dominique Bagouet
Notice
Le chorégraphe Dominique Bagouet répète un nouveau spectacle. Des images de training et de travail alternent avec des séquences de danse tournées en extérieur. Ce sont les débuts de Bagouet - on est en 1980 à Montpellier - dont les studios étaient situés à l'Opéra Comédie. Ce long et émouvant reportage mené par le journaliste Jean-Calude Vernier est un bijou.
Éclairage
Il est habillé tout en blanc et décolle sur le fond de ciel bleu. En blanc toujours, il est assis dans une rue de Montpellier et observe les passants. Vision solaire et calme d'un homme visiblement heureux de faire son métier. Tranquille aussi. Ce documentaire conçu par le journaliste Jean-Claude Vernier est un très joli observatoire de la façon dont Bagouet, directeur en 1980 du Centre chorégraphique régional de Montpellier, imaginait sa danse, la partageait avec ses interprètes, travaillait au corps son classique pour le secouer de mille détails facétieux. Sa définition de la « grande virtuosité » tombe sans un faux pli : « une grande qualité de mouvement, une grande concentration, une façon de faire un mouvement dans la joie, la simplicité... »
Dominique Bagouet (1951 -1992) est l'un des chefs de file de ce que l'on a appelé, au tournant des années 80, la nouvelle danse française ou encore la danse contemporaine. Il fut l'un des premiers, avec Jean-Claude Gallotta, à Grenoble, à diriger un centre chorégraphique. C'est celui de Montpellier qu'il inaugura en 1980 et dirigera jusqu'à sa mort en 1991. Parallèlement, il initia dès 1981 le festival Montpellier Danse, profitant de la vague de soutien institutionnel qui allait permettre l'épanouissement de ce mouvement artistique en France. Un phénomène unique au monde que nombre de pays nous envient, se glissant parfois dans nos traces pour impulser un élan chorégraphique neuf.
Né à Angoulême en 1951, Dominique Bagouet découvre la danse classique à la fameuse école de Rosella Hightower, à Cannes. Interprète en 1969 du Ballet du Grand Théâtre de Genève, il y endosse le répertoire néo-classique de George Balanchine avant de découvrir le style plus théâtral de Maurice Béjart. Dès 1976, il chorégraphie ses premières pièces. Il fonde sa compagnie dans la foulée. L'amplitude de son inspiration et de sa liberté d'esprit se lit à travers les parti-pris musicaux de ses spectacles. Ribatz, Ribatz (1976) se joue de tous les clichés sur une bourrée auvergnate ; F.et Stein (1983), solo interprété par Bagouet, s'électrise sur les riffs de guitare de Sven Lava Pohlhammer ; Jours étranges (1990 ) profite de l'énergie des Doors ; So Schnell (1992) s'élance sur la cantate BWV26 de Bach. Avec la complicité du compositeur contemporain Pascal Dusapin, Dominique Bagouet chorégraphiera Assaï (1986) et Le Saut de l'ange (1987).
Dominique Bagouet a tressé une écriture insolite et subtile, injectant dans les pas classiques des accents populaires et malicieux. Son sens ajusté des détails et des ornementations fait de sa danse un régal de finesse et de fantaisie. Les doigts jouent les rideaux ou les éventails, les pieds claquent ou galopent lorsqu'ils ne sont pas soufflés par une fièvre enfantine. Et toujours la mystérieuse élégance, le détachement souriant, de celui qui sait jouer de ses références avec humour.
Dominique Bagouet est mort le 9 décembre 1992. Avec l'écrivain Jean Rouaud, il préparait une pièce intitulée Noces d'or autour de sa famille. Le spectacle ne verra jamais le jour. Depuis sa disparition, ses interprètes - Bagouet sut s'entourer de complices de choix - ont monté une association unique en son genre : les Carnets Bagouet. Parmi les missions des Carnets, la transmission des pièces, remontées par des danseurs de la troupe, est l'un des axes forts. Depuis 1993, une vingtaine de spectacles - sous forme d'intégrale ou simplement d'extraits - ont été confiée à des compagnies, des élèves de Conservatoires ou d'écoles. C'est ainsi que certaines oeuvres d'anthologie de Bagouet perdurent avec bonheur dans les interprétations du Ballet de Genève, de Lyon ou de Lorraine. Parallèlement, de nombreux films ont été réalisés sur le travail de Dominique Bagouet. La réalisatrice Marie-Hélène Rebois a finalisé trois documentaires autour de trois spectacles So Schnell, histoire d'une transmission (1998), Ribatz, Ribatz ! ou le grain du temps (2003), Noces d'or ou la mort du chorégraphe (2006). Cette trilogie autour du temps, de la transmission et de la disparition soulève quelques-unes des problématiques de fond de la danse contemporaine en insistant sur le passage de relais du geste chorégraphique.